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CP 05400 Albert Nahmias à Marcel Proust le jeudi 28 décembre 1911

source gallica.bnf.fr / Département des Manuscrits, Bibliothèque nationale de France
Surlignage

Tous ces renseignements
pour votre
livre
scrupuleusement
ecoutés & religieu
sement ecrits en note
& transcrits
ici : sʼil y a
des erreurs elles
viennent du manque
de mémoire de ces
messieurs de la
Bourse. Mais
je ne crois pas quʼil
y ait manque
de mémoire
car ils ne
se sont contre
dits entre
eux sur aucun
point
sur ces
etablis-
sements

&
restaurants


Le 28 décembre 1911

Mon cher Marcel,

Nos lettres se sont croisées & par
là même vous avez pu voir
lʼinnocence eclatante de la personne
dont vous me parlez dans votre mot
Jʼai plusieurs choses à vous dire

1° Vous avez dû recevoir un mot de
chez Léon vous avisant que vous avez
achete 500 R. Mines a 168 fr.

2° Le coupon se détache le 8 Janvier ou
le 6.

Tortoni est detruit & cʼest au coin
de la Rue Taitbout & du boulevard. Aujourdʼ
hui est a cette place une Maison de bottines. Je crois
que le bottier maintenant etabli là porte enseigne « Au chat noir »


2

Un peu plus loin est la maison Dorée
((et non maison dʼOr) comme je vous lʼavais ecrit)
sur les boulevards au coin de la Rue Lafitte
Donc presque à coté de Tortoni. A lʼheure
actuelle sʼélève a cet endroit un bureau
de poste (nouvellement construit). On y
soupait on y dinait ainsi que chez Tortoni
Cʼétait très chic

On allait egalement en 1880 chez Durand
& cʼétait assez « ernier cri » dʼy aller ainsi
quʼau Café de la Paix & à Americain
(café de la Paix place de lʼOpera) (Durand place
de la Madeleine
et Americain un peu plus
loin & a gauche sur les boulevards en y allant de nos domiciles)
& un peu plus loin de Tortoni, la Maison Dorée.

Il y avait aussi Brébant moins chic
situé sur les boulevards

Arban rue Vivienne (détruit)


3

Un peu plus loin Nota sur les
Boulevards (exactement Bd Poissonnière (detruit)

Les femmes très chics & femmes mariées
nʼallaient pas précisement souper comme
lʼon fait maintenant « on allait » « prendre
quelque chose ».
Et cʼetait le plus souvent des glaces,
chocolat, ect

Il y avait aussi Prévost encore plus loin
sur le boulevard renommé justement pour
son chocolat.

Mais où il etait ultra chic dʼaller
etait au Café Anglaisparait
il y avait la salle dennommée « Grand
Seize » ou le monde très élégant venait
souper ou diner en commandant retenant ses tables à
lʼavance. Il parait que cʼetait ultra-
chic
(café anglai situé sur les Boulevards a droite .)

2° Chez Bignon qui était placé
à lʼendroit ou est Paillard maintenant
cʼest à dire au coin de la Chaussée dʼAntin


4

et des Boulevard. Plus tard Bignon
se déplaça et prit vint etablir au 32 avenue
de lʼopéra. Ultra chic aussi comme le
Café Anglais.

Voisin

4° Il était très chic dʼaller dans deux
endroits mais de moindre importance cʼétait
Imoda et Larue (mais pas le
Larue actuel.)

Imoda était un confiseur glacier établi
à lʼendroit ou est lʼactuel « Maximʼs »
petit confiseur mais renommé pour ses
glaces & on allait souvent après le
théatre « prendre une glace chez Imoda »
(détruit aussi)

Maximʼs etait un petit bar ou les cochers
venaient prendre un verre sur le « zinc »
Depuis cela a chang é ea et dev enu int Imoda
puis le Maxims actuel. (« Imoda » détruit forcément)
Quant à Larue on y allait prendre de
la Bière Muller et cʼetait aussi très
élégant Cʼétait situé en face la rue
Rougemont
. En 1882) Larue lacha cet


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établissement de bière et prit le Larue
actuel. Rue Royale. Larue ne

Mais après le théatre aussi il était très
chic dʼaller prendre un verre de bière Muller
chez Larue (rue Rougemont.) Toutes
les actrices en nom y allaient. (« Detruit maintenant)

(Quant à Sylvain derrière lʼopera
ce nʼetait fréquenté que par un demi-
monde pas très chic)

On allait aussi beaucoup au Napolitain
très reputé pour ses glaces. On allait
prendre une glace au Napolitain on y
dinait.

Foyaud était un restaurant placé de l
autre coté de lʼeau ( subsiste existe toujours)
près de lʼodéon


Lʼétablissement dans le genre
du Magic City ou Luna Park
cela nʼexistait pas. On allait dans
les bals :

« Bullier » situé de lʼautre coté de lʼeau


6

situé dans le Haut du Bd St Michel
(existe encore mais transformé) Cʼetait un
bal dʼetudiants mais le jeudi les jeunes
gens du gd monde allaient y danser
cʼétait elégant dʼy aller le jeudi.

«  Frascati » etait un bal de cocottes

Le « Bal Mabile » situé 53 avenue
Montaigne
& (sur lesquels terrains
habite maintenant on a construit
des maisons de rapport lesquelles abritent
aujourdʼhui votre serviteur (depuis 25 ans deja)
Et a coté du « Bal Mabile » sʼelevait un
endroit nommé « le Moulin Rouge »
(endroit qui nʼa rien de commun avec
le Moulin Rouge de Montmartre actuel)
& où on dansait & soupait.
Le Moulin Rouge ouvert toute lʼannée
etait de préférence recherché lʼété.

Et un peu moins tard en 1872
lʼendroit où sʼélève aujourdʼhui le
Jardin de Paris) actuel) etait le concert
« Musart » qui devint le concert « Beslievre » (Champs Elysées)


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mais qui nʼetait pas très recherché.

Le « Chat Noir » mais alors situé a Montmartre
& ou le chansonnier Donnay sʼillustra

Voici mon cher Marcel tous les rensei
gnements que jʼai pu obtenir de
Papa & dʼun tas de vieux boursiers
& bambocheurs qui ont fait la fête
à ce moment la.

Sʼil vous manque encore quelque
renseignement je suis trop content
de pouvoir faire la plus petite chose
pour vous. Pour moi cʼest le plus
grand service que vous puissiez me
rendre, cʼest de me mettre a contribution
plus souvent & continuellement

Merci de votre lettre adorable
comme toutes

je vous embrasse & je suis votre
affectueux

Albert

Pr le compte Leon envoyez le moi que je le
verifie & je vous ecrirai ce quʼil faudra faire si vous
êtes embarassé.

