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CP 01774 Marcel Proust à Anna de Noailles [peu après le 21 mars 1908]

Surlignage

Madame,

Si je ne savais que les plus
grands sont les plus simples
et les meilleurs, toujours, en
vertu dʼune loi naturelle et
éternelle, je serais trop confus
de votre bonté et de la peine
que vous avez prise de mʼécrire
si gentiment. Mais comme la
précédente cette lettre a sa
flèche cruelle. Cʼétait « Je
pars pour laʼ Italie Grèce ». Cʼest


« Je pars pour lʼItalie ». Et
sans doute je ne vous vois pas à
Paris. Mais tout de même
cela brise la possibilité que
chaque jour jʼespère réaliser
le lendemain, sans que les
déceptions accumulées ôtent
de la force à mon espérance
« Et la jeune espérance
Leur dit : « Mes sœurs
Si nous recommençions »
.
Adieu Madame. En ce
moment dans mes méditations
sur vous, cʼest de Wagner que vous me
paraissez surtout la pareille. Jʼespère
que cela ne vous fâche pas et nʼest pas
offensant à lʼimmensité de vos rêves
et la toute puissance de votre orchestration,
vous qui êtes encore plus Siegfried quʼYseult
et dont les vers sur les Jardins de Lombardie
accouplent les mille timbres dʼun orchestre
innombrable et « comme un divin chœur
Eveillant mille fovoix qui chantent dans
le cœur »
.
Madame que je vous admire, que je
vous aime et que la séparation constante
dʼavec vous mʼest dure. Avoir vécu
à la même époque que vous, dans la même
ville, et ne vous voir jamais. Je nʼose
plus penser à vous à cause des heurts que cela
me donne : « Jʼai même défendu par une
xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx
xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx
expresse loi, quʼon osat
prononcer votre nom devant
moi. »

Jʼai dit à la Princesse de
Chimay
que je lui raconterais
– et à vous une conversation
avec Hermant. Et combien
jʼavais trouvé son fils gentil.
Car je me refuse à croire à
lʼaffreuse hypothèse. Bien
que la solennité des sacrements
xxx  dʼune forme juridique
comme lʼadoption ne serve
plus guères quʼà ajouter quelque
saveur à la banalité des
situations irrégulières, je ne
puis croire quʼil ait voulu parer
des dehors infiniment respectables
de lʼinceste une banale aventure
dʼhomosexualité. Je suis convain-
cu et certain quʼil nʼa
nullement ces goûts. Et le
jeune homme, comme lui, nʼ
aime certainement que les
femmes. Dʼailleurs on ne se conduit
pas si bien que cela avec les femmes.
Adopter ! Mais on nʼépouse
pas. Il est vrai que lʼhomo-
sexualité montre plus de délicatesse, car elle se
ressent encore de sa pure origine, lʼamitié, et
en retient quelques vertus. Madame brûlez
cette lettre au nom du ciel et nʼen divulguez
jamais le contenu !

Votre respectueux ami


Marcel Proust


Surlignage

Madame,

Si je ne savais que les plus grands sont les plus simples et les meilleurs, toujours, en vertu dʼune loi naturelle et éternelle, je serais trop confus de votre bonté et de la peine que vous avez prise de mʼécrire si gentiment. Mais comme la précédente cette lettre a sa flèche cruelle. Cʼétait « Je pars pour la  Grèce ». Cʼest « Je pars pour lʼItalie ». Et sans doute je ne vous vois pas à Paris. Mais tout de même cela brise la possibilité que chaque jour jʼespère réaliser le lendemain, sans que les déceptions accumulées ôtent de la force à mon espérance. « Et la jeune Espérance Leur dit : "Mes sœurs Si nous recommençions" » . Adieu Madame. En ce moment dans mes méditationssur vous, cʼest de Wagner que vous me paraissez surtout la pareille. Jʼespère que cela ne vous fâche pas et nʼest pas offensant à lʼimmensité de vos rêves et la toute puissance de votre orchestration, vous qui êtes encore plus Siegfried quʼYseult et dont les vers sur les Jardins de Lombardie accouplent les mille timbres dʼun orchestre innombrable et « comme un divin chœur

