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CP 01952 Robert de Montesquiou à Marcel Proust [vers le 6 mars 1909]

Surlignage

Engadine. Mars. 09.

image[carte postale dʼun paysage enneigé]


Cher Marcel, quelle étonnante chose
que votre dernier pastiche! J’ai l’habi-
tude de ne pas lire les auteurs avec lesquels
j’ai eu des démêlés. Je ne voudrais
point qu’ils n’eussent pas de talent.
Je ne souhaite pas non plus qu’ils en
aient trop. Dans l’alternative, je
m’abstiens. Aussi je m’en rapporte
à vous de l’exactitude, et je saisis
très bien le procédé que vous entendez
démonter (ou démontrer) d’ailleurs
avec beaucoup de grâce.

Mais .. la fin !.. Doit-elle m’in-
quiéter
, ou me rassurer, quand vien-
dra mon tour ? – il me semble plu-
tôt le second. Ainsi soit-il !

RM

Surlignage

Engadine, mars 1909

Cher Marcel, quelle étonnante chose que votre dernier pastiche! J’ai l’habitude de ne pas lire les auteurs avec lesquels j’ai eu des démêlés. Je ne voudrais point qu’ils n’eussent pas de talent. Je ne souhaite pas non plus qu’ils en aient trop. Dans l’alternative, je m’abstiens. Aussi je m’en rapporte à vous de l’exactitude, et je saisis très bien le procédé que vous entendez démonter (ou démontrer) d’ailleurs avec beaucoup de grâce.

Mais .. la fin !.. Doit-elle m’inquiéter, ou me rassurer, quand viendra mon tour ? – il me semble plutôt le second. Ainsi soit-il !

RM

Note n°1
Carte postale portant seulement : « Engadine. Mars. 09.  » Montesquiou a dû lʼécrire en lisant le pastiche d’Henri de Régnier paru dans le Supplément littéraire du Figaro le 6 mars 1909, p. 1. [PK, JA]
Note n°2génétique
Ce pastiche avait dʼabord été rédigé dans le Cahier 2, f. 1v-5v et 10r, puis dans le Cahier 5, f. 2r et f. 5r. [JA]
Note n°3
Allusion au duel de Montesquiou avec Henri de Régnier, le 9 juin 1897. Voir la lettre de Proust à Montesquiou du [16 juin 1897] (CP 00425 ; Kolb, II, n° 119, note 4). Voir aussi le compte rendu paru dans Le Figaro, le 10 juin 1897. Régnier et ses proches avaient propagé une rumeur selon laquelle Montesquiou aurait fui en frappant des femmes et des enfants avec sa canne lors de lʼincendie du Bazar de la Charité alors quʼil nʼétait, semble-t-il, pas présent. [PK, JA]
Note n°4
Proust se livre aussi à une analyse du style de Régnier dans une lettre à Lauris du [23 mai 1909] (CP 01977 ; Kolb, IX, n° 52). [JA]
Note n°5
Le pastiche publié dans Le Figaro (p. 1) s’achève ainsi : « Lemoine sʼenrhumait. De son nez qu’il oubliait de moucher, un peu de morve avait tombé sur le rabat et sur l’habit. Son noyau visqueux et tiède avait glissé sur le linge de l’un, mais avait adhéré au drap de l’autre et tenait en suspens au-dessus du vide la frange argentée et fluente qui en dégouttait. Le soleil en les traversant confondait la mucosité gluante et la liqueur diluée. On ne distinguait plus qu’une seule masse juteuse, convulsive, transparente et durcie; et dans l’éphémère éclat dont elle décorait l’habit de Lemoine, elle semblait y avoir immobilisé le four dont il était sorti, et dont cette gelée instable, corrosive et vivante qu’elle était pour un instant encore, semblait à la fois, par sa beauté menteuse et fascinatrice, présenter la moquerie et l’emblème. » [PK]
Note n°6
Dans une lettre précédente datée du [16 février 1909], Proust avait évoqué lʼidée de faire un pastiche de Montesquiou (CP 01936 ; Kolb, IX, n° 11). Voir aussi la lettre du [2 mars 1909] dans laquelle il suggère une épigraphe pour ce pastiche (CP 01949 ; Kolb, IX, n° 24). [JA]
Note
Marcel Proust Le Figaro. Supplément littéraire Pastiches 6 mars 1909


