language

CP 01977 Marcel Proust à Georges de Lauris [le dimanche soir 23 mai 1909]

Surlignage

J’ajoute que chaque feuilleton de Régnier contient
un grand nombre d’excellents calembours. « Il
y a en effet le commencement d’une chose ex-quise
dans l’Ex de M. Gandillot »
. « C’est bien une im-
passe que l’Impasse de M. Xanrof. »
« Je ne sais si la
Reprise de l’Honneur et l’Argent apportera beaucoup d’argent à
la Comédie française mais elle lui apportera beaucoup d’honneur »
.
J’oublie tous les bons.


Mon petit Georges

Il faudrait que vous eussiez
la bonté de me dire le genre
de place que désire votre
protégé
, et que vous me disiez
son âge et sa situation. Ceci
fait si vous le permettez j’attendrai
q.q. jours, car les gens viennent de
faire quelque chose (par abstention)
que j’ai trouvé insuffisamment
chaud, étant donné ma gentillesse
je veux lancer q.q. foudres et n’y


2

pas mêler une demande de service. Et
profiterai de la purification atmos-
phérique qui suivra pour lancer
vers un ciel clément un appel
écouté. Néanmoins cette embellie
pouvant devancer mes prévisions,
ne tardez pas à me donner les
renseignements nécessaires.
— . Savez-vous si Guermantes
qui a dû être un nom de gens, était
déjà alors dans la famille Paris, ou
plutôt pour parler un langage plus
décent, si le nom de Comte ou
Marquis de Guermantes
était un titre
de parents des Paris, et s’il
est entièrement éteint et à prendre pour
un littérateur. — . Connaissez-vous d’autres jolis noms
de châteaux et de gens. — . Comment s’appelait
votre propriété ?

Tendrement à vous

Marcel

Régnier continue à faire des articles qui ont, paraît-
il, le plus grand succès. Il parle ce soir de l’
admirable livre de Monsieur le Vicomte Eugène


4

Melchior etc. Il est vrai
qu’il a également parlé de
l’ admirable ouvrage de
M. René Doumic, de l’
incomparable écrivain qui a
nom Paul Hervieu (ici d’
ailleurs je m’incline), du grand
poète qui signe Jean Richepin,
etc etc etc. Bataille
seul a été houspillé, ainsi qu’
Augier. En revanche Ponsard,
Sardou, les Danichef etc etc
ont été portés aux nues (non,
Ponsard seulement loué). Le délire
a été pour ce poète délicieux qui a nom
Georges de Porto Riche. Il s’agissait de ses vers.

Surlignage
 

Mon petit Georges

Il faudrait que vous eussiez la bonté de me dire le genre de place que désire votre protégé, et que vous me disiez son âge et sa situation. Ceci fait si vous le permettez j’attendrai quelques jours, car les gens viennent de faire quelque chose (par abstention) que j’ai trouvé insuffisamment chaud, étant donné ma gentillesse je veux lancer quelques foudres et n’y


 pas mêler une demande de service. Et profiterai de la purification atmosphérique qui suivra pour lancer vers un ciel clément un appel écouté. Néanmoins cette embellie pouvant devancer mes prévisions, ne tardez pas à me donner les renseignements nécessaires.

Savez-vous si Guermantes qui a dû être un nom de gens, était déjà alors dans la famille Pâris, ou plutôt pour parler un langage plus décent, si le nom de Comte ou Marquis de Guermantes était un titre de parents des Pâris, et s’il


 est entièrement éteint et à prendre pour un littérateur.

Connaissez-vous d’autres jolis noms de châteaux et de gens.

Comment s’appelait votre propriété ?

Tendrement à vous

Marcel

Régnier continue à faire des articles qui ont, paraît-il, le plus grand succès. Il parle ce soir de l’ admirable livre de Monsieur le Vicomte Eugène


 Melchior etc. Il est vrai qu’il a également parlé de l’ admirable ouvrage de M. René Doumic, de l’incomparable écrivain qui a nom Paul Hervieu (ici d’ailleurs je m’incline), du grand poète qui signe Jean Richepin, etc etc etc. Bataille seul a été houspillé, ainsi qu’Augier. En revanche Ponsard, Sardou, Les Danicheff etc etc ont été portés aux nues (non, Ponsard seulement loué). Le délire a été pour ce poète délicieux qui a nom Georges de Porto Riche. Il s’agissait de ses vers.