Éveillant mille voix qui chantent dans le cœur »
. Madame que je vous admire, que je vous aime et que la séparation constante dʼavec vous mʼest dure. Avoir vécu à la même époque que vous, dans la même ville, et ne vous voir jamais. Je nʼose plus penser à vous à cause des heurts que cela me donne : « Jʼai même défendu par une expresse loi, quʼon osât prononcer votre nom devant moi. » Jʼai dit à la Princesse de Chimay que je lui raconterais – et à vous une conversation avec Hermant. Et combien jʼavais trouvé son fils gentil. Car je me refuse à croire à lʼaffreuse hypothèse. Bien que la solennité des sacrements ou dʼune forme juridique comme lʼadoption ne serve plus guère quʼà ajouter quelquesaveur à la banalité des situations irrégulières, je ne puis croire quʼil ait voulu parer des dehors infiniment respectables de lʼinceste une banale aventure dʼhomosexualité. Je suis convaincu et certain quʼil nʼa nullement ces goûts. Et le jeune homme, comme lui, nʼaime certainement que les femmes. Dʼailleurs on ne se conduit pas si bien que cela avec les femmes. Adopter ! Mais on nʼépouse pas. Il est vrai que lʼhomo sexualité montre plus de délicatesse, car elle se ressent encore de sa pure origine, lʼamitié, et en retient quelques vertus. Madame brûlez cette lettre au nom du ciel et nʼen divulguez jamais le contenu !