Mots-clefs :genèselecturespasticheréception
Date de mise en ligne : March 20, 2024 16:46
Date de la dernière mise à jour : September 12, 2024 15:55
Surlignage

Engadine. Mars. 09.

image[carte postale dʼun paysage enneigé]


Cher Marcel, quelle étonnante chose
que votre dernier pastiche! J’ai l’habi-
tude de ne pas lire les auteurs avec lesquels
j’ai eu des démêlés. Je ne voudrais
point qu’ils n’eussent pas de talent.
Je ne souhaite pas non plus qu’ils en
aient trop. Dans l’alternative, je
m’abstiens. Aussi je m’en rapporte
à vous de l’exactitude, et je saisis
très bien le procédé que vous entendez
démonter (ou démontrer) d’ailleurs
avec beaucoup de grâce.

Mais .. la fin !.. Doit-elle m’in-
quiéter
, ou me rassurer, quand vien-
dra mon tour ? – il me semble plu-
tôt le second. Ainsi soit-il !

RM

Surlignage

Engadine, mars 1909

Cher Marcel, quelle étonnante chose que votre dernier pastiche! J’ai l’habitude de ne pas lire les auteurs avec lesquels j’ai eu des démêlés. Je ne voudrais point qu’ils n’eussent pas de talent. Je ne souhaite pas non plus qu’ils en aient trop. Dans l’alternative, je m’abstiens. Aussi je m’en rapporte à vous de l’exactitude, et je saisis très bien le procédé que vous entendez démonter (ou démontrer) d’ailleurs avec beaucoup de grâce.

Mais .. la fin !.. Doit-elle m’inquiéter, ou me rassurer, quand viendra mon tour ? – il me semble plutôt le second. Ainsi soit-il !

RM

Note n°1
Carte postale portant seulement : « Engadine. Mars. 09.  » Montesquiou a dû lʼécrire en lisant le pastiche d’Henri de Régnier paru dans le Supplément littéraire du Figaro le 6 mars 1909, p. 1. [PK, JA]
Note n°2génétique
Ce pastiche avait dʼabord été rédigé dans le Cahier 2, f. 1v-5v et 10r, puis dans le Cahier 5, f. 2r et f. 5r. [JA]
Note n°3
Allusion au duel de Montesquiou avec Henri de Régnier, le 9 juin 1897. Voir la lettre de Proust à Montesquiou du [16 juin 1897] (CP 00425 ; Kolb, II, n° 119, note 4). Voir aussi le compte rendu paru dans Le Figaro, le 10 juin 1897. Régnier et ses proches avaient propagé une rumeur selon laquelle Montesquiou aurait fui en frappant des femmes et des enfants avec sa canne lors de lʼincendie du Bazar de la Charité alors quʼil nʼétait, semble-t-il, pas présent. [PK, JA]
Note n°4
Proust se livre aussi à une analyse du style de Régnier dans une lettre à Lauris du [23 mai 1909] (CP 01977 ; Kolb, IX, n° 52). [JA]
Note n°5
Le pastiche publié dans Le Figaro (p. 1) s’achève ainsi : « Lemoine sʼenrhumait. De son nez qu’il oubliait de moucher, un peu de morve avait tombé sur le rabat et sur l’habit. Son noyau visqueux et tiède avait glissé sur le linge de l’un, mais avait adhéré au drap de l’autre et tenait en suspens au-dessus du vide la frange argentée et fluente qui en dégouttait. Le soleil en les traversant confondait la mucosité gluante et la liqueur diluée. On ne distinguait plus qu’une seule masse juteuse, convulsive, transparente et durcie; et dans l’éphémère éclat dont elle décorait l’habit de Lemoine, elle semblait y avoir immobilisé le four dont il était sorti, et dont cette gelée instable, corrosive et vivante qu’elle était pour un instant encore, semblait à la fois, par sa beauté menteuse et fascinatrice, présenter la moquerie et l’emblème. » [PK]
Note n°6
Dans une lettre précédente datée du [16 février 1909], Proust avait évoqué lʼidée de faire un pastiche de Montesquiou (CP 01936 ; Kolb, IX, n° 11). Voir aussi la lettre du [2 mars 1909] dans laquelle il suggère une épigraphe pour ce pastiche (CP 01949 ; Kolb, IX, n° 24). [JA]
Note
Marcel Proust Le Figaro. Supplément littéraire Pastiches 6 mars 1909


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Date de la dernière mise à jour : September 12, 2024 15:55
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