J’ajoute que chaque feuilleton de Régnier contient un grand nombre d’excellents calembours. « Il y a en effet le commencement d’une chose exquise dans l’Ex de M. Gandillot » . « C’est bien une impasse que l’Impasse de M. Xanrof. » « Je ne sais si la Reprise de Honneur et l’Argent apportera beaucoup d’argent à la Comédie française mais elle lui apportera beaucoup d’honneur » . J’oublie tous les bons.

Note n°1
Lʼallusion à un article de Régnier « ce soir » sur Vogüé (note 5 ci-après) nous permet de dater cette lettre du dimanche soir 23 mai 1909. Elle semble avoir été envoyée dans une enveloppe portant le cachet postal dʼenvoi « 24/5/9 » (CP 90042) qui se trouve également à la Houghton Library (Harvard), MS Fr 694. [PK, JA]
Note n°2
Le protégé en question, M. Nogrette, était un camarade de régiment du destinataire. Voir la série de lettres échangées avec Lauris sur ce sujet et, en particulier, la lettre de Proust à Lauris datée de [peu après le 2 juillet 1909] (CP 01991 ; Kolb, IX, n° 66) dans laquelle Proust mentionne son nom. [PK, JA]
Note n°3
Il s’agit apparemment de Camille Plantevignes et de son fils Marcel Plantevignes. Voir la lettre de Proust à Lauris datée de [peu avant le 23 juin 1909] (CP 01984 ; Kolb, IX, n° 59), note 2. [JA, PK]
Note n°4génétique
Voir la lettre de Proust à François de Pâris de la [première quinzaine de juillet 1903] (CP 01835 ; Kolb, X, n° 201) note 6. En 1909, Proust hésite entre les deux noms de Guermantes et Garmantes dans les Cahiers 4, 7, 31 et 36. Voir aussi la lettre suivante de Proust à Lauris datée de [peu après le 23 mai 1909] (CP 01978 ; Kolb, IX, n° 53). Le nom de Guermantes apparaît pour la première fois au folio 35 du Carnet 1 (Carnet 1, f. 35r). [PK, JA]
Note n°5
Allusion à l’article dʼHenri de Régnier paru dans le Journal des Débats du 24 mai 1909 (journal du soir paru la veille, dimanche soir 23), p. 1 : « Avant que l’admirable étude de M. le vicomte E. Melchior de Vogüé ait révélé les romanciers russes aux lecteurs français et leur eût appris Dostoievski et Tolstoï, on n’avait guère encore lu en France que Gogol et Tourguenev. » Vogüé avait été élu membre de l’Académie française le 22 novembre 1888. [PK]
Note n°6
A propos d’un volume de René Doumic intitulé Le Théâtre nouveau, Régnier, dans son feuilleton du 6 juillet 1908, avait écrit : « Si elles sont très intéressantes en leur ensemble ces études, par une façon de voir très volontaire, très nette, très ferme, elles sont, prises isolément, d’un intérêt non moindre. Chacune d’elles vaut par de rares qualités littéraires. » (Journal des Débats, p. 1). Doumic est élu membre de l’Académie française le 1er avril 1909 et Régnier, le 9 février 1911, au fauteuil de Vogüé. [PK]
Note n°7
Dans son feuilleton du 5 avril 1909, Régnier rend compte d’une pièce de Paul Hervieu, Connais-toi, au Théâtre français : « La qualité maîtresse de l’art de M. Hervieu est dʼêtre un art de volonté et de logique, un art patient, solide, minutieux, attentif, aussi bien dans ses violences que dans ses délicatesses. M. Hervieu sait être subtil avec précision et rigoureux avec certitude. [...] Que M. Hervieu menuise un conte, bâtisse un roman, construise un drame, la structure en est toujours durable et lʼarchitecture originale et judicieuse. Lʼœuvre porte sa marque et son poinçon s’y enfonce profondément. » (Journal des Débats, p. 1). Un des personnages de la pièce en question, cousin du héros, porte le nom de Doncières. Hervieu a dû l’emprunter à la commune des Vosges. [PK]
Note n°8
Dans les Débats du 15 mars 1909, Régnier rend compte d’un drame de Richepin, La Route d’Émeraude (1909), tiré d’un roman d’Eugène Demolder, du même titre (1899), qu’on donne au théâtre du Vaudeville. Il écrit  : « Le poète des Blasphèmes et de la Mer est comme chacun sait, un lyrique éloquent et vigoureux. Sa phrase poétique a un large mouvement et une puissante ampleur. A cette caractéristique, se joint chez M. Richepin un vocabulaire très abondant et très riche. » (Journal des Débats, p. 1). Auguste-Jules, dit Jean Richepin avait été élu membre de l’Académie française le 5 mars 1908. [PK]
Note n°9
Régnier rend compte de la pièce d’Henry Bataille intitulée Le Scandale, dans les Débats du 12 avril 1909, disant que cette pièce « semble une œuvre d’une inspiration moins personnelle et moins volontaire que telle autre œuvre du même auteur. [...] Certes, Le Scandale est une pièce mouvementée et saisissante, mais dont le sujet semble avoir été fourni à M. Bataille par la réalité, sans qu’il ait pris soin de refondre cette réalité et de l’imprégner d’une vie propre. Aussi la pièce de M. Bataille conserve-t-elle, trop à mon gré, son aspect d’anecdote tragique je veux bien, mais d’anecdote tout de même, et même un peu de fait divers sensationnel. » (Journal des Débats, p. 1). [PK]
