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CP 03993 Léon Hennique à Marcel Proust mardi matin [le 16 décembre 1919]

Surlignage

Mardi matin

Monsieur,

Jʼignore ce que le journal
« lʼEclair  » a pu dire à ses lecteurs
je ne lʼai point lu — mais, puisque
vous avez la gentillesse de me tendre
la main, je vais vous raconter la
vérité, lʼunique vérité, telle quʼon
la doit à un écrivain de votre
valeur. Jʼai parlé et voté contre vous
pour une question très simple, la
question dʼâge, la question de votre
âge. Ayant été, auprès dʼAlphonse
Daudet
, mon ami et mon maître,
lʼexécuteur testamentaire dʼEdmond
de Goncourt
, ayant souvent parlé


avec Edmond de Goncourt de son
Académie, je sais, jʼaffirme quʼil
destinait son prix, non à un écrivain
mûr, en complète possession de sa
technique et de sa pensée, mais, à
la jeunesse, afin de lʼencourager, de
lʼaider, si elle était pauvre, à
faire œuvre plus tranquille, hors du
besoin immédiat. Monsieur de Gon-
court
lʼa dʼailleurs déclaré dans
son testament : « Mon vœu suprême,
vœu que je prie les jeunes académi-
ciens futurs dʼavoir présent à la
mémoire, cʼest que le prix soit don-
né à la jeunesse, à lʼoriginalité du
talent, aux tentatives hardies de la
pensée et de la formes ». Donc, les
qualités demandées à un même can-


didat pour lʼobtention du prix
Goncourt sont la jeunesse, lʼorigi-
nalité du talent, etc.. » Vous avez,
Monsieur, mʼa dit Léon Daudet, 47
ans ; vous êtes un écrivain en pleine
maturité, en pleine maîtrise de
soi-même. Dès lors, sincèrement, de-
vais-je négliger ce quʼavait voulu Ed.
de Goncourt
, moi, son exécuteur tes-
tamentaire ?...

Je vous remercie de votre lettre, Mon-
sieur, et vous envoie lʼassurance de
ma parfaite considération

Léon Hennique


 
 
Surlignage
 

Mardi matin

Monsieur,

Jʼignore ce que le journal « lʼEclair  » a pu dire à ses lecteurs — je ne lʼai point lu — mais, puisque vous avez la gentillesse de me tendre la main, je vais vous raconter la vérité, lʼunique vérité, telle quʼon la doit à un écrivain de votre valeur. Jʼai parlé et voté contre vous pour une question très simple, la question dʼâge, la question de votre âge. Ayant été, auprès dʼAlphonse Daudet, mon ami et mon maître, lʼexécuteur testamentaire dʼEdmond de Goncourt, ayant souvent parlé


 

avec Edmond de Goncourt de son Académie, je sais, jʼaffirme quʼil destinait son prix, non à un écrivain mûr, en complète possession de sa technique et de sa pensée, mais, à la jeunesse, afin de lʼencourager, de lʼaider, si elle était pauvre, à faire œuvre plus tranquille, hors du besoin immédiat. Monsieur de Goncourt lʼa dʼailleurs déclaré dans son testament : « Mon vœu suprême, vœu que je prie les jeunes académiciens futurs dʼavoir présent à la mémoire, cʼest que le prix soit donné à la jeunesse, à lʼoriginalité du talent, aux tentatives hardies de la pensée et de la forme ». Donc, les qualités demandées à un même can-


 

didat pour lʼobtention du prix Goncourt sont « la jeunesse, lʼoriginalité du talent, etc. » Vous avez, Monsieur, mʼa dit Léon Daudet, quarante-sept ans ; vous êtes un écrivain en pleine maturité, en pleine maîtrise de soi-même. Dès lors, sincèrement, devais-je négliger ce quʼavait voulu Edmond de Goncourt, moi, son exécuteur testamentaire ?...