Albert affectueux


Surlignage

Le 28 décembre 1911

Mon cher Marcel,

Nos lettres se sont croisées et par là même vous avez pu voir lʼinnocence éclatante de la personne dont vous me parlez dans votre mot. Jʼai plusieurs choses à vous dire.

1° Vous avez dû recevoir un mot de chez Léon vous avisant que vous avez acheté 500 Rand Mines à 168 francs.

2° Le coupon se détache le 8 janvier ou le 6.

Tortoni est détruit et cʼest au coin de la rue Taitbout et du boulevard. Aujourdʼhui est à cette place une maison de bottines. Je crois que le bottier maintenant établi là porte enseigne « Au chat noir » .

Un peu plus loin est la Maison dorée (et non Maison dʼOr comme je vous lʼavais écrit) sur les Boulevards au coin de la rue Lafitte. Donc presque à côté de Tortoni. À lʼheure actuelle sʼélève à cet endroit un bureau de poste (nouvellement construit). On y soupait on y dînait ainsi que chez Tortoni. Cʼétait très chic.

On allait également en 1880 chez Durand et cʼétait assez « ernier cri » dʼy aller ainsi quʼau Café de la Paix et à Américain (café de la Paix place de lʼOpéra) (Durand place de la Madeleine et lʼAméricain un peu plus loin et à gauche sur les boulevards en y allant de nos domiciles) et un peu plus loin de Tortoni, la Maison dorée.

Il y avait aussi Brébant moins chic situé sur les Boulevards.

Arban rue Vivienne (détruit).

Un peu plus loin Notta sur les Boulevards (exactement boulevard Poissonnière) (détruit).

Les femmes très chics et femmes mariées nʼallaient pas précisément souper comme lʼon fait maintenant, « on allait » « prendre quelque chose ». Et cʼétait le plus souvent des glaces, chocolat, etc.

Il y avait aussi Prévost encore plus loin sur le boulevard renommé justement pour son chocolat.

Mais où il était ultra-chic dʼaller cʼétait 1° au Café Anglaisparaît-il il y avait la salle dénommée « Grand Seize » le monde très élégant venait souper ou dîner en commandant retenant ses tables à lʼavance. Il paraît que cʼétait ultra-chic (Café Anglais situé sur les Boulevards à droite ).

2° Chez Bignon qui était placé à lʼendroit est Paillard maintenant cʼest-à-dire au coin de la Chaussée dʼAntin et des Boulevards. Plus tard Bignon se déplaça et vintétablir au 32 avenue de lʼOpéra. Ultra-chic aussi comme le Café Anglais.

Voisin.

4° Il était très chic dʼaller dans deux endroits mais de moindre importance : cʼétait Imoda et Larue (mais pas le Larue actuel).

Imoda était un confiseur-glacier établi à lʼendroit est lʼactuel « Maximʼs » petit confiseur mais renommé pour ses glaces et on allait souvent après le théâtre « prendre une glace chez Imoda » (détruit aussi).

Maximʼs était un petit bar les cochers venaient prendre un verre sur le « zinc ». Depuis cela changea et devint Imoda puis le Maximʼs actuel. (« Imoda » détruit forcément). Quant à Larue on y allait prendre de la bière Muller et cʼétait aussi très élégant . Cʼétait situé en face de la rue Rougemont. En 1882 Larue lâcha cet établissement de bière et prit le Larue actuel. Rue Royale.

Mais après le théâtre aussi il était très chic dʼaller prendre un verre de bière Muller chez Larue (rue Rougemont). Toutes les actrices en nom y allaient. (Détruit maintenant)

(Quant à Sylvain derrière lʼOpéra ce nʼétait fréquenté que par un demi-monde pas très chic).

On allait aussi beaucoup au Napolitain très réputé pour ses glaces. On allait prendre une glace au Napolitain on y dînait.

Foyot était un restaurant placé de lʼautre côté de lʼeau (existe toujours) près de lʼOdéon.

Lʼétablissement dans le genre du Magic City ou Luna Park cela nʼexistait pas. On allait dans les bals :

« Bullier » situé de lʼautre côté de lʼeau, situé dans le haut du boulevard Saint-Michel (existe encore mais transformé) . Cʼétait un bal dʼétudiants mais le jeudi les jeunes gens du grand monde allaient y danser, cʼétait élégant dʼy aller le jeudi.

«  Frascati » était un bal de cocottes.

Le « Bal Mabille » situé 53 avenue Montaigne et sur lesquels terrains on a construit des maisons de rapport, lesquelles abritent aujourdʼhui votre serviteur (depuis 25 ans déjà). Et à côté du « Bal Mabille » sʼélevait un endroit nommé « le Moulin Rouge » (endroit qui nʼa rien de commun avec Le Moulin-Rouge de Montmartre actuel) et où on dansait et soupait. Le Moulin Rouge ouvert toute lʼannée était de préférence recherché lʼété.

Et un peu moins tard en 1872 (à lʼendroit où sʼélève aujourdʼhui le Jardin de Paris actuel) était le concert « Musard » qui devint le concert « Besselièvre » (Champs-Élysées) mais qui nʼétait pas très recherché.

Le « Chat Noir » mais alors situé à Montmartre et le chansonnier Donnay sʼillustra.

Voici mon cher Marcel tous les renseignements que jʼai pu obtenir de Papa et dʼun tas de vieux boursiers et bambocheurs qui ont fait la fête à ce moment-là.

Sʼil vous manque encore quelque renseignement je suis trop content de pouvoir faire la plus petite chose pour vous. Pour moi cʼest le plus grand service que vous puissiez me rendre, cʼest de me mettre à contribution plus souvent et continuellement.

Merci de votre lettre adorable comme toutes.

Je vous embrasse et je suis votre affectueux

Albert

Pour le compte Léon envoyez-le-moi que je le vérifie et je vous écrirai ce quʼil faudra faire si vous êtes embarrassé.

Albert affectueux

Tous ces renseignements pour votre livre scrupuleusement écoutés et religieusement écrits en note et transcrits ici : sʼil y a des erreurs elles viennent du manque de mémoire de ces messieurs de la Bourse. Mais je ne crois pas quʼil y ait manque de mémoire car ils ne se sont contredits entre eux sur aucun point sur ces établissements et restaurants.