Note n°10
Voir la mention d’Augier dans le compte rendu que Régnier fait du Théâtre contemporain (1866-1868) de J. Barbey d’Aurevilly, dans les Débats du 3 août 1908 : « Les Augier, les Dumas, les Pailleron ne lui en imposaient guère. Il ne se trompait guère sur leur valeur véritable [...] » (Journal des Débats, p. 2). [PK]
Note n°11
Régnier, dans son feuilleton du 12 avril 1909, rend compte de LʼÉtau, pièce en trois actes dʼAndré Sardou. Il dit que « LʼÉtau de M. André Sardou est une œuvre pleine des promesses d’un réel talent. [...] Rien n’a pu desserrer l’étau, dont M. André Sardou semble avoir montré avec force et logique le jeu fatal et mortel. » (Journal des Débats, p. 2). L’auteur était le troisième fils de Victorien Sardou. [PK]
Note n°12
Dans son feuilleton du 24 mai 1909, Régnier écrit : « Les Danicheff sont une fort belle pièce et M. Antoine l’a remontée avec beaucoup de soin et de goût. Elle mérite, d’ailleurs, ce traitement et le succès qu’elle a retrouvé est le juste écho de celui qu’elle avait obtenu jadis. » (Journal des Débats, p. 1). Les Danicheff, dont la première représentation eut lieu à l’Odéon le 8 janvier 1876, avait eu un succès énorme, non sans rapport avec l’alliance franco-russe. La pièce était signée du pseudonyme Pierre Nevsky. L’auteur, qui s’était fait aider par Dumas fils, était Pierre de Corvin-Kroukowski (1844-1899), littérateur né en Russie, qui prétendait descendre de Corvin, roi de Hongrie. Les Annales du Théâtre (2e année - 1876), G. Charpentier, 1877, Paris, p. 244-249 et 251 ; Revue Encyclopédique, IX, p. 614-615 (Corvin-Krouowski, Pierre de), dernier paragraphe de la deuxième colonne). [PK]
Note n°13
« Nous apprécions volontiers la valeur très réelle de cet ouvrage [L’Honneur et l’Argent] de bon aloi et d’honnête inspiration. Nous sommes sensibles à ses qualités morales et scéniques, à ses monuments d’émotion mesurée, de comique sévère et un peu terne, d’éloquence parfois très ferme et solide, à sa tenue et à sa probité littéraires. Nous y applaudissons la tirade et la réplique, mais nos applaudissements sont plutôt d’approbation que d’enthousiasme. Lʼœuvre manque de chaleur communicative. » (Journal des Débats, 10 mai 1909, p. 1). Voir ci-après, la note 17. [PK]
Note n°14
Il s’agissait de ses vers. Dans son feuilleton du 12 avril 1909, disant que peu d’auteurs dramatiques emploient exclusivement la forme théâtrale, Régnier ajoute : « M. Georges de Porto-Riche n’écrivit-il pas aussi des vers charmants, ainsi que M. Maurice Donnay, et M. Henry Bataille [...]. » (Journal des Débats, p. 1). [PK]
Note n°15
Allusion au feuilleton paru dans les Débats du 3 mai 1909 où Régnier écrit : « Il y a dans le titre de la comédie de M. Léon Gandillot, que vient de donner le théâtre du Vaudeville, le commencement du mot “excellent” et, si cette épithète ne peut s’appliquer à la pièce entière de cet aimable auteur, elle convient cependant fort bien à certaines scènes de son ouvrage. » (Journal des Débats, p. 1). Proust avait publié un pastiche de Régnier dans le Supplément littéraire du Figaro le 6 mars 1909. [PK, JA]
Note n°16
Dans son feuilleton du 24 mai 1909, Régnier écrit : « C’est bien en effet une impasse que cette Impasse où se sont fourvoyés MM. Xanrof et Fred Amy. Disons tout de suite que leur ouvrage appartient au genre détestable des pièces à clé et que le sujet leur en a été fourni par une affaire retentissante et qui n’a pas eu encore son dénouement judiciaire mais c’est moins cet emprunt que je reprocherais à MM. Xanrof et Amy que l’usage qu’ils en ont fait [...] Leurs personnages font songer à des personnages de cabinets de cire, et leur ouvrage n’est guère qu’une figuration du Musée Grévin. » (Journal des Débats, p. 2). Xanrof est le pseudonyme de Léon-Alfred Fourneau (1867-1953), avocat à la Cour d’appel de Paris (1888), poète et auteur dramatique. [PK]
Note n°17
Allusion au compte rendu cité ci-dessus, note 13. Régnier écrit : « Je ne sais pas trop si la reprise de L’Honneur et l’Argent que vient de faire la Comédie Française lui rapportera beaucoup d’argent mais il n’est de doute qu’elle ne lui fasse honneur par la façon très honorable dont a été remise à la scène la célèbre comédie de François Ponsard. » Voir le feuilleton du 10 mai 1909, Journal des Débats, p. 1. [PK]
Note
Eugène-Melchior de Vogüé Le roman russe 1886 publisher pubPlace
Note
René Doumic Le Théâtre nouveau 1908 publisher pubPlace
Note
Pierre Nevsky 1876
Note
Léon Gandillot LʼEx 1909
Note
Léon Xanrof et Fred Amy LʼImpasse 1909
Note
François Ponsard LʼHonneur et lʼArgent 1853


