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CP 02303 Marcel Proust à Albert Nahmias [le vendredi 29 mars 1912]

Surlignage

Vous avez peutʼêtre appris la
mort de Madame Hahn quʼon a
enterrée hier. Excusez-moi donc
de ne pas vous avoir encore répondu.
Je vous envoie ci joint un chèque
de 1700 fr. pour le dernier travail.
Mais cela ne fait-il pas moins
que pour les autres puisque vous
avez dessus à payer la dactyl. Je ne


me rends pas compte ne me
rappelant pas exactement.
Vous me direz très franchement
si cʼest bien ou insuffisant.
Je n’ai pas encore recu vos
feuilles mais je suis émerveillé
que vous ayez fait tout cela.
Vous êtes un grand travailleur
et un garçon digne de la plus
haute estime. Avez-vous dit à
Monsieur votre Père combien je
lui étais reconnaissant. Je n’ose pas après
si longtemps lui écrire. Quʼen pensez-vous.

Croyez-moi cher Albert, tout à vous

Marcel

Excusez-moi si cette lettre est un peu
« hagarde ». Je n’ai pas eu de trêve dans mes
crises d’asthme pendant ces quinze jours. De
plus Nicolas part pour deux jours ce qui
me gêne et m’agite beaucoup et je préfère à


cause de cela que vous ne me teléphoniez pas ces
deux jours-ci. Ecrivez-moi plutôt. (Votre
dernière lettre était terriblement parfumée).
Mon article sur les Aubépines dont je vous avais
parlé a paru dans le Figaro du 21
Mars (il y a eu jeudi 8 jours). Si vous ne
lʼavez pas eu désirez-vous que je le cherche ?
Du reste jʼen ferai peutʼetre q. q. autres avant
mon livre

Surlignage

Vous avez peut-être appris la mort de Madame Hahn quʼon a enterrée hier. Excusez-moi donc de ne pas vous avoir encore répondu. Je vous envoie ci-joint un chèque de 1700 francs pour le dernier travail. Mais cela ne fait-il pas moins que pour les autres puisque vous avez dessus à payer la dactylographe. Je ne me rends pas compte ne me rappelant pas exactement. Vous me direz très franchement si cʼest bien ou insuffisant. Je n’ai pas encore reçu vos feuilles mais je suis émerveillé que vous ayez fait tout cela. Vous êtes un grand travailleur et un garçon digne de la plus haute estime. Avez-vous dit à Monsieur votre Père combien je lui étais reconnaissant. Je n’ose pas après si longtemps lui écrire. Quʼen pensez-vous.

Croyez-moi cher Albert, tout à vous

Marcel

Excusez-moi si cette lettre est un peu « hagarde ». Je n’ai pas eu de trêve dans mes crises d’asthme pendant ces quinze jours. De plus Nicolas part pour deux jours ce qui me gêne et m’agite beaucoup et je préfère à cause de cela que vous ne me téléphoniez pas ces deux jours-ci. Écrivez-moi plutôt. (Votre dernière lettre était terriblement parfumée.) Mon article sur les Aubépines dont je vous avais parlé a paru dans Le Figaro du 21 mars (il y a eu jeudi huit jours). Si vous ne lʼavez pas eu désirez-vous que je le cherche ? Du reste jʼen ferai peut-être quelques autres avant mon livre .