Note n°1
Cette lettre de Nahmias, datée de sa main, complète celle quʼil avait adressée à Proust [peu avant le lundi 25 décembre 1911] (CP 05399) où il ne mentionnait que quelques restaurants et cafés chics des années 1880 : Tortoni, Prévost, le Café Anglais et la Maison dorée. [PW, FL]
Note n°2
La lettre de Proust ne nous est pas parvenue. – Pyra Wise (BIP, n° 37, p. 17, n. 5) suggère quʼil pourrait sʼagir de la lettre datée par Kolb du [jeudi 28 ? décembre 1911] (CP 02256 ; Kolb, X, n° 199) mais, outre que cette lettre ne sʼinsère pas véritablement dans les échanges ici en cours sur les restaurants parisiens de 1880 et sur les ordres de bourse, Kolb lui-même indique quʼelle « a dû étre écrite vers le jeudi 12 décembre 1911 » (loc. cit., n. 1), date en effet plus probable. La lettre de Proust qui sʼest probablement croisée avec celle que Nahmias lui a adressée [peu avant le lundi 25 décembre 1911] (CP 05399 ; BIP, n° 37, p. 16-17), devait lui demander une liste détaillée de cafés et restaurants des années 1880 pour lʼépisode dʼ« Un amour de Swann » où Swann cherche Odette dans la nuit (CS, I, 227-228). — Il est possible que la personne incriminée par Proust soit Nahmias, accusé dʼoublier les services qui lui sont demandés, et dont la lettre écrite à la veille de Noël prouverait à Proust le caractère mal fondé de ses accusations. [FL]
Note n°3
Cet achat correspond à un ordre boursier exprimé par Proust dans sa lettre (CP 04430 ; Kolb, XIX, n° 393) que nous situons [peu avant le 22 décembre 1911], ordre que Nahmias, dans la lettre écrite [peu avant le lundi 25 décembre 1911] (CP 05399 ; BIP, n° 37, p. 16-17) , promettait de faire réaliser « au mieux » : « Si le détachement du coupon a lieu Janvier, vous pourriez racheter maintenant [...] 500 Rand Mines au cours de 168 si elle y redescend. » – Le cours de cette action est redescendu à 168 francs le 22 décembre, a remonté les jours suivants, est redescendu jusquʼà 166 au cours de la séance du 28 décembre 1911, puis est remonté au-delà de 168 les jours suivants. On ne sait si le coulissier Léon a acquis les titres le 22 décembre mais nʼa prévenu Proust quʼavec plusieurs jours de retard, ou si lʼachat de ces 500 actions vient dʼêtre réalisé au cours de la séance du 28 décembre, ce qui paraît le plus probable si Nahmias écrit dans la soirée du 28. [FL]
Note n°4
Dans sa lettre écrite [peu avant le lundi 25 décembre 1911] (CP 05399 ; BIP, n° 37, p. 16-17), Nahmias avait promis, en réponse à la précédente lettre de Proust (CP 04430 ; Kolb, XIX, n° 393), de se renseigner sur la date où se détachait le coupon des Rand Mines. [PW, FL]
Note n°5
Le célèbre glacier Tortoni, situé au 22 boulevard des Italiens, ferma définitivement ses portes en 1893. [PW]
Note n°6
Voir la lettre de Nahmias à Proust écrite [peu avant le 25 décembre 1911] (CP 05399). On trouve les deux noms dans les écrits de lʼépoque. [FL]
Note n°7
Ce restaurant légendaire, ainsi nommé pour ses dorures, était situé à lʼangle de la rue Laffitte et du boulevard des Italiens ; il ferma ses portes le 31 décembre 1902, fut dʼabord remplacé par une brasserie puis, en 1908, par un bureau de poste – qui, en 1974, a cédé la place à une banque. [PW]
Note n°8
Ouvert en 1862, le Café de la Paix était le café-restaurant du Grand Hôtel, hôtel de grand luxe construit par les frères Pereire en 1861-62 pour une clientèle internationale en vue de lʼExposition universelle de 1867 (et qui devait initialement sʼappeler Grand Hôtel de la Paix). Rachetés à diverses reprises, le café de la Paix et le Grand Hôtel existent encore de nos jours, classés monuments historiques et rénovés dans leur style dʼorigine. [FL]
Note n°9
Paul Brébant ouvrit un café à son nom vers 1863, à lʼangle du boulevard Poissonnière et de la rue du faubourg Montmartre. Cet établissement, très célèbre à la fin du Second Empire, était surtout fréquenté par des écrivains. Vendu en 1888, il continua sous ce nom jusquʼen 1930. (À ce sujet ainsi que pour la plupart des autres établissements mentionnés par Nahmias, voir Robert Courtine, La Vie parisienne : Cafés et restaurants des Boulevards 1814-1914, Paris, Perrin, 1984.) [PW]
Note n°10
Nous nʼavons pas trouvé dʼinformations sur cet établissement. [PW, FL]
Note n°11
Notta était le point de rencontre de la Société des Gens de Lettres. Il céda la place, en 1895, au journal Le Matin. [PW]
Note n°12
Louis Bignon acheta dʼabord le Café Foy, situé 2 rue de la Chaussée-dʼAntin, qui devint « Chez Bignon ». Il le céda ensuite à son frère Jules pour acheter le Café Riche en 1847. Jules Bignon le vendit à Paillard, et alla sʼinstaller au 34, avenue de lʼOpéra. [PW]
Note n°13
Le restaurant Voisin, installé depuis 1850 au 261, rue Saint-Honoré, ferma en 1931. [PW]
Note n°14
Nahmias semble avoir confondu les établissements ou la chronologie. Le café-glacier Imoda, ouvert après 1870, fut racheté vers 1891 par Maxime Gaillard et Georges Evernaet, qui anglicisèrent leur nom et ouvrirent « Maximʼs et Georgeʼs », qui devint un bar pour cochers, avant de devenir, vers 1900, un restaurant chic. (Voir Henri Raczymow, Le Paris littéraire et intime de Marcel Proust, Paris, Parigramme, 1997, p. 103.) [PW]
Note n°15
Cʼest-à-dire : de lʼautre côté de la Seine, donc rive gauche. Foyot, chef des cuisines du roi Louis-Philippe, ouvrit le « Café Foyot » au 33, rue de Tournon. Il ne ferma ses portes quʼen 1938. [PW, FL]
Note n°16