Mots-clefs :documentationgenèsepressevie littéraire
Date de mise en ligne : April 22, 2024 15:33
Date de la dernière mise à jour : April 22, 2024 15:43
Surlignage

J’ajoute que chaque feuilleton de Régnier contient
un grand nombre d’excellents calembours. « Il
y a en effet le commencement d’une chose ex-quise
dans l’Ex de M. Gandillot »
. « C’est bien une im-
passe que l’Impasse de M. Xanrof. »
« Je ne sais si la
Reprise de l’Honneur et l’Argent apportera beaucoup d’argent à
la Comédie française mais elle lui apportera beaucoup d’honneur »
.
J’oublie tous les bons.


Mon petit Georges

Il faudrait que vous eussiez
la bonté de me dire le genre
de place que désire votre
protégé
, et que vous me disiez
son âge et sa situation. Ceci
fait si vous le permettez j’attendrai
q.q. jours, car les gens viennent de
faire quelque chose (par abstention)
que j’ai trouvé insuffisamment
chaud, étant donné ma gentillesse
je veux lancer q.q. foudres et n’y


2

pas mêler une demande de service. Et
profiterai de la purification atmos-
phérique qui suivra pour lancer
vers un ciel clément un appel
écouté. Néanmoins cette embellie
pouvant devancer mes prévisions,
ne tardez pas à me donner les
renseignements nécessaires.
— . Savez-vous si Guermantes
qui a dû être un nom de gens, était
déjà alors dans la famille Paris, ou
plutôt pour parler un langage plus
décent, si le nom de Comte ou
Marquis de Guermantes
était un titre
de parents des Paris, et s’il
est entièrement éteint et à prendre pour
un littérateur. — . Connaissez-vous d’autres jolis noms
de châteaux et de gens. — . Comment s’appelait
votre propriété ?

Tendrement à vous

Marcel

Régnier continue à faire des articles qui ont, paraît-
il, le plus grand succès. Il parle ce soir de l’
admirable livre de Monsieur le Vicomte Eugène


4

Melchior etc. Il est vrai
qu’il a également parlé de
l’ admirable ouvrage de
M. René Doumic, de l’
incomparable écrivain qui a
nom Paul Hervieu (ici d’
ailleurs je m’incline), du grand
poète qui signe Jean Richepin,
etc etc etc. Bataille
seul a été houspillé, ainsi qu’
Augier. En revanche Ponsard,
Sardou, les Danichef etc etc
ont été portés aux nues (non,
Ponsard seulement loué). Le délire
a été pour ce poète délicieux qui a nom
Georges de Porto Riche. Il s’agissait de ses vers.