Votre respectueux ami

Marcel Proust

Note n°1
Cette lettre semble répondre à la lettre de madame de Noailles à Proust datée du [samedi 21 mars 1908] par Ph. Kolb (CP 01773 ; Kolb, VIII, n° 29). Proust aurait pu écrire la présente lettre peu après cette date, en raison de ses allusions au prochain départ de la destinataire pour lʼItalie, annoncé dans la lettre de la comtesse datée du 21 mars (note 3 ci-après). [PK]
Note n°2
La « précédente » lettre où madame de Noailles annoncerait son voyage imminent en Grèce nous manque. À propos de ce changement de destination, Anna de Noailles explique avoir dû sʼarreter en Sicile, « lʼîle fortunée » des Anciens : « Pourtant, dans ma déception, je me plaisais à dire : "Je suis comme Jacob, qui souhaitait Rachel et qui nʼobtint que Lia." » (CG, t. 2, p. 177, note 1), sans donner plus de détails sur ce détour. [PK, ChC]
Note n°3
Allusion, semble-t-il, à la lettre datée du [samedi 21 mars 1908] (CP 01773 ; Kolb, VIII, n° 29), où madame de Noailles annonce : « Pourtant je crois partir pour Syracuse. » Le New York Herald du 6 mai 1908 annonce son retour en France, p. 5, sous la rubrique « Déplacements » : « La comtesse Mathieu de Noailles, actuellement en Italie, est attendue prochainement à Paris. » [PK]
Note n°4
La citation est tirée de la dernière strophe du sonnet de Sully Prudhomme intitulé « Les Danaïdes », publié en 1866 dans le recueil Les Épreuves : Amour, Doute, Rêve, Action, Paris, Alphonse Lemerre, 1866 : « Tels sont lʼœuvre et le sort de nos illusions : / Elles tombent toujours, et la jeune Espérance / Leur dit toujours : "Mes sœurs, si nous recommencions !" » (Œuvres, t. 2, Poésies de Sully Prudhomme : 1866-1872, Paris, Alphonse Lemerre, 1872, p. 8.) [PK]
Note n°5
Dans une lettre adressée à Anna de Noailles datée du [6, le 7 ou le 8 juin 1905] par Ph. Kolb (cf. CP 01243 ; Kolb, V, n° 106), Proust avait parlé de la « Muse de Wagner » qui crie, parcourant les sommets de la musique, en citant un passage du roman de la comtesse de Noailles récemment paru, La Domination, Paris, Calmann-Lévy, 1905, ch. XXVII, p. 295. [PK, ChC]
Note n°6
Le poème « Musique pour les jardins de Lombardie » est publié dans la Revue des Deux Mondes du 15 janvier 1908, 5e série, t. 43, p. 366-368. Dans la lettre du [15 ou 16 janvier 1908] (CP 01752 ; Kolb, VIII, n° 8), Proust félicite madame de Noailles lors de la parution de ses « vers sublimes », puis dans une lettre à la même de [peu après le 22 février 1908] (CP 01760 ; Kolb, VIII, n° 16), Proust manifeste à nouveau son admiration pour ce poème, quʼil définit « la cime extrême et embaumée » de lʼœuvre dʼAnna de Noailles. Le poème sera repris dans le recueil Les Vivants et les Morts, Paris, Fayard, 1913, p. 170-173, avec un ordre de strophes différent de la première version (1, 5, 4, 2, 3, 6). [PK, ChC]
Note n°7
Cʼest Doña Sol dans Hernani qui prononce ces mots, juste avant que ne retentisse le cor fatal : « Car la musique est douce, / Fait lʼâme harmonieuse, et comme un divin chœur, / Éveille mille voix qui chantent dans le cœur ! » (acte V, scène 3, vers 1672-1674). [NM]
Note n°8
Phèdre sʼadresse à Hippolyte. [PK]
Note n°9
Cʼest dans une lettre du [4 avril 1908] (CP 01783 ; Kolb, VIII, n° 39, texte lacunaire) à la princesse de Caraman-Chimay que Proust fait le récit en question : « Je crois que je ne vous ai jamais raconté l’entrevue que j’ai eue avec Hermant il y a un mois et les discours que je lui tins sur la Discorde. Ce fut beau, je vous assure. Très accessoirement sa colère contre Madame Bulteau m’a incliné à une grande estime de cette dame… Le fils d’Hermant est charmant de politesse, de gentillesse, et beau garçon. » (Librairie Jean-Claude Vrain, Paris, catalogue 2007, « Livres, autographes et manuscrits », n° 153 ; BIP, 39, 2009, p. 158). La Discorde est un roman publié par Hermant en 1907 chez Lemerre. [NM]
Note n°10
L’« affreuse hypothèse » à laquelle Proust fait allusion concerne un cas d’adoption cachant une homosexualité incestueuse qui fit scandale à l’époque. Abel Hermant (1862-1950), écrivain, dramaturge et journaliste, semble entretenir une relation avec Joachim Marcel Ardavani (1888-1964), le frère utérin d’une fille quʼil avait eue en 1884 de sa maîtresse Mathilde Ardavani et qui était morte peu après sa naissance (Jean-Claude Féray, Des amitiés particulières aux paternités singulières : les secrets dʼAbel Hermant de lʼAcadémie française : avec de larges extraits de son œuvre, Saint-Martin-Saint-Firmin, Quintes-feuilles, 2019, p. 10-11 et p. 129 et sq.). Le 11 octobre 1915, Hermant finit pour adopter officiellement le jeune homme, qui prit le nom de Marcel Abel Hermant (source Wikipédia). L’adoption était depuis l’Antiquité et encore en ce début de XXe siècle la seule manière de contracter un lien civil pour un couple du même sexe (Régis Schlagdenhauffen, « La légalisation du mariage des couples de même sexe en Europe », HAL, 2020). Cette lettre de Proust montre que cette affaire était connue bien avant l’adoption officielle de 1915, Abel Hermant présentant Joachim comme son « fils adoptif » en 1908. Toutefois Proust, soucieux de ne pas s’exposer personnellement sur un tel sujet, feint repousser l’hypothèse que cette adoption puisse cacher une relation homosexuelle (« Je suis convaincu et certain quʼil nʼa nullement ces goûts. Et le jeune homme, comme lui, nʼaime certainement que les femmes »). Sur une célèbre photographie de groupe prise à la villa Bassaraba des Brancovan, près dʼÉvian, en 1899, Abel Hermant pose entre les sœurs Brancovan, Anna, comtesse de Noailles, et Hélène, princesse de Caraman-Chimay ; Marcel Proust est à lʼarrière-plan. [ChC, NM]
Note
Comtesse de Noailles Revue des Deux Mondes Musique pour les jardins de Lombardie 15 janvier 1908


Mots-clefs :élogehomosexualitélecturesmondanités
Date de mise en ligne : December 12, 2022 09:54
Date de la dernière mise à jour : August 30, 2024 15:00
Surlignage