Note n°1
Lʼallusion à la mort de Mme Hahn « quʼon a enterrée hier » (note 2) permet de dater cette lettre du vendredi 29 mars 1912. [PK, FL]
Note n°2
Mme Carlos Hahn était décédée le 25 mars 1912, comme lʼindique lʼacte de décès n° 665 enregistré le 26 mars 1912 à la mairie du 8e arrondissement de Paris, vue 26. Ses obsèques ont eu lieu le jeudi 28 mars : voir lʼannonce nécrologique dans Le Figaro du 27 mars 1912, p. 3, « Le Monde & la Ville », ou dans celle de LʼExcelsior du même jour, p. 4, « Nécrologie » . [PK, FL]
Note n°3
On pourrait aussi bien lire « le » que « la ». Le ou la dactylographe qui a tapé ces pages (voir note 4 ci-après) ne nous est pas connu(e). Par convention, les généticiens le ou la dénomment dactylographe E, en suivant les travaux de Robert Brydges, « Remarques sur le manuscrit et les dactylographies du Temps perdu », BIP, n° 15, 1984, p. 25-28 [FL]
Note n°4génétique
Ce « dernier travail » correspond aux pages « 422 » à « 550 bis » de la dactylographie de 1911-1912, donc à 130 pages. Voir à ce sujet Françoise Leriche, « Une nouvelle datation des dactylographies du Temps Perdu à la lumière de la Correspondance », BIP, n° 17, 1986, p. 8-9. — Dʼaprès les indications fournies par une lettre ultérieure à Nahmias du [début juillet 1912] (CP 02348 ; Kolb, XI, n° 84), on peut établir que Nahmias a reçu 1300 francs et la dactylographe 400 francs, ce qui correspond aux tarifs respectifs de 10 francs la page pour Nahmias (qui devait déchiffrer les cahiers manuscrits de Proust afin de pouvoir en dicter le texte à la dactylographe ou lui donnait peut-être certaines fois le manuscrit assorti de ses annotations), et 3 francs la page pour la dactylographe. (Un franc — franc-or — de 1912 vaut environ 4,2 euros actuels.) [FL]
Note n°5
Cette mention de ces quinze jours semble confirme que son dernier échange avec Nahmias remonte à la lettre CP 02288 et quʼelle date bien du mardi 12 mars (et non mardi 19 mars). [FL]
Note n°6
Dans sa lettre à Nahmias du [mardi matin 12 mars 1912] (CP 02288 ; Kolb, XI, n° 24), Proust annonçait à son jeune ami la prochaine parution probable de son article « Épines blanches, épines roses » dans Le Figaro, espérant sans doute que le jeune homme surveillerait les livraisons du quotidien dans les jours suivants et le féliciterait lors de la publication de son article. Nahmias ne lʼavait donc pas félicité, soit pour nʼavoir pas vu que lʼarticle avait paru, soit par ignorance des usages. [FL]
Note n°7
Dans sa lettre à Montesquiou située [peu avant le 20 mars 1912] (CP 02289 ; Kolb, XI, n° 25), Proust annonçait quʼil allait « donner au Figaro avant lʼapparition de [s]on livre quelques petits poèmes en prose ». Le prochain article sera « Rayon de soleil sur le balcon », dans Le Figaro du 4 juin 1912. [PK, FL]
Note
Proust (Marcel) Le Figaro Épines blanches, épines roses 21 mars 1912


Mots-clefs :argentgenèsemortsanté
Date de mise en ligne : August 25, 2024 21:24
Date de la dernière mise à jour : August 25, 2024 22:36
Surlignage

Vous avez peutʼêtre appris la
mort de Madame Hahn quʼon a
enterrée hier. Excusez-moi donc
de ne pas vous avoir encore répondu.
Je vous envoie ci joint un chèque
de 1700 fr. pour le dernier travail.
Mais cela ne fait-il pas moins
que pour les autres puisque vous
avez dessus à payer la dactyl. Je ne


me rends pas compte ne me
rappelant pas exactement.
Vous me direz très franchement
si cʼest bien ou insuffisant.
Je n’ai pas encore recu vos
feuilles mais je suis émerveillé
que vous ayez fait tout cela.
Vous êtes un grand travailleur
et un garçon digne de la plus
haute estime. Avez-vous dit à
Monsieur votre Père combien je
lui étais reconnaissant. Je n’ose pas après
si longtemps lui écrire. Quʼen pensez-vous.

Croyez-moi cher Albert, tout à vous

Marcel

Excusez-moi si cette lettre est un peu
« hagarde ». Je n’ai pas eu de trêve dans mes
crises d’asthme pendant ces quinze jours. De
plus Nicolas part pour deux jours ce qui
me gêne et m’agite beaucoup et je préfère à


cause de cela que vous ne me teléphoniez pas ces
deux jours-ci. Ecrivez-moi plutôt. (Votre
dernière lettre était terriblement parfumée).
Mon article sur les Aubépines dont je vous avais
parlé a paru dans le Figaro du 21
Mars (il y a eu jeudi 8 jours). Si vous ne
lʼavez pas eu désirez-vous que je le cherche ?
Du reste jʼen ferai peutʼetre q. q. autres avant
mon livre

Surlignage

Vous avez peut-être appris la mort de Madame Hahn quʼon a enterrée hier. Excusez-moi donc de ne pas vous avoir encore répondu. Je vous envoie ci-joint un chèque de 1700 francs pour le dernier travail. Mais cela ne fait-il pas moins que pour les autres puisque vous avez dessus à payer la dactylographe. Je ne me rends pas compte ne me rappelant pas exactement. Vous me direz très franchement si cʼest bien ou insuffisant. Je n’ai pas encore reçu vos feuilles mais je suis émerveillé que vous ayez fait tout cela. Vous êtes un grand travailleur et un garçon digne de la plus haute estime. Avez-vous dit à Monsieur votre Père combien je lui étais reconnaissant. Je n’ose pas après si longtemps lui écrire. Quʼen pensez-vous.