Le Magic City, créé en 1900, quai dʼOrsay et 180 rue de lʼUniversité, par Ernest Cognacq, le fondateur des Grands Magasins de La Samaritaine, était au départ un parc de loisirs destiné plutôt aux adultes : spectacles, skating, restaurant, salle de bal, zoo humain ; puis fut inauguré en juin 1911 un parc dʼattractions à sensations fortes développé sur le modèle du Luna Park de New York, avec des montagnes russes, un chemin de fer panoramique, un toboggan géant, etc. Le parc disparut en 1926 lors du lotissement du quartier, à lʼexception de deux salles de bal, qui hébergèrent notamment des bals de travestis. Fermé en 1934, le Magic City fut détruit en 1942. [FL]
Note n°17
Ce parc, ouvert porte Maillot en 1909, offrait, dans une ambiance de fête foraine permanente, des attractions rendues possibles par les progrès de la construction métallique et de lʼélectricité (montagnes russes, water chute, « roue diabolique », etc.), ainsi quʼun dancing. Il dura près de trente ans. [PW]
Note n°18
Le « Bal Bullier », situé rive gauche au 31, avenue de lʼObservatoire, fut fondé en 1847 par François Bullier (1796-1869). Il sʼappela dʼabord « La Closerie des Lilas » mais devient célèbre sous le nom de « Bullier » et fut, jusquʼen 1907, lʼun des grands bals de Paris. [PW]
Note n°19
Frascati, ouvert par un glacier napolitain à lʼangle de la rue de Richelieu et du boulevard Montmartre, était à la fois une salle de bal, un café élégant, et une salle de jeu. La fermeture des établissements de jeu ordonnée par Louis-Philippe le fit disparaître en 1837. Cet indice, parmi dʼautres, tend à souligner que les renseignements récoltés par Nahmias ne correspondent pas exactement aux informations demandées par Proust, concernant la vie nocturne des années 1880. [PW]
Note n°20
Initialement établissement de danse (fondé par Mabille, professeur de danse), le Bal Mabille fut ouvert au public en 1844, transformé en un jardin enchanté artificiel et éclairé au gaz, ce qui lui permit dʼouvrir le soir (et non uniquement lʼaprès-midi). Par ces innovations, il devient rapidement le bal le plus en vogue de Paris. Cʼest là que fut popularisée la polka, que le cancan fut introduit. Du fait de son tarif élevé, il était surtout fréquenté par des dandys et des courtisanes en quête de protecteurs. (Voir François Gasnault, Goguettes et lorettes : bals publics à Paris au XIXesiècle, Paris, Aubier, « Historiques », 1986, p. 196-198.) Pendant la guerre de 1870, il fut frappé par deux obus, ferma en 1875, et fut détruit en 1882. – Lʼ« Allée des Veuves », longtemps champêtre et mal famée, fut rebaptisée « Avenue Montaigne » en 1850 lorsque le quartier se développa, dans les années 1850-1890, avec la construction dʼhôtels particuliers pour la bourgeoisie dʼaffaires. [PW, FL]
Note n°21
Lʼactuel Moulin-Rouge, célèbre cabaret situé au pied de la butte Montmartre, fut fondé en 1889 par lʼentrepreneur de spectacles Josep Oller i Roca, dit Joseph Oller (1839-1922) et lʼimpresario Charles Zidler (1831-1897). [FL]
Note n°22
Le Petit Moulin Rouge, restaurant-ginguette, était doté dʼun jardin qui sʼétendait jusquʼà la rue Jean-Goujon. On y soupait à la sortie du Bal Mabille. Il ferma en 1882. (Voir Robert Courtine, Le Ventre de Paris, Paris, Perrin, 1985, p. 378-381.) [PW]
Note n°23
De 1881 à 1896, ce concert de plein air fut situé entre lʼactuelle avenue Franklin-Roosevelt et le Cours-la-Reine. Il fut ensuite transféré au sud de lʼavenue des Champs-Élysées, près de la place de la Concorde. [PW]
Note n°24
Nahmias semble, outre son orthographe approximative des noms, se tromper aussi sur les dates. En 1872, le directeur dʼorchestre et compositeur de musique légère Philippe Musard (1792-1859) était décédé depuis plusieurs années. Son fils Alfred Musard (1818-1881) semble avoir poursuivi lʼorganisation de concerts de plein air (notamment les « concerts promenades », qui permettaient de danser) quʼil avait institués. Le Musée Carnavalet possède une gravure intitulée « Les concerts Musard aux Champs-Élysées en 1836 » – Quant au journaliste et impresario Charles-Henri de Besselièvre (1820-1881), il fonda, en 1859, l’entreprise des Concerts des Champs-Élysées dans une salle près du Palais de l’industrie, et engagea successivement plusieurs chefs pour diriger ces concerts. Mais après son décès, un jardin d’hiver succéda aux concerts des Champs-Élysées. (Voir le Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle). Il ne semble donc pas que Le Jardin de Paris (concert de plein air) ait pris la suite des Concerts Besselièvre, mais en effet ait repris (après le décès dʼAlfred Musard) la formule des concerts Musard. [FL]
Note n°25
Ce cabaret, fondé par Rodolphe Salis en 1881, au pied de la butte Montmartre, fut installé dʼabord au 84 boulevard de Rochechouart puis en 1885 dans une rue voisine, 12 rue de Laval (rebaptisée rue Victor-Massé en 1892), avant de déménager en 1896 au 68 boulevard de Clichy. Très célèbre, il était fréquenté par le « Tout-Paris » intellectuel, artistique et politique. [PW, FL]
Note n°26
Bien que la graphie ne soit pas ici dʼune grande netteté, il sʼagit vraisemblablement de Maurice Donnay – et non, comme lʼavait suggéré Pyra Wise (art. cit.), de Lucien Perier, dit Dollinet, que Nahmias aurait orthographié « Dorinez ». Alors que ce dernier nʼa eu quʼune « carrière [...] courte et sans éclat » (Michel Herbert, La Chanson à Montmartre, Paris, La Table ronde, 1967, p. 366), Maurice Donnay rencontra en effet le succès dès quʼil déclama au Chat-Noir ses premiers vers, « sʼillustra » en composant avec Alphonse Allais des chansons pour les soirées du célèbre cabaret, puis il se lança rapidement dans lʼécriture de comédies pour le théâtre de boulevard qui le conduisirent dès 1907 à lʼAcadémie française. — Dans un livre de souvenirs, Autour du Chat Noir (Paris, Grasset, 1926), il raconte comment il acquit sa soudaine célébrité en étant invité par hasard à lire ses vers, un soir de répétition générale au Chat-Noir en 1891 (voir Maurice Donnay, Autour du Chat Noir, p. 24-25). [FP, CSz, FL]