Madame,

Si je ne savais que les plus
grands sont les plus simples
et les meilleurs, toujours, en
vertu dʼune loi naturelle et
éternelle, je serais trop confus
de votre bonté et de la peine
que vous avez prise de mʼécrire
si gentiment. Mais comme la
précédente cette lettre a sa
flèche cruelle. Cʼétait « Je
pars pour laʼ Italie Grèce ». Cʼest


« Je pars pour lʼItalie ». Et
sans doute je ne vous vois pas à
Paris. Mais tout de même
cela brise la possibilité que
chaque jour jʼespère réaliser
le lendemain, sans que les
déceptions accumulées ôtent
de la force à mon espérance
« Et la jeune espérance
Leur dit : « Mes sœurs
Si nous recommençions »
.
Adieu Madame. En ce
moment dans mes méditations
sur vous, cʼest de Wagner que vous me
paraissez surtout la pareille. Jʼespère
que cela ne vous fâche pas et nʼest pas
offensant à lʼimmensité de vos rêves
et la toute puissance de votre orchestration,
vous qui êtes encore plus Siegfried quʼYseult
et dont les vers sur les Jardins de Lombardie
accouplent les mille timbres dʼun orchestre
innombrable et « comme un divin chœur
Eveillant mille fovoix qui chantent dans
le cœur »
.
Madame que je vous admire, que je
vous aime et que la séparation constante
dʼavec vous mʼest dure. Avoir vécu
à la même époque que vous, dans la même
ville, et ne vous voir jamais. Je nʼose
plus penser à vous à cause des heurts que cela
me donne : « Jʼai même défendu par une
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expresse loi, quʼon osat
prononcer votre nom devant
moi. »

Jʼai dit à la Princesse de
Chimay
que je lui raconterais
– et à vous une conversation
avec Hermant. Et combien
jʼavais trouvé son fils gentil.
Car je me refuse à croire à
lʼaffreuse hypothèse. Bien
que la solennité des sacrements
xxx  dʼune forme juridique
comme lʼadoption ne serve
plus guères quʼà ajouter quelque
saveur à la banalité des
situations irrégulières, je ne
puis croire quʼil ait voulu parer
des dehors infiniment respectables
de lʼinceste une banale aventure
dʼhomosexualité. Je suis convain-
cu et certain quʼil nʼa
nullement ces goûts. Et le
jeune homme, comme lui, nʼ
aime certainement que les
femmes. Dʼailleurs on ne se conduit
pas si bien que cela avec les femmes.
Adopter ! Mais on nʼépouse
pas. Il est vrai que lʼhomo-
sexualité montre plus de délicatesse, car elle se
ressent encore de sa pure origine, lʼamitié, et
en retient quelques vertus. Madame brûlez
cette lettre au nom du ciel et nʼen divulguez
jamais le contenu !

Votre respectueux ami


Marcel Proust


Surlignage

Madame,

Si je ne savais que les plus grands sont les plus simples et les meilleurs, toujours, en vertu dʼune loi naturelle et éternelle, je serais trop confus de votre bonté et de la peine que vous avez prise de mʼécrire si gentiment. Mais comme la précédente cette lettre a sa flèche cruelle. Cʼétait « Je pars pour la  Grèce ». Cʼest « Je pars pour lʼItalie ». Et sans doute je ne vous vois pas à Paris. Mais tout de même cela brise la possibilité que chaque jour jʼespère réaliser le lendemain, sans que les déceptions accumulées ôtent de la force à mon espérance. « Et la jeune Espérance Leur dit : "Mes sœurs Si nous recommençions" » . Adieu Madame. En ce moment dans mes méditationssur vous, cʼest de Wagner que vous me paraissez surtout la pareille. Jʼespère que cela ne vous fâche pas et nʼest pas offensant à lʼimmensité de vos rêves et la toute puissance de votre orchestration, vous qui êtes encore plus Siegfried quʼYseult et dont les vers sur les Jardins de Lombardie accouplent les mille timbres dʼun orchestre innombrable et « comme un divin chœur