Surlignage
 

Mon petit Georges

Il faudrait que vous eussiez la bonté de me dire le genre de place que désire votre protégé, et que vous me disiez son âge et sa situation. Ceci fait si vous le permettez j’attendrai quelques jours, car les gens viennent de faire quelque chose (par abstention) que j’ai trouvé insuffisamment chaud, étant donné ma gentillesse je veux lancer quelques foudres et n’y


 pas mêler une demande de service. Et profiterai de la purification atmosphérique qui suivra pour lancer vers un ciel clément un appel écouté. Néanmoins cette embellie pouvant devancer mes prévisions, ne tardez pas à me donner les renseignements nécessaires.

Savez-vous si Guermantes qui a dû être un nom de gens, était déjà alors dans la famille Pâris, ou plutôt pour parler un langage plus décent, si le nom de Comte ou Marquis de Guermantes était un titre de parents des Pâris, et s’il


 est entièrement éteint et à prendre pour un littérateur.

Connaissez-vous d’autres jolis noms de châteaux et de gens.

Comment s’appelait votre propriété ?

Tendrement à vous

Marcel

Régnier continue à faire des articles qui ont, paraît-il, le plus grand succès. Il parle ce soir de l’ admirable livre de Monsieur le Vicomte Eugène


 Melchior etc. Il est vrai qu’il a également parlé de l’ admirable ouvrage de M. René Doumic, de l’incomparable écrivain qui a nom Paul Hervieu (ici d’ailleurs je m’incline), du grand poète qui signe Jean Richepin, etc etc etc. Bataille seul a été houspillé, ainsi qu’Augier. En revanche Ponsard, Sardou, Les Danicheff etc etc ont été portés aux nues (non, Ponsard seulement loué). Le délire a été pour ce poète délicieux qui a nom Georges de Porto Riche. Il s’agissait de ses vers.

J’ajoute que chaque feuilleton de Régnier contient un grand nombre d’excellents calembours. « Il y a en effet le commencement d’une chose exquise dans l’Ex de M. Gandillot » . « C’est bien une impasse que l’Impasse de M. Xanrof. » « Je ne sais si la Reprise de Honneur et l’Argent apportera beaucoup d’argent à la Comédie française mais elle lui apportera beaucoup d’honneur » . J’oublie tous les bons.

