CP 01938 Marcel Proust à Fernand Gregh [le 18 ou 19 février 1909]

102, boulevard Haussmann
Mon cher Fernand,
Tu as écrit une adorable féerie2, une féerie de grand poète qui s’amuse et se joue à planter partout, dans tout genre, son pavillon. Tu as eu la gentillesse de me l’envoyer. Si je ne t’en ai pas remercié (car je ne crois pas l’avoir fait) c’est que j’ai été plus malade que je ne peux dire.
Et d’ailleurs cela continue.
Si tu vois dans un journal un pastiche de moi3, n’y vois pas de contradiction avec ce que je te dis de ma santé, car ce sont de vieilles bribes. Si écrire même une lettre ne me faisait pas mal à la tête, je t’écrirais une vraie lettre sur ta féerie.
Dernièrement aussi j’aurais voulu te demander où se trouvait ce vers d’Hugo que je ne puis retrouver4 : Quand on est jeune on a des matins triomphants Le jour sort de la nuit comme d’une victoire etc…
J’aurais voulu le prendre comme épigraphe, mais les épigraphes me sont devenus inutiles5. Si j’allais mieux je te demanderais peut-être un rendez-vous pour parler de Dubois6 qui pourrait peut-être quelque chose pour divers phénomènes consécutifs à mon état profond auquel il ne peut rien. Mais pour cela, te voir, il faudrait que j’aille mieux.
Excuse ces jérémiades et crois à ma vieille affection. Mes respectueux hommages à Mme Gregh.
Tout à toi, mon cher ami.
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Mon cher Fernand,
Tu as écrit une adorable féerie2, une féerie de grand poète qui s’amuse et se joue à planter partout, dans tout genre, son pavillon. Tu as eu la gentillesse de me l’envoyer. Si je ne t’en ai pas remercié (car je ne crois pas l’avoir fait) c’est que j’ai été plus malade que je ne peux dire.
Et d’ailleurs cela continue.
Si tu vois dans un journal un pastiche de moi3, n’y vois pas de contradiction avec ce que je te dis de ma santé, car ce sont de vieilles bribes. Si écrire même une lettre ne me faisait pas mal à la tête, je t’écrirais une vraie lettre sur ta féerie.
Dernièrement aussi j’aurais voulu te demander où se trouvait ce vers d’Hugo que je ne puis retrouver4 : Quand on est jeune on a des matins triomphants Le jour sort de la nuit comme d’une victoire etc…
J’aurais voulu le prendre comme épigraphe, mais les épigraphes me sont devenues inutiles5. Si j’allais mieux je te demanderais peut-être un rendez-vous pour parler de Dubois6 qui pourrait peut-être quelque chose pour divers phénomènes consécutifs à mon état profond auquel il ne peut rien. Mais pour cela, te voir, il faudrait que j’aille mieux.
Excuse ces jérémiades et crois à ma vieille affection. Mes respectueux hommages à Mme Gregh.
Tout à toi, mon cher ami.
Date de la dernière mise à jour : September 13, 2024 15:16

102, boulevard Haussmann
Mon cher Fernand,
Tu as écrit une adorable féerie2, une féerie de grand poète qui s’amuse et se joue à planter partout, dans tout genre, son pavillon. Tu as eu la gentillesse de me l’envoyer. Si je ne t’en ai pas remercié (car je ne crois pas l’avoir fait) c’est que j’ai été plus malade que je ne peux dire.
Et d’ailleurs cela continue.
Si tu vois dans un journal un pastiche de moi3, n’y vois pas de contradiction avec ce que je te dis de ma santé, car ce sont de vieilles bribes. Si écrire même une lettre ne me faisait pas mal à la tête, je t’écrirais une vraie lettre sur ta féerie.
Dernièrement aussi j’aurais voulu te demander où se trouvait ce vers d’Hugo que je ne puis retrouver4 : Quand on est jeune on a des matins triomphants Le jour sort de la nuit comme d’une victoire etc…
J’aurais voulu le prendre comme épigraphe, mais les épigraphes me sont devenus inutiles5. Si j’allais mieux je te demanderais peut-être un rendez-vous pour parler de Dubois6 qui pourrait peut-être quelque chose pour divers phénomènes consécutifs à mon état profond auquel il ne peut rien. Mais pour cela, te voir, il faudrait que j’aille mieux.
Excuse ces jérémiades et crois à ma vieille affection. Mes respectueux hommages à Mme Gregh.
Tout à toi, mon cher ami.
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Mon cher Fernand,
Tu as écrit une adorable féerie2, une féerie de grand poète qui s’amuse et se joue à planter partout, dans tout genre, son pavillon. Tu as eu la gentillesse de me l’envoyer. Si je ne t’en ai pas remercié (car je ne crois pas l’avoir fait) c’est que j’ai été plus malade que je ne peux dire.
Et d’ailleurs cela continue.
Si tu vois dans un journal un pastiche de moi3, n’y vois pas de contradiction avec ce que je te dis de ma santé, car ce sont de vieilles bribes. Si écrire même une lettre ne me faisait pas mal à la tête, je t’écrirais une vraie lettre sur ta féerie.
Dernièrement aussi j’aurais voulu te demander où se trouvait ce vers d’Hugo que je ne puis retrouver4 : Quand on est jeune on a des matins triomphants Le jour sort de la nuit comme d’une victoire etc…
J’aurais voulu le prendre comme épigraphe, mais les épigraphes me sont devenues inutiles5. Si j’allais mieux je te demanderais peut-être un rendez-vous pour parler de Dubois6 qui pourrait peut-être quelque chose pour divers phénomènes consécutifs à mon état profond auquel il ne peut rien. Mais pour cela, te voir, il faudrait que j’aille mieux.
Excuse ces jérémiades et crois à ma vieille affection. Mes respectueux hommages à Mme Gregh.
Tout à toi, mon cher ami.
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