Éveillant mille voix qui chantent dans le cœur »
. Madame que je vous admire, que je vous aime et que la séparation constante dʼavec vous mʼest dure. Avoir vécu à la même époque que vous, dans la même ville, et ne vous voir jamais. Je nʼose plus penser à vous à cause des heurts que cela me donne : « Jʼai même défendu par une expresse loi, quʼon osât prononcer votre nom devant moi. » Jʼai dit à la Princesse de Chimay que je lui raconterais – et à vous une conversation avec Hermant. Et combien jʼavais trouvé son fils gentil. Car je me refuse à croire à lʼaffreuse hypothèse. Bien que la solennité des sacrements ou dʼune forme juridique comme lʼadoption ne serve plus guère quʼà ajouter quelquesaveur à la banalité des situations irrégulières, je ne puis croire quʼil ait voulu parer des dehors infiniment respectables de lʼinceste une banale aventure dʼhomosexualité. Je suis convaincu et certain quʼil nʼa nullement ces goûts. Et le jeune homme, comme lui, nʼaime certainement que les femmes. Dʼailleurs on ne se conduit pas si bien que cela avec les femmes. Adopter ! Mais on nʼépouse pas. Il est vrai que lʼhomo sexualité montre plus de délicatesse, car elle se ressent encore de sa pure origine, lʼamitié, et en retient quelques vertus. Madame brûlez cette lettre au nom du ciel et nʼen divulguez jamais le contenu !