Note n°1
Lʼallusion à un article de Régnier « ce soir » sur Vogüé (note 5 ci-après) nous permet de dater cette lettre du dimanche soir 23 mai 1909. Elle semble avoir été envoyée dans une enveloppe portant le cachet postal dʼenvoi « 24/5/9 » (CP 90042) qui se trouve également à la Houghton Library (Harvard), MS Fr 694. [PK, JA]
Note n°2
Le protégé en question, M. Nogrette, était un camarade de régiment du destinataire. Voir la série de lettres échangées avec Lauris sur ce sujet et, en particulier, la lettre de Proust à Lauris datée de [peu après le 2 juillet 1909] (CP 01991 ; Kolb, IX, n° 66) dans laquelle Proust mentionne son nom. [PK, JA]
Note n°3
Il s’agit apparemment de Camille Plantevignes et de son fils Marcel Plantevignes. Voir la lettre de Proust à Lauris datée de [peu avant le 23 juin 1909] (CP 01984 ; Kolb, IX, n° 59), note 2. [JA, PK]
Note n°4génétique
Voir la lettre de Proust à François de Pâris de la [première quinzaine de juillet 1903] (CP 01835 ; Kolb, X, n° 201) note 6. En 1909, Proust hésite entre les deux noms de Guermantes et Garmantes dans les Cahiers 4, 7, 31 et 36. Voir aussi la lettre suivante de Proust à Lauris datée de [peu après le 23 mai 1909] (CP 01978 ; Kolb, IX, n° 53). Le nom de Guermantes apparaît pour la première fois au folio 35 du Carnet 1 (Carnet 1, f. 35r). [PK, JA]
Note n°5
Allusion à l’article dʼHenri de Régnier paru dans le Journal des Débats du 24 mai 1909 (journal du soir paru la veille, dimanche soir 23), p. 1 : « Avant que l’admirable étude de M. le vicomte E. Melchior de Vogüé ait révélé les romanciers russes aux lecteurs français et leur eût appris Dostoievski et Tolstoï, on n’avait guère encore lu en France que Gogol et Tourguenev. » Vogüé avait été élu membre de l’Académie française le 22 novembre 1888. [PK]
Note n°6
A propos d’un volume de René Doumic intitulé Le Théâtre nouveau, Régnier, dans son feuilleton du 6 juillet 1908, avait écrit : « Si elles sont très intéressantes en leur ensemble ces études, par une façon de voir très volontaire, très nette, très ferme, elles sont, prises isolément, d’un intérêt non moindre. Chacune d’elles vaut par de rares qualités littéraires. » (Journal des Débats, p. 1). Doumic est élu membre de l’Académie française le 1er avril 1909 et Régnier, le 9 février 1911, au fauteuil de Vogüé. [PK]
Note n°7
Dans son feuilleton du 5 avril 1909, Régnier rend compte d’une pièce de Paul Hervieu, Connais-toi, au Théâtre français : « La qualité maîtresse de l’art de M. Hervieu est dʼêtre un art de volonté et de logique, un art patient, solide, minutieux, attentif, aussi bien dans ses violences que dans ses délicatesses. M. Hervieu sait être subtil avec précision et rigoureux avec certitude. [...] Que M. Hervieu menuise un conte, bâtisse un roman, construise un drame, la structure en est toujours durable et lʼarchitecture originale et judicieuse. Lʼœuvre porte sa marque et son poinçon s’y enfonce profondément. » (Journal des Débats, p. 1). Un des personnages de la pièce en question, cousin du héros, porte le nom de Doncières. Hervieu a dû l’emprunter à la commune des Vosges. [PK]
Note n°8
Dans les Débats du 15 mars 1909, Régnier rend compte d’un drame de Richepin, La Route d’Émeraude (1909), tiré d’un roman d’Eugène Demolder, du même titre (1899), qu’on donne au théâtre du Vaudeville. Il écrit  : « Le poète des Blasphèmes et de la Mer est comme chacun sait, un lyrique éloquent et vigoureux. Sa phrase poétique a un large mouvement et une puissante ampleur. A cette caractéristique, se joint chez M. Richepin un vocabulaire très abondant et très riche. » (Journal des Débats, p. 1). Auguste-Jules, dit Jean Richepin avait été élu membre de l’Académie française le 5 mars 1908. [PK]
Note n°9
Régnier rend compte de la pièce d’Henry Bataille intitulée Le Scandale, dans les Débats du 12 avril 1909, disant que cette pièce « semble une œuvre d’une inspiration moins personnelle et moins volontaire que telle autre œuvre du même auteur. [...] Certes, Le Scandale est une pièce mouvementée et saisissante, mais dont le sujet semble avoir été fourni à M. Bataille par la réalité, sans qu’il ait pris soin de refondre cette réalité et de l’imprégner d’une vie propre. Aussi la pièce de M. Bataille conserve-t-elle, trop à mon gré, son aspect d’anecdote tragique je veux bien, mais d’anecdote tout de même, et même un peu de fait divers sensationnel. » (Journal des Débats, p. 1). [PK]
Note n°10