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Date de mise en ligne : March 7, 2024 14:16
Date de la dernière mise à jour : September 17, 2024 04:43
source gallica.bnf.fr / Département des Manuscrits, Bibliothèque nationale de France
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Tous ces renseignements
pour votre
livre
scrupuleusement
ecoutés & religieu
sement ecrits en note
& transcrits
ici : sʼil y a
des erreurs elles
viennent du manque
de mémoire de ces
messieurs de la
Bourse. Mais
je ne crois pas quʼil
y ait manque
de mémoire
car ils ne
se sont contre
dits entre
eux sur aucun
point
sur ces
etablis-
sements

&
restaurants


Le 28 décembre 1911

Mon cher Marcel,

Nos lettres se sont croisées & par
là même vous avez pu voir
lʼinnocence eclatante de la personne
dont vous me parlez dans votre mot
Jʼai plusieurs choses à vous dire

1° Vous avez dû recevoir un mot de
chez Léon vous avisant que vous avez
achete 500 R. Mines a 168 fr.

2° Le coupon se détache le 8 Janvier ou
le 6.

Tortoni est detruit & cʼest au coin
de la Rue Taitbout & du boulevard. Aujourdʼ
hui est a cette place une Maison de bottines. Je crois
que le bottier maintenant etabli là porte enseigne « Au chat noir »


2

Un peu plus loin est la maison Dorée
((et non maison dʼOr) comme je vous lʼavais ecrit)
sur les boulevards au coin de la Rue Lafitte
Donc presque à coté de Tortoni. A lʼheure
actuelle sʼélève a cet endroit un bureau
de poste (nouvellement construit). On y
soupait on y dinait ainsi que chez Tortoni
Cʼétait très chic

On allait egalement en 1880 chez Durand
& cʼétait assez « ernier cri » dʼy aller ainsi
quʼau Café de la Paix & à Americain
(café de la Paix place de lʼOpera) (Durand place
de la Madeleine
et Americain un peu plus
loin & a gauche sur les boulevards en y allant de nos domiciles)
& un peu plus loin de Tortoni, la Maison Dorée.

Il y avait aussi Brébant moins chic
situé sur les boulevards

Arban rue Vivienne (détruit)


3

Un peu plus loin Nota sur les
Boulevards (exactement Bd Poissonnière (detruit)

Les femmes très chics & femmes mariées
nʼallaient pas précisement souper comme
lʼon fait maintenant « on allait » « prendre
quelque chose ».
Et cʼetait le plus souvent des glaces,
chocolat, ect

Il y avait aussi Prévost encore plus loin
sur le boulevard renommé justement pour
son chocolat.

Mais où il etait ultra chic dʼaller
etait au Café Anglaisparait
il y avait la salle dennommée « Grand
Seize » ou le monde très élégant venait
souper ou diner en commandant retenant ses tables à
lʼavance. Il parait que cʼetait ultra-
chic
(café anglai situé sur les Boulevards a droite .)

2° Chez Bignon qui était placé
à lʼendroit ou est Paillard maintenant
cʼest à dire au coin de la Chaussée dʼAntin


4

et des Boulevard. Plus tard Bignon
se déplaça et prit vint etablir au 32 avenue
de lʼopéra. Ultra chic aussi comme le
Café Anglais.

Voisin

4° Il était très chic dʼaller dans deux
endroits mais de moindre importance cʼétait
Imoda et Larue (mais pas le
Larue actuel.)

Imoda était un confiseur glacier établi
à lʼendroit ou est lʼactuel « Maximʼs »
petit confiseur mais renommé pour ses
glaces & on allait souvent après le
théatre « prendre une glace chez Imoda »
(détruit aussi)

Maximʼs etait un petit bar ou les cochers
venaient prendre un verre sur le « zinc »
Depuis cela a chang é ea et dev enu int Imoda
puis le Maxims actuel. (« Imoda » détruit forcément)
Quant à Larue on y allait prendre de
la Bière Muller et cʼetait aussi très
élégant Cʼétait situé en face la rue
Rougemont
. En 1882) Larue lacha cet


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établissement de bière et prit le Larue
actuel. Rue Royale. Larue ne

Mais après le théatre aussi il était très
chic dʼaller prendre un verre de bière Muller
chez Larue (rue Rougemont.) Toutes
les actrices en nom y allaient. (« Detruit maintenant)

(Quant à Sylvain derrière lʼopera
ce nʼetait fréquenté que par un demi-
monde pas très chic)

On allait aussi beaucoup au Napolitain
très reputé pour ses glaces. On allait
prendre une glace au Napolitain on y
dinait.

Foyaud était un restaurant placé de l
autre coté de lʼeau ( subsiste existe toujours)
près de lʼodéon


Lʼétablissement dans le genre
du Magic City ou Luna Park
cela nʼexistait pas. On allait dans
les bals :

« Bullier » situé de lʼautre coté de lʼeau


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situé dans le Haut du Bd St Michel
(existe encore mais transformé) Cʼetait un
bal dʼetudiants mais le jeudi les jeunes
gens du gd monde allaient y danser
cʼétait elégant dʼy aller le jeudi.

«  Frascati » etait un bal de cocottes

Le « Bal Mabile » situé 53 avenue
Montaigne
& (sur lesquels terrains
habite maintenant on a construit
des maisons de rapport lesquelles abritent
aujourdʼhui votre serviteur (depuis 25 ans deja)
Et a coté du « Bal Mabile » sʼelevait un
endroit nommé « le Moulin Rouge »
(endroit qui nʼa rien de commun avec
le Moulin Rouge de Montmartre actuel)
& où on dansait & soupait.
Le Moulin Rouge ouvert toute lʼannée
etait de préférence recherché lʼété.

Et un peu moins tard en 1872
lʼendroit où sʼélève aujourdʼhui le
Jardin de Paris) actuel) etait le concert
« Musart » qui devint le concert « Beslievre » (Champs Elysées)


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mais qui nʼetait pas très recherché.

Le « Chat Noir » mais alors situé a Montmartre
& ou le chansonnier Donnay sʼillustra

Voici mon cher Marcel tous les rensei
gnements que jʼai pu obtenir de
Papa & dʼun tas de vieux boursiers
& bambocheurs qui ont fait la fête
à ce moment la.

Sʼil vous manque encore quelque
renseignement je suis trop content
de pouvoir faire la plus petite chose
pour vous. Pour moi cʼest le plus
grand service que vous puissiez me
rendre, cʼest de me mettre a contribution
plus souvent & continuellement

Merci de votre lettre adorable
comme toutes

je vous embrasse & je suis votre
affectueux

Albert

Pr le compte Leon envoyez le moi que je le
verifie & je vous ecrirai ce quʼil faudra faire si vous
êtes embarassé.