Croyez-moi cher Albert, tout à vous

Marcel

Excusez-moi si cette lettre est un peu « hagarde ». Je n’ai pas eu de trêve dans mes crises d’asthme pendant ces quinze jours. De plus Nicolas part pour deux jours ce qui me gêne et m’agite beaucoup et je préfère à cause de cela que vous ne me téléphoniez pas ces deux jours-ci. Écrivez-moi plutôt. (Votre dernière lettre était terriblement parfumée.) Mon article sur les Aubépines dont je vous avais parlé a paru dans Le Figaro du 21 mars (il y a eu jeudi huit jours). Si vous ne lʼavez pas eu désirez-vous que je le cherche ? Du reste jʼen ferai peut-être quelques autres avant mon livre .

Note n°1
Lʼallusion à la mort de Mme Hahn « quʼon a enterrée hier » (note 2) permet de dater cette lettre du vendredi 29 mars 1912. [PK, FL]
Note n°2
Mme Carlos Hahn était décédée le 25 mars 1912, comme lʼindique lʼacte de décès n° 665 enregistré le 26 mars 1912 à la mairie du 8e arrondissement de Paris, vue 26. Ses obsèques ont eu lieu le jeudi 28 mars : voir lʼannonce nécrologique dans Le Figaro du 27 mars 1912, p. 3, « Le Monde & la Ville », ou dans celle de LʼExcelsior du même jour, p. 4, « Nécrologie » . [PK, FL]
Note n°3
On pourrait aussi bien lire « le » que « la ». Le ou la dactylographe qui a tapé ces pages (voir note 4 ci-après) ne nous est pas connu(e). Par convention, les généticiens le ou la dénomment dactylographe E, en suivant les travaux de Robert Brydges, « Remarques sur le manuscrit et les dactylographies du Temps perdu », BIP, n° 15, 1984, p. 25-28 [FL]
Note n°4génétique
Ce « dernier travail » correspond aux pages « 422 » à « 550 bis » de la dactylographie de 1911-1912, donc à 130 pages. Voir à ce sujet Françoise Leriche, « Une nouvelle datation des dactylographies du Temps Perdu à la lumière de la Correspondance », BIP, n° 17, 1986, p. 8-9. — Dʼaprès les indications fournies par une lettre ultérieure à Nahmias du [début juillet 1912] (CP 02348 ; Kolb, XI, n° 84), on peut établir que Nahmias a reçu 1300 francs et la dactylographe 400 francs, ce qui correspond aux tarifs respectifs de 10 francs la page pour Nahmias (qui devait déchiffrer les cahiers manuscrits de Proust afin de pouvoir en dicter le texte à la dactylographe ou lui donnait peut-être certaines fois le manuscrit assorti de ses annotations), et 3 francs la page pour la dactylographe. (Un franc — franc-or — de 1912 vaut environ 4,2 euros actuels.) [FL]
Note n°5
Cette mention de ces quinze jours semble confirme que son dernier échange avec Nahmias remonte à la lettre CP 02288 et quʼelle date bien du mardi 12 mars (et non mardi 19 mars). [FL]
Note n°6
Dans sa lettre à Nahmias du [mardi matin 12 mars 1912] (CP 02288 ; Kolb, XI, n° 24), Proust annonçait à son jeune ami la prochaine parution probable de son article « Épines blanches, épines roses » dans Le Figaro, espérant sans doute que le jeune homme surveillerait les livraisons du quotidien dans les jours suivants et le féliciterait lors de la publication de son article. Nahmias ne lʼavait donc pas félicité, soit pour nʼavoir pas vu que lʼarticle avait paru, soit par ignorance des usages. [FL]
Note n°7
Dans sa lettre à Montesquiou située [peu avant le 20 mars 1912] (CP 02289 ; Kolb, XI, n° 25), Proust annonçait quʼil allait « donner au Figaro avant lʼapparition de [s]on livre quelques petits poèmes en prose ». Le prochain article sera « Rayon de soleil sur le balcon », dans Le Figaro du 4 juin 1912. [PK, FL]
Note
Proust (Marcel) Le Figaro Épines blanches, épines roses 21 mars 1912


Mots-clefs :argentgenèsemortsanté
Date de mise en ligne : August 25, 2024 21:24
Date de la dernière mise à jour : August 25, 2024 22:36
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