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CP 05413 Marcel Proust à Samuel Pozzi jeudi [le 12 novembre 1914]

Surlignage


Jeudi

102 bd Haussmann

Cher Monsieur,

«  Il m’a comblé de biens, il m’en veut accabler  ».

Vraiment je ne m’attendais pas à ce certificat. Oui je voudrais bien le garder toujours en souvenir. Mais en tous cas la charmante carte — charmante de bonté et de style — sera précieusement conservée. En tous cas rien ne pressait pour ce certificat. Mais «  qui cito dat, bis dat  » disaient les Romains. En étant si vite généreux, vous l’avez été deux fois. Et moi je suis doublement reconnaissant.

Veuillez agréer, cher Monsieur, mes hommages de respectueuse gratitude et d’admiratif attachement.

Marcel Proust

Surlignage
 

Jeudi 102 boulevard Haussmann

Cher Monsieur,

«  Il m’a comblé de biens, il m’en veut accabler  ».

Vraiment je ne m’attendais pas à ce certificat. Oui je voudrais bien le garder toujours en souvenir. Mais en tous cas la charmante carte — charmante de bonté et de style — sera précieusement conservée. En tous cas rien ne pressait pour ce certificat. Mais «  qui cito dat, bis dat  », disaient les Romains. En étant si vite généreux, vous l’avez été deux fois. Et moi je suis doublement reconnaissant.

Veuillez agréer, cher Monsieur, mes hommages de respectueuse gratitude et d’admiratif attachement.

Marcel Proust

Note n°1
Datée simplement de « Jeudi », cette lettre semble correspondre à une enveloppe portant le cachet postal du [vendredi] 13 novembre 1914. Elle date donc probablement du jeudi [12 novembre 1914]. [FL]
Note n°2
Citation arrangée de Corneille. En pardonnant à Cinna, Auguste déclare : « Tu trahis mes bienfaits, je les veux redoubler ; / Je tʼen avois comblé, je tʼen veux accabler. » (Corneille, Cinna, acte V, scène 3, v. 1707-1708). Proust utilise souvent ce vers, ainsi condensé (« Je tʼai comblé de biens ») ou transposé (« Tu mʼas comblé de biens »), pour remercier ses correspondants (voir CP 02030, CP 04054 et CP 05431 ; Kolb, IX, n° 105 et XIX, n° 16 ; BMP, n° 48, p. 20). [LJ, FL]
Note n°3
Proust (qui avait été rayé des cadres de lʼarmée en 1911 pour cause de mauvaise santé chronique) avait espéré que Pozzi, médecin principal au Gouvernement militaire de Paris et vieil ami de son père, lui fournirait une attestation qui le dispenserait de se présenter devant le Conseil de révision. Mais lorsquʼil était allé le consulter un peu avant le 24 octobre 1914, Pozzi avait refusé (voir CP 02830 ; Kolb, XIV, n° 176). Le revirement du Dr Pozzi sʼexplique peut-être parce quʼil vient dʼapprendre que Proust a obtenu des certificats de deux de ses confrères, dont le Dr Faisans, éminent spécialiste des maladies respiratoires (voir CP 05412). Une intervention discrète de Robert Proust auprès de son mentor et ami nʼest pas non plus à exclure. [FL]
Note n°4
Le certificat du Dr Pozzi nʼa pas été retrouvé. Il est probable que Proust sʼen sera servi auprès des autorités militaires, ainsi que de celui du Dr Faisans (dont seule une copie effectuée par Céleste Albaret a été retrouvée dans ses papiers : voir CP 05641). [LJ, FL]
Note n°5
Cette carte nʼa pas été retrouvée. [FL]
Note n°6
Cette citation revient souvent dans la correspondance de Proust. En 1914, on la trouve en janvier (CP 02690 ; Kolb, XIII, n° 38) ou encore en juin (CP 02781 ; Kolb, XIII, n° 130). Elle provient des Sentences du poète latin Publilius Syrus (85 avant J.-C. — vers 43 avant J.-C.) : Inopi beneficium bis dat, qui dat celeriter (« C’est accorder deux fois un bienfait à un indigent que de l’accorder promptement »). La formule lapidaire (bis dat qui cito dat) est régulièrement attribuée à Sénèque (voir par exemple La Flore latine des dames et des gens du monde, ou Clef des citations latines que lʼon rencontre fréquemment […], par Pierre Larousse, Paris, Larousse et Boyer éditeurs, 1861, p. 55). Cependant, bien que le traité de Sénèque Des bienfaits (De beneficiis) développe en effet lʼidée quʼil faut donner « promptement, sans hésiter » (livre II, chapitre 1), nulle part ne sʼy trouve lʼadage en question. [LJ, FL]
Traduction
celui-là donne deux fois, qui donne vite


Mots-clefs :guerre
Date de mise en ligne : October 4, 2022 15:07
Date de la dernière mise à jour : November 21, 2022 10:10
Surlignage


Jeudi

102 bd Haussmann

Cher Monsieur,

«  Il m’a comblé de biens, il m’en veut accabler  ».