Albert affectueux


Surlignage

Le 28 décembre 1911

Mon cher Marcel,

Nos lettres se sont croisées et par là même vous avez pu voir lʼinnocence éclatante de la personne dont vous me parlez dans votre mot. Jʼai plusieurs choses à vous dire.

1° Vous avez dû recevoir un mot de chez Léon vous avisant que vous avez acheté 500 Rand Mines à 168 francs.

2° Le coupon se détache le 8 janvier ou le 6.

Tortoni est détruit et cʼest au coin de la rue Taitbout et du boulevard. Aujourdʼhui est à cette place une maison de bottines. Je crois que le bottier maintenant établi là porte enseigne « Au chat noir » .

Un peu plus loin est la Maison dorée (et non Maison dʼOr comme je vous lʼavais écrit) sur les Boulevards au coin de la rue Lafitte. Donc presque à côté de Tortoni. À lʼheure actuelle sʼélève à cet endroit un bureau de poste (nouvellement construit). On y soupait on y dînait ainsi que chez Tortoni. Cʼétait très chic.

On allait également en 1880 chez Durand et cʼétait assez « ernier cri » dʼy aller ainsi quʼau Café de la Paix et à Américain (café de la Paix place de lʼOpéra) (Durand place de la Madeleine et lʼAméricain un peu plus loin et à gauche sur les boulevards en y allant de nos domiciles) et un peu plus loin de Tortoni, la Maison dorée.

Il y avait aussi Brébant moins chic situé sur les Boulevards.

Arban rue Vivienne (détruit).

Un peu plus loin Notta sur les Boulevards (exactement boulevard Poissonnière) (détruit).

Les femmes très chics et femmes mariées nʼallaient pas précisément souper comme lʼon fait maintenant, « on allait » « prendre quelque chose ». Et cʼétait le plus souvent des glaces, chocolat, etc.

Il y avait aussi Prévost encore plus loin sur le boulevard renommé justement pour son chocolat.

Mais où il était ultra-chic dʼaller cʼétait 1° au Café Anglaisparaît-il il y avait la salle dénommée « Grand Seize » le monde très élégant venait souper ou dîner en commandant retenant ses tables à lʼavance. Il paraît que cʼétait ultra-chic (Café Anglais situé sur les Boulevards à droite ).

2° Chez Bignon qui était placé à lʼendroit est Paillard maintenant cʼest-à-dire au coin de la Chaussée dʼAntin et des Boulevards. Plus tard Bignon se déplaça et vintétablir au 32 avenue de lʼOpéra. Ultra-chic aussi comme le Café Anglais.

Voisin.

4° Il était très chic dʼaller dans deux endroits mais de moindre importance : cʼétait Imoda et Larue (mais pas le Larue actuel).

Imoda était un confiseur-glacier établi à lʼendroit est lʼactuel « Maximʼs » petit confiseur mais renommé pour ses glaces et on allait souvent après le théâtre « prendre une glace chez Imoda » (détruit aussi).

Maximʼs était un petit bar les cochers venaient prendre un verre sur le « zinc ». Depuis cela changea et devint Imoda puis le Maximʼs actuel. (« Imoda » détruit forcément). Quant à Larue on y allait prendre de la bière Muller et cʼétait aussi très élégant . Cʼétait situé en face de la rue Rougemont. En 1882 Larue lâcha cet établissement de bière et prit le Larue actuel. Rue Royale.

Mais après le théâtre aussi il était très chic dʼaller prendre un verre de bière Muller chez Larue (rue Rougemont). Toutes les actrices en nom y allaient. (Détruit maintenant)

(Quant à Sylvain derrière lʼOpéra ce nʼétait fréquenté que par un demi-monde pas très chic).

On allait aussi beaucoup au Napolitain très réputé pour ses glaces. On allait prendre une glace au Napolitain on y dînait.

Foyot était un restaurant placé de lʼautre côté de lʼeau (existe toujours) près de lʼOdéon.

Lʼétablissement dans le genre du Magic City ou Luna Park cela nʼexistait pas. On allait dans les bals :

« Bullier » situé de lʼautre côté de lʼeau, situé dans le haut du boulevard Saint-Michel (existe encore mais transformé) . Cʼétait un bal dʼétudiants mais le jeudi les jeunes gens du grand monde allaient y danser, cʼétait élégant dʼy aller le jeudi.

«  Frascati » était un bal de cocottes.

Le « Bal Mabille » situé 53 avenue Montaigne et sur lesquels terrains on a construit des maisons de rapport, lesquelles abritent aujourdʼhui votre serviteur (depuis 25 ans déjà). Et à côté du « Bal Mabille » sʼélevait un endroit nommé « le Moulin Rouge » (endroit qui nʼa rien de commun avec Le Moulin-Rouge de Montmartre actuel) et où on dansait et soupait. Le Moulin Rouge ouvert toute lʼannée était de préférence recherché lʼété.

Et un peu moins tard en 1872 (à lʼendroit où sʼélève aujourdʼhui le Jardin de Paris actuel) était le concert « Musard » qui devint le concert « Besselièvre » (Champs-Élysées) mais qui nʼétait pas très recherché.

Le « Chat Noir » mais alors situé à Montmartre et le chansonnier Donnay sʼillustra.

Voici mon cher Marcel tous les renseignements que jʼai pu obtenir de Papa et dʼun tas de vieux boursiers et bambocheurs qui ont fait la fête à ce moment-là.

Sʼil vous manque encore quelque renseignement je suis trop content de pouvoir faire la plus petite chose pour vous. Pour moi cʼest le plus grand service que vous puissiez me rendre, cʼest de me mettre à contribution plus souvent et continuellement.

Merci de votre lettre adorable comme toutes.

Je vous embrasse et je suis votre affectueux

Albert

Pour le compte Léon envoyez-le-moi que je le vérifie et je vous écrirai ce quʼil faudra faire si vous êtes embarrassé.

Albert affectueux

Tous ces renseignements pour votre livre scrupuleusement écoutés et religieusement écrits en note et transcrits ici : sʼil y a des erreurs elles viennent du manque de mémoire de ces messieurs de la Bourse. Mais je ne crois pas quʼil y ait manque de mémoire car ils ne se sont contredits entre eux sur aucun point sur ces établissements et restaurants.