Voir la mention d’Augier dans le compte rendu que Régnier fait du Théâtre contemporain (1866-1868) de J. Barbey d’Aurevilly, dans les Débats du 3 août 1908 : « Les Augier, les Dumas, les Pailleron ne lui en imposaient guère. Il ne se trompait guère sur leur valeur véritable [...] » (Journal des Débats, p. 2). [PK]
Note n°11
Régnier, dans son feuilleton du 12 avril 1909, rend compte de LʼÉtau, pièce en trois actes dʼAndré Sardou. Il dit que « LʼÉtau de M. André Sardou est une œuvre pleine des promesses d’un réel talent. [...] Rien n’a pu desserrer l’étau, dont M. André Sardou semble avoir montré avec force et logique le jeu fatal et mortel. » (Journal des Débats, p. 2). L’auteur était le troisième fils de Victorien Sardou. [PK]
Note n°12
Dans son feuilleton du 24 mai 1909, Régnier écrit : « Les Danicheff sont une fort belle pièce et M. Antoine l’a remontée avec beaucoup de soin et de goût. Elle mérite, d’ailleurs, ce traitement et le succès qu’elle a retrouvé est le juste écho de celui qu’elle avait obtenu jadis. » (Journal des Débats, p. 1). Les Danicheff, dont la première représentation eut lieu à l’Odéon le 8 janvier 1876, avait eu un succès énorme, non sans rapport avec l’alliance franco-russe. La pièce était signée du pseudonyme Pierre Nevsky. L’auteur, qui s’était fait aider par Dumas fils, était Pierre de Corvin-Kroukowski (1844-1899), littérateur né en Russie, qui prétendait descendre de Corvin, roi de Hongrie. Les Annales du Théâtre (2e année - 1876), G. Charpentier, 1877, Paris, p. 244-249 et 251 ; Revue Encyclopédique, IX, p. 614-615 (Corvin-Krouowski, Pierre de), dernier paragraphe de la deuxième colonne). [PK]
Note n°13
« Nous apprécions volontiers la valeur très réelle de cet ouvrage [L’Honneur et l’Argent] de bon aloi et d’honnête inspiration. Nous sommes sensibles à ses qualités morales et scéniques, à ses monuments d’émotion mesurée, de comique sévère et un peu terne, d’éloquence parfois très ferme et solide, à sa tenue et à sa probité littéraires. Nous y applaudissons la tirade et la réplique, mais nos applaudissements sont plutôt d’approbation que d’enthousiasme. Lʼœuvre manque de chaleur communicative. » (Journal des Débats, 10 mai 1909, p. 1). Voir ci-après, la note 17. [PK]
Note n°14
Il s’agissait de ses vers. Dans son feuilleton du 12 avril 1909, disant que peu d’auteurs dramatiques emploient exclusivement la forme théâtrale, Régnier ajoute : « M. Georges de Porto-Riche n’écrivit-il pas aussi des vers charmants, ainsi que M. Maurice Donnay, et M. Henry Bataille [...]. » (Journal des Débats, p. 1). [PK]
Note n°15
Allusion au feuilleton paru dans les Débats du 3 mai 1909 où Régnier écrit : « Il y a dans le titre de la comédie de M. Léon Gandillot, que vient de donner le théâtre du Vaudeville, le commencement du mot “excellent” et, si cette épithète ne peut s’appliquer à la pièce entière de cet aimable auteur, elle convient cependant fort bien à certaines scènes de son ouvrage. » (Journal des Débats, p. 1). Proust avait publié un pastiche de Régnier dans le Supplément littéraire du Figaro le 6 mars 1909. [PK, JA]
Note n°16
Dans son feuilleton du 24 mai 1909, Régnier écrit : « C’est bien en effet une impasse que cette Impasse où se sont fourvoyés MM. Xanrof et Fred Amy. Disons tout de suite que leur ouvrage appartient au genre détestable des pièces à clé et que le sujet leur en a été fourni par une affaire retentissante et qui n’a pas eu encore son dénouement judiciaire mais c’est moins cet emprunt que je reprocherais à MM. Xanrof et Amy que l’usage qu’ils en ont fait [...] Leurs personnages font songer à des personnages de cabinets de cire, et leur ouvrage n’est guère qu’une figuration du Musée Grévin. » (Journal des Débats, p. 2). Xanrof est le pseudonyme de Léon-Alfred Fourneau (1867-1953), avocat à la Cour d’appel de Paris (1888), poète et auteur dramatique. [PK]
Note n°17
Allusion au compte rendu cité ci-dessus, note 13. Régnier écrit : « Je ne sais pas trop si la reprise de L’Honneur et l’Argent que vient de faire la Comédie Française lui rapportera beaucoup d’argent mais il n’est de doute qu’elle ne lui fasse honneur par la façon très honorable dont a été remise à la scène la célèbre comédie de François Ponsard. » Voir le feuilleton du 10 mai 1909, Journal des Débats, p. 1. [PK]
Note
Eugène-Melchior de Vogüé Le roman russe 1886 publisher pubPlace
Note
René Doumic Le Théâtre nouveau 1908 publisher pubPlace
Note
Pierre Nevsky 1876
Note
Léon Gandillot LʼEx 1909
Note
Léon Xanrof et Fred Amy LʼImpasse 1909
Note
François Ponsard LʼHonneur et lʼArgent 1853


Mots-clefs :documentationgenèsepressevie littéraire
Date de mise en ligne : April 22, 2024 15:33
Date de la dernière mise à jour : April 22, 2024 15:43
expand_less