Vraiment je ne m’attendais pas à ce certificat. Oui je voudrais bien le garder toujours en souvenir. Mais en tous cas la charmante carte — charmante de bonté et de style — sera précieusement conservée. En tous cas rien ne pressait pour ce certificat. Mais «  qui cito dat, bis dat  » disaient les Romains. En étant si vite généreux, vous l’avez été deux fois. Et moi je suis doublement reconnaissant.

Veuillez agréer, cher Monsieur, mes hommages de respectueuse gratitude et d’admiratif attachement.

Marcel Proust

Surlignage
 

Jeudi 102 boulevard Haussmann

Cher Monsieur,

«  Il m’a comblé de biens, il m’en veut accabler  ».

Vraiment je ne m’attendais pas à ce certificat. Oui je voudrais bien le garder toujours en souvenir. Mais en tous cas la charmante carte — charmante de bonté et de style — sera précieusement conservée. En tous cas rien ne pressait pour ce certificat. Mais «  qui cito dat, bis dat  », disaient les Romains. En étant si vite généreux, vous l’avez été deux fois. Et moi je suis doublement reconnaissant.

Veuillez agréer, cher Monsieur, mes hommages de respectueuse gratitude et d’admiratif attachement.

Marcel Proust

Note n°1
Datée simplement de « Jeudi », cette lettre semble correspondre à une enveloppe portant le cachet postal du [vendredi] 13 novembre 1914. Elle date donc probablement du jeudi [12 novembre 1914]. [FL]
Note n°2
Citation arrangée de Corneille. En pardonnant à Cinna, Auguste déclare : « Tu trahis mes bienfaits, je les veux redoubler ; / Je tʼen avois comblé, je tʼen veux accabler. » (Corneille, Cinna, acte V, scène 3, v. 1707-1708). Proust utilise souvent ce vers, ainsi condensé (« Je tʼai comblé de biens ») ou transposé (« Tu mʼas comblé de biens »), pour remercier ses correspondants (voir CP 02030, CP 04054 et CP 05431 ; Kolb, IX, n° 105 et XIX, n° 16 ; BMP, n° 48, p. 20). [LJ, FL]
Note n°3
Proust (qui avait été rayé des cadres de lʼarmée en 1911 pour cause de mauvaise santé chronique) avait espéré que Pozzi, médecin principal au Gouvernement militaire de Paris et vieil ami de son père, lui fournirait une attestation qui le dispenserait de se présenter devant le Conseil de révision. Mais lorsquʼil était allé le consulter un peu avant le 24 octobre 1914, Pozzi avait refusé (voir CP 02830 ; Kolb, XIV, n° 176). Le revirement du Dr Pozzi sʼexplique peut-être parce quʼil vient dʼapprendre que Proust a obtenu des certificats de deux de ses confrères, dont le Dr Faisans, éminent spécialiste des maladies respiratoires (voir CP 05412). Une intervention discrète de Robert Proust auprès de son mentor et ami nʼest pas non plus à exclure. [FL]
Note n°4
Le certificat du Dr Pozzi nʼa pas été retrouvé. Il est probable que Proust sʼen sera servi auprès des autorités militaires, ainsi que de celui du Dr Faisans (dont seule une copie effectuée par Céleste Albaret a été retrouvée dans ses papiers : voir CP 05641). [LJ, FL]
Note n°5
Cette carte nʼa pas été retrouvée. [FL]
Note n°6
Cette citation revient souvent dans la correspondance de Proust. En 1914, on la trouve en janvier (CP 02690 ; Kolb, XIII, n° 38) ou encore en juin (CP 02781 ; Kolb, XIII, n° 130). Elle provient des Sentences du poète latin Publilius Syrus (85 avant J.-C. — vers 43 avant J.-C.) : Inopi beneficium bis dat, qui dat celeriter (« C’est accorder deux fois un bienfait à un indigent que de l’accorder promptement »). La formule lapidaire (bis dat qui cito dat) est régulièrement attribuée à Sénèque (voir par exemple La Flore latine des dames et des gens du monde, ou Clef des citations latines que lʼon rencontre fréquemment […], par Pierre Larousse, Paris, Larousse et Boyer éditeurs, 1861, p. 55). Cependant, bien que le traité de Sénèque Des bienfaits (De beneficiis) développe en effet lʼidée quʼil faut donner « promptement, sans hésiter » (livre II, chapitre 1), nulle part ne sʼy trouve lʼadage en question. [LJ, FL]
Traduction
celui-là donne deux fois, qui donne vite


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Date de mise en ligne : October 4, 2022 15:07
Date de la dernière mise à jour : November 21, 2022 10:10
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