Note n°1
Cette lettre de Nahmias, datée de sa main, complète celle quʼil avait adressée à Proust [peu avant le lundi 25 décembre 1911] (CP 05399) où il ne mentionnait que quelques restaurants et cafés chics des années 1880 : Tortoni, Prévost, le Café Anglais et la Maison dorée. [PW, FL]
Note n°2
La lettre de Proust ne nous est pas parvenue. – Pyra Wise (BIP, n° 37, p. 17, n. 5) suggère quʼil pourrait sʼagir de la lettre datée par Kolb du [jeudi 28 ? décembre 1911] (CP 02256 ; Kolb, X, n° 199) mais, outre que cette lettre ne sʼinsère pas véritablement dans les échanges ici en cours sur les restaurants parisiens de 1880 et sur les ordres de bourse, Kolb lui-même indique quʼelle « a dû étre écrite vers le jeudi 12 décembre 1911 » (loc. cit., n. 1), date en effet plus probable. La lettre de Proust qui sʼest probablement croisée avec celle que Nahmias lui a adressée [peu avant le lundi 25 décembre 1911] (CP 05399 ; BIP, n° 37, p. 16-17), devait lui demander une liste détaillée de cafés et restaurants des années 1880 pour lʼépisode dʼ« Un amour de Swann » où Swann cherche Odette dans la nuit (CS, I, 227-228). — Il est possible que la personne incriminée par Proust soit Nahmias, accusé dʼoublier les services qui lui sont demandés, et dont la lettre écrite à la veille de Noël prouverait à Proust le caractère mal fondé de ses accusations. [FL]
Note n°3
Cet achat correspond à un ordre boursier exprimé par Proust dans sa lettre (CP 04430 ; Kolb, XIX, n° 393) que nous situons [peu avant le 22 décembre 1911], ordre que Nahmias, dans la lettre écrite [peu avant le lundi 25 décembre 1911] (CP 05399 ; BIP, n° 37, p. 16-17) , promettait de faire réaliser « au mieux » : « Si le détachement du coupon a lieu Janvier, vous pourriez racheter maintenant [...] 500 Rand Mines au cours de 168 si elle y redescend. » – Le cours de cette action est redescendu à 168 francs le 22 décembre, a remonté les jours suivants, est redescendu jusquʼà 166 au cours de la séance du 28 décembre 1911, puis est remonté au-delà de 168 les jours suivants. On ne sait si le coulissier Léon a acquis les titres le 22 décembre mais nʼa prévenu Proust quʼavec plusieurs jours de retard, ou si lʼachat de ces 500 actions vient dʼêtre réalisé au cours de la séance du 28 décembre, ce qui paraît le plus probable si Nahmias écrit dans la soirée du 28. [FL]
Note n°4
Dans sa lettre écrite [peu avant le lundi 25 décembre 1911] (CP 05399 ; BIP, n° 37, p. 16-17), Nahmias avait promis, en réponse à la précédente lettre de Proust (CP 04430 ; Kolb, XIX, n° 393), de se renseigner sur la date où se détachait le coupon des Rand Mines. [PW, FL]
Note n°5
Le célèbre glacier Tortoni, situé au 22 boulevard des Italiens, ferma définitivement ses portes en 1893. [PW]
Note n°6
Voir la lettre de Nahmias à Proust écrite [peu avant le 25 décembre 1911] (CP 05399). On trouve les deux noms dans les écrits de lʼépoque. [FL]
Note n°7
Ce restaurant légendaire, ainsi nommé pour ses dorures, était situé à lʼangle de la rue Laffitte et du boulevard des Italiens ; il ferma ses portes le 31 décembre 1902, fut dʼabord remplacé par une brasserie puis, en 1908, par un bureau de poste – qui, en 1974, a cédé la place à une banque. [PW]
Note n°8
Ouvert en 1862, le Café de la Paix était le café-restaurant du Grand Hôtel, hôtel de grand luxe construit par les frères Pereire en 1861-62 pour une clientèle internationale en vue de lʼExposition universelle de 1867 (et qui devait initialement sʼappeler Grand Hôtel de la Paix). Rachetés à diverses reprises, le café de la Paix et le Grand Hôtel existent encore de nos jours, classés monuments historiques et rénovés dans leur style dʼorigine. [FL]
Note n°9
Paul Brébant ouvrit un café à son nom vers 1863, à lʼangle du boulevard Poissonnière et de la rue du faubourg Montmartre. Cet établissement, très célèbre à la fin du Second Empire, était surtout fréquenté par des écrivains. Vendu en 1888, il continua sous ce nom jusquʼen 1930. (À ce sujet ainsi que pour la plupart des autres établissements mentionnés par Nahmias, voir Robert Courtine, La Vie parisienne : Cafés et restaurants des Boulevards 1814-1914, Paris, Perrin, 1984.) [PW]
Note n°10
Nous nʼavons pas trouvé dʼinformations sur cet établissement. [PW, FL]
Note n°11
Notta était le point de rencontre de la Société des Gens de Lettres. Il céda la place, en 1895, au journal Le Matin. [PW]
Note n°12
Louis Bignon acheta dʼabord le Café Foy, situé 2 rue de la Chaussée-dʼAntin, qui devint « Chez Bignon ». Il le céda ensuite à son frère Jules pour acheter le Café Riche en 1847. Jules Bignon le vendit à Paillard, et alla sʼinstaller au 34, avenue de lʼOpéra. [PW]
Note n°13
Le restaurant Voisin, installé depuis 1850 au 261, rue Saint-Honoré, ferma en 1931. [PW]
Note n°14
Nahmias semble avoir confondu les établissements ou la chronologie. Le café-glacier Imoda, ouvert après 1870, fut racheté vers 1891 par Maxime Gaillard et Georges Evernaet, qui anglicisèrent leur nom et ouvrirent « Maximʼs et Georgeʼs », qui devint un bar pour cochers, avant de devenir, vers 1900, un restaurant chic. (Voir Henri Raczymow, Le Paris littéraire et intime de Marcel Proust, Paris, Parigramme, 1997, p. 103.) [PW]
Note n°15
Cʼest-à-dire : de lʼautre côté de la Seine, donc rive gauche. Foyot, chef des cuisines du roi Louis-Philippe, ouvrit le « Café Foyot » au 33, rue de Tournon. Il ne ferma ses portes quʼen 1938. [PW, FL]
Note n°16
Le Magic City, créé en 1900, quai dʼOrsay et 180 rue de lʼUniversité, par Ernest Cognacq, le fondateur des Grands Magasins de La Samaritaine, était au départ un parc de loisirs destiné plutôt aux adultes : spectacles, skating, restaurant, salle de bal, zoo humain ; puis fut inauguré en juin 1911 un parc dʼattractions à sensations fortes développé sur le modèle du Luna Park de New York, avec des montagnes russes, un chemin de fer panoramique, un toboggan géant, etc. Le parc disparut en 1926 lors du lotissement du quartier, à lʼexception de deux salles de bal, qui hébergèrent notamment des bals de travestis. Fermé en 1934, le Magic City fut détruit en 1942. [FL]