Votre respectueux ami

Marcel Proust

Note n°1
Cette lettre semble répondre à la lettre de madame de Noailles à Proust datée du [samedi 21 mars 1908] par Ph. Kolb (CP 01773 ; Kolb, VIII, n° 29). Proust aurait pu écrire la présente lettre peu après cette date, en raison de ses allusions au prochain départ de la destinataire pour lʼItalie, annoncé dans la lettre de la comtesse datée du 21 mars (note 3 ci-après). [PK]
Note n°2
La « précédente » lettre où madame de Noailles annoncerait son voyage imminent en Grèce nous manque. À propos de ce changement de destination, Anna de Noailles explique avoir dû sʼarreter en Sicile, « lʼîle fortunée » des Anciens : « Pourtant, dans ma déception, je me plaisais à dire : "Je suis comme Jacob, qui souhaitait Rachel et qui nʼobtint que Lia." » (CG, t. 2, p. 177, note 1), sans donner plus de détails sur ce détour. [PK, ChC]
Note n°3
Allusion, semble-t-il, à la lettre datée du [samedi 21 mars 1908] (CP 01773 ; Kolb, VIII, n° 29), où madame de Noailles annonce : « Pourtant je crois partir pour Syracuse. » Le New York Herald du 6 mai 1908 annonce son retour en France, p. 5, sous la rubrique « Déplacements » : « La comtesse Mathieu de Noailles, actuellement en Italie, est attendue prochainement à Paris. » [PK]
Note n°4
La citation est tirée de la dernière strophe du sonnet de Sully Prudhomme intitulé « Les Danaïdes », publié en 1866 dans le recueil Les Épreuves : Amour, Doute, Rêve, Action, Paris, Alphonse Lemerre, 1866 : « Tels sont lʼœuvre et le sort de nos illusions : / Elles tombent toujours, et la jeune Espérance / Leur dit toujours : "Mes sœurs, si nous recommencions !" » (Œuvres, t. 2, Poésies de Sully Prudhomme : 1866-1872, Paris, Alphonse Lemerre, 1872, p. 8.) [PK]
Note n°5
Dans une lettre adressée à Anna de Noailles datée du [6, le 7 ou le 8 juin 1905] par Ph. Kolb (cf. CP 01243 ; Kolb, V, n° 106), Proust avait parlé de la « Muse de Wagner » qui crie, parcourant les sommets de la musique, en citant un passage du roman de la comtesse de Noailles récemment paru, La Domination, Paris, Calmann-Lévy, 1905, ch. XXVII, p. 295. [PK, ChC]
Note n°6
Le poème « Musique pour les jardins de Lombardie » est publié dans la Revue des Deux Mondes du 15 janvier 1908, 5e série, t. 43, p. 366-368. Dans la lettre du [15 ou 16 janvier 1908] (CP 01752 ; Kolb, VIII, n° 8), Proust félicite madame de Noailles lors de la parution de ses « vers sublimes », puis dans une lettre à la même de [peu après le 22 février 1908] (CP 01760 ; Kolb, VIII, n° 16), Proust manifeste à nouveau son admiration pour ce poème, quʼil définit « la cime extrême et embaumée » de lʼœuvre dʼAnna de Noailles. Le poème sera repris dans le recueil Les Vivants et les Morts, Paris, Fayard, 1913, p. 170-173, avec un ordre de strophes différent de la première version (1, 5, 4, 2, 3, 6). [PK, ChC]
Note n°7
Cʼest Doña Sol dans Hernani qui prononce ces mots, juste avant que ne retentisse le cor fatal : « Car la musique est douce, / Fait lʼâme harmonieuse, et comme un divin chœur, / Éveille mille voix qui chantent dans le cœur ! » (acte V, scène 3, vers 1672-1674). [NM]
Note n°8
Phèdre sʼadresse à Hippolyte. [PK]
Note n°9
Cʼest dans une lettre du [4 avril 1908] (CP 01783 ; Kolb, VIII, n° 39, texte lacunaire) à la princesse de Caraman-Chimay que Proust fait le récit en question : « Je crois que je ne vous ai jamais raconté l’entrevue que j’ai eue avec Hermant il y a un mois et les discours que je lui tins sur la Discorde. Ce fut beau, je vous assure. Très accessoirement sa colère contre Madame Bulteau m’a incliné à une grande estime de cette dame… Le fils d’Hermant est charmant de politesse, de gentillesse, et beau garçon. » (Librairie Jean-Claude Vrain, Paris, catalogue 2007, « Livres, autographes et manuscrits », n° 153 ; BIP, 39, 2009, p. 158). La Discorde est un roman publié par Hermant en 1907 chez Lemerre. [NM]
Note n°10
L’« affreuse hypothèse » à laquelle Proust fait allusion concerne un cas d’adoption cachant une homosexualité incestueuse qui fit scandale à l’époque. Abel Hermant (1862-1950), écrivain, dramaturge et journaliste, semble entretenir une relation avec Joachim Marcel Ardavani (1888-1964), le frère utérin d’une fille quʼil avait eue en 1884 de sa maîtresse Mathilde Ardavani et qui était morte peu après sa naissance (Jean-Claude Féray, Des amitiés particulières aux paternités singulières : les secrets dʼAbel Hermant de lʼAcadémie française : avec de larges extraits de son œuvre, Saint-Martin-Saint-Firmin, Quintes-feuilles, 2019, p. 10-11 et p. 129 et sq.). Le 11 octobre 1915, Hermant finit pour adopter officiellement le jeune homme, qui prit le nom de Marcel Abel Hermant (source Wikipédia). L’adoption était depuis l’Antiquité et encore en ce début de XXe siècle la seule manière de contracter un lien civil pour un couple du même sexe (Régis Schlagdenhauffen, « La légalisation du mariage des couples de même sexe en Europe », HAL, 2020). Cette lettre de Proust montre que cette affaire était connue bien avant l’adoption officielle de 1915, Abel Hermant présentant Joachim comme son « fils adoptif » en 1908. Toutefois Proust, soucieux de ne pas s’exposer personnellement sur un tel sujet, feint repousser l’hypothèse que cette adoption puisse cacher une relation homosexuelle (« Je suis convaincu et certain quʼil nʼa nullement ces goûts. Et le jeune homme, comme lui, nʼaime certainement que les femmes »). Sur une célèbre photographie de groupe prise à la villa Bassaraba des Brancovan, près dʼÉvian, en 1899, Abel Hermant pose entre les sœurs Brancovan, Anna, comtesse de Noailles, et Hélène, princesse de Caraman-Chimay ; Marcel Proust est à lʼarrière-plan. [ChC, NM]
Note
Comtesse de Noailles Revue des Deux Mondes Musique pour les jardins de Lombardie 15 janvier 1908


Mots-clefs :élogehomosexualitélecturesmondanités
Date de mise en ligne : December 12, 2022 09:54
Date de la dernière mise à jour : August 30, 2024 15:00
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