Je vous remercie de votre lettre, Monsieur, et vous envoie lʼassurance de ma parfaite considération

Léon Hennique


  
  
 
Note n°1
Comme cette lettre répond à la lettre CP 03987 de [peu après le 12 décembre 1919], elle doit dater du mardi matin [16 décembre 1919]. [PK]
Note n°2
Proust cite, dans sa lettre CP 03987, un article de LʼÉclair du 11 décembre 1919. [PK]
Note
LʼÉclair


Mots-clefs :prix Goncourt
Date de mise en ligne : October 4, 2022 15:07
Date de la dernière mise à jour : January 25, 2023 16:20
Surlignage

Mardi matin

Monsieur,

Jʼignore ce que le journal
« lʼEclair  » a pu dire à ses lecteurs
je ne lʼai point lu — mais, puisque
vous avez la gentillesse de me tendre
la main, je vais vous raconter la
vérité, lʼunique vérité, telle quʼon
la doit à un écrivain de votre
valeur. Jʼai parlé et voté contre vous
pour une question très simple, la
question dʼâge, la question de votre
âge. Ayant été, auprès dʼAlphonse
Daudet
, mon ami et mon maître,
lʼexécuteur testamentaire dʼEdmond
de Goncourt
, ayant souvent parlé


avec Edmond de Goncourt de son
Académie, je sais, jʼaffirme quʼil
destinait son prix, non à un écrivain
mûr, en complète possession de sa
technique et de sa pensée, mais, à
la jeunesse, afin de lʼencourager, de
lʼaider, si elle était pauvre, à
faire œuvre plus tranquille, hors du
besoin immédiat. Monsieur de Gon-
court
lʼa dʼailleurs déclaré dans
son testament : « Mon vœu suprême,
vœu que je prie les jeunes académi-
ciens futurs dʼavoir présent à la
mémoire, cʼest que le prix soit don-
né à la jeunesse, à lʼoriginalité du
talent, aux tentatives hardies de la
pensée et de la formes ». Donc, les
qualités demandées à un même can-


didat pour lʼobtention du prix
Goncourt sont la jeunesse, lʼorigi-
nalité du talent, etc.. » Vous avez,
Monsieur, mʼa dit Léon Daudet, 47
ans ; vous êtes un écrivain en pleine
maturité, en pleine maîtrise de
soi-même. Dès lors, sincèrement, de-
vais-je négliger ce quʼavait voulu Ed.
de Goncourt
, moi, son exécuteur tes-
tamentaire ?...

Je vous remercie de votre lettre, Mon-
sieur, et vous envoie lʼassurance de
ma parfaite considération

Léon Hennique


 
 
Surlignage
 

Mardi matin

Monsieur,

Jʼignore ce que le journal « lʼEclair  » a pu dire à ses lecteurs — je ne lʼai point lu — mais, puisque vous avez la gentillesse de me tendre la main, je vais vous raconter la vérité, lʼunique vérité, telle quʼon la doit à un écrivain de votre valeur. Jʼai parlé et voté contre vous pour une question très simple, la question dʼâge, la question de votre âge. Ayant été, auprès dʼAlphonse Daudet, mon ami et mon maître, lʼexécuteur testamentaire dʼEdmond de Goncourt, ayant souvent parlé


 

avec Edmond de Goncourt de son Académie, je sais, jʼaffirme quʼil destinait son prix, non à un écrivain mûr, en complète possession de sa technique et de sa pensée, mais, à la jeunesse, afin de lʼencourager, de lʼaider, si elle était pauvre, à faire œuvre plus tranquille, hors du besoin immédiat. Monsieur de Goncourt lʼa dʼailleurs déclaré dans son testament : « Mon vœu suprême, vœu que je prie les jeunes académiciens futurs dʼavoir présent à la mémoire, cʼest que le prix soit donné à la jeunesse, à lʼoriginalité du talent, aux tentatives hardies de la pensée et de la forme ». Donc, les qualités demandées à un même can-


 

didat pour lʼobtention du prix Goncourt sont « la jeunesse, lʼoriginalité du talent, etc. » Vous avez, Monsieur, mʼa dit Léon Daudet, quarante-sept ans ; vous êtes un écrivain en pleine maturité, en pleine maîtrise de soi-même. Dès lors, sincèrement, devais-je négliger ce quʼavait voulu Edmond de Goncourt, moi, son exécuteur testamentaire ?...

Je vous remercie de votre lettre, Monsieur, et vous envoie lʼassurance de ma parfaite considération

Léon Hennique


  
  
 
Note n°1
Comme cette lettre répond à la lettre CP 03987 de [peu après le 12 décembre 1919], elle doit dater du mardi matin [16 décembre 1919]. [PK]
Note n°2
Proust cite, dans sa lettre CP 03987, un article de LʼÉclair du 11 décembre 1919. [PK]
Note
LʼÉclair


Mots-clefs :prix Goncourt
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Date de la dernière mise à jour : January 25, 2023 16:20
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