Note n°17
Ce parc, ouvert porte Maillot en 1909, offrait, dans une ambiance de fête foraine permanente, des attractions rendues possibles par les progrès de la construction métallique et de lʼélectricité (montagnes russes, water chute, « roue diabolique », etc.), ainsi quʼun dancing. Il dura près de trente ans. [PW]
Note n°18
Le « Bal Bullier », situé rive gauche au 31, avenue de lʼObservatoire, fut fondé en 1847 par François Bullier (1796-1869). Il sʼappela dʼabord « La Closerie des Lilas » mais devient célèbre sous le nom de « Bullier » et fut, jusquʼen 1907, lʼun des grands bals de Paris. [PW]
Note n°19
Frascati, ouvert par un glacier napolitain à lʼangle de la rue de Richelieu et du boulevard Montmartre, était à la fois une salle de bal, un café élégant, et une salle de jeu. La fermeture des établissements de jeu ordonnée par Louis-Philippe le fit disparaître en 1837. Cet indice, parmi dʼautres, tend à souligner que les renseignements récoltés par Nahmias ne correspondent pas exactement aux informations demandées par Proust, concernant la vie nocturne des années 1880. [PW]
Note n°20
Initialement établissement de danse (fondé par Mabille, professeur de danse), le Bal Mabille fut ouvert au public en 1844, transformé en un jardin enchanté artificiel et éclairé au gaz, ce qui lui permit dʼouvrir le soir (et non uniquement lʼaprès-midi). Par ces innovations, il devient rapidement le bal le plus en vogue de Paris. Cʼest là que fut popularisée la polka, que le cancan fut introduit. Du fait de son tarif élevé, il était surtout fréquenté par des dandys et des courtisanes en quête de protecteurs. (Voir François Gasnault, Goguettes et lorettes : bals publics à Paris au XIXesiècle, Paris, Aubier, « Historiques », 1986, p. 196-198.) Pendant la guerre de 1870, il fut frappé par deux obus, ferma en 1875, et fut détruit en 1882. – Lʼ« Allée des Veuves », longtemps champêtre et mal famée, fut rebaptisée « Avenue Montaigne » en 1850 lorsque le quartier se développa, dans les années 1850-1890, avec la construction dʼhôtels particuliers pour la bourgeoisie dʼaffaires. [PW, FL]
Note n°21
Lʼactuel Moulin-Rouge, célèbre cabaret situé au pied de la butte Montmartre, fut fondé en 1889 par lʼentrepreneur de spectacles Josep Oller i Roca, dit Joseph Oller (1839-1922) et lʼimpresario Charles Zidler (1831-1897). [FL]
Note n°22
Le Petit Moulin Rouge, restaurant-ginguette, était doté dʼun jardin qui sʼétendait jusquʼà la rue Jean-Goujon. On y soupait à la sortie du Bal Mabille. Il ferma en 1882. (Voir Robert Courtine, Le Ventre de Paris, Paris, Perrin, 1985, p. 378-381.) [PW]
Note n°23
De 1881 à 1896, ce concert de plein air fut situé entre lʼactuelle avenue Franklin-Roosevelt et le Cours-la-Reine. Il fut ensuite transféré au sud de lʼavenue des Champs-Élysées, près de la place de la Concorde. [PW]
Note n°24
Nahmias semble, outre son orthographe approximative des noms, se tromper aussi sur les dates. En 1872, le directeur dʼorchestre et compositeur de musique légère Philippe Musard (1792-1859) était décédé depuis plusieurs années. Son fils Alfred Musard (1818-1881) semble avoir poursuivi lʼorganisation de concerts de plein air (notamment les « concerts promenades », qui permettaient de danser) quʼil avait institués. Le Musée Carnavalet possède une gravure intitulée « Les concerts Musard aux Champs-Élysées en 1836 » – Quant au journaliste et impresario Charles-Henri de Besselièvre (1820-1881), il fonda, en 1859, l’entreprise des Concerts des Champs-Élysées dans une salle près du Palais de l’industrie, et engagea successivement plusieurs chefs pour diriger ces concerts. Mais après son décès, un jardin d’hiver succéda aux concerts des Champs-Élysées. (Voir le Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle). Il ne semble donc pas que Le Jardin de Paris (concert de plein air) ait pris la suite des Concerts Besselièvre, mais en effet ait repris (après le décès dʼAlfred Musard) la formule des concerts Musard. [FL]
Note n°25
Ce cabaret, fondé par Rodolphe Salis en 1881, au pied de la butte Montmartre, fut installé dʼabord au 84 boulevard de Rochechouart puis en 1885 dans une rue voisine, 12 rue de Laval (rebaptisée rue Victor-Massé en 1892), avant de déménager en 1896 au 68 boulevard de Clichy. Très célèbre, il était fréquenté par le « Tout-Paris » intellectuel, artistique et politique. [PW, FL]
Note n°26
Bien que la graphie ne soit pas ici dʼune grande netteté, il sʼagit vraisemblablement de Maurice Donnay – et non, comme lʼavait suggéré Pyra Wise (art. cit.), de Lucien Perier, dit Dollinet, que Nahmias aurait orthographié « Dorinez ». Alors que ce dernier nʼa eu quʼune « carrière [...] courte et sans éclat » (Michel Herbert, La Chanson à Montmartre, Paris, La Table ronde, 1967, p. 366), Maurice Donnay rencontra en effet le succès dès quʼil déclama au Chat-Noir ses premiers vers, « sʼillustra » en composant avec Alphonse Allais des chansons pour les soirées du célèbre cabaret, puis il se lança rapidement dans lʼécriture de comédies pour le théâtre de boulevard qui le conduisirent dès 1907 à lʼAcadémie française. — Dans un livre de souvenirs, Autour du Chat Noir (Paris, Grasset, 1926), il raconte comment il acquit sa soudaine célébrité en étant invité par hasard à lire ses vers, un soir de répétition générale au Chat-Noir en 1891 (voir Maurice Donnay, Autour du Chat Noir, p. 24-25). [FP, CSz, FL]


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Date de mise en ligne : March 7, 2024 14:16
Date de la dernière mise à jour : September 17, 2024 04:43
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