CP 03190 Lionel Hauser à Marcel Proust le 1er septembre 1916
Paris, le Ier Septembre 1916
Mon cher Marcel,
Jʼai bien reçu ta lettre de mardi
soir dont le
contenu mʼa vivement intéressé.
Je mʼempresse en réponse de dissiper le malenten-
du auquel a pu donner lieu la lecture de ma dernière lettre1.
Je nʼaspire nullement à ce que tes amis mettent
leur argent et
encore moins leurs titres chez moi. Comme tu
vois cela simplifie beaucoup la
question. La seule chose à la-
quelle jʼaspire est à avoir pour clients des gens qui ont une
grosse fortune
et qui ne se considèrent pas issus de la cuisse
de Jupiter.
Comme tu nʼignores pas, lorsquʼune Ville ou un
Etat
fait un emprunt, lʼétablissement qui en fait lʼémission
alloue une
commission au Banquier qui lui apporte une souscrip-
tion, cʼest pourquoi plus on a de clients qui souscrivent au
dit emprunt
plus la commission que lʼon reçoit devient intéres-
sante.
Je ne crois donc pas que la difficulté que tu me
signales soit
insurmontable, car même lorsque la fortune pro-
vient de la femme et se trouve placée sous le régime dotal, les
intérêts
provenant de ce capital sont à la disposition du mari,
2.-
Or comme je ne pense pas que tes amis en question dépensent la
totalité de leurs
revenus ils doivent être à même de placer à
nouveau le montant de leurs
économies.
Il sʼagirait donc en premier lieu de connaître les
gens en
question et puis dʼavoir la certitude que quand ils rece-
vront une circulaire ou une lettre de ma maison ils ne la jette-
ront pas au panier mais donneront suite à ma proposition dans la
mesure de
leurs disponibles,
pourvu bien entendu que ma proposi-
tion leur agrée. Mais si tes amis, sont des gens tellement chics
quʼils croient me rendre service en me
donnant audience, et sʼils
doivent me considérer comme un être de qualité
inférieure parce
que je nʼai pas de particule, je tʼavoue que jʼaime autant ne
rien
faire pour acquérir leur clientèle2.
Maintenant que tu connais le fond de ma pensée et
celui de tes
amis, je te laisse libre dʼagir comme tu jugeras bon
Tu auras vu par notre lettre dʼhier3 que nous avons
encaissé un dividende de fr. 5,80 par titre sur tes actions Banco
del Rio de
la Plata. Nous avons donc bien fait de ne pas les
vendre à 320
puisquʼaprès détachement du coupon ils cotent 321
ce qui fait en somme 326,80
avec coupon.
Si, comme je lʼespère, ei
lles atteignent bientôt
323 il est possible que je me décide à les
vendre puisque cela
représente 330, en tenant compte du coupon.
Crois-moi mon cher Marcel,
Ton bien sincèrement dévoué.
Paris, le 1er septembre 1916
Mon cher Marcel,
Jʼai bien reçu ta lettre de mardi soir dont le contenu mʼa vivement intéressé.
Je mʼempresse en réponse de dissiper le malentendu auquel a pu donner lieu la lecture de ma dernière lettre1.
Je nʼaspire nullement à ce que tes amis mettent leur argent et encore moins leurs titres chez moi. Comme tu vois cela simplifie beaucoup la question. La seule chose à laquelle jʼaspire est à avoir pour clients des gens qui ont une grosse fortune et qui ne se considèrent pas issus de la cuisse de Jupiter.
Comme tu nʼignores pas, lorsquʼune Ville ou un État fait un emprunt, lʼétablissement qui en fait lʼémission alloue une commission au banquier qui lui apporte une souscription, cʼest pourquoi plus on a de clients qui souscrivent au dit emprunt plus la commission que lʼon reçoit devient intéressante.
Je ne crois donc pas que la difficulté que tu me signales soit insurmontable, car même lorsque la fortune provient de la femme et se trouve placée sous le régime dotal, les intérêts provenant de ce capital sont à la disposition du mari.
Or comme je ne pense pas que tes amis en question dépensent la totalité de leurs revenus ils doivent être à même de placer à nouveau le montant de leurs économies.
Il sʼagirait donc en premier lieu de connaître les gens en question et puis dʼavoir la certitude que quand ils recevront une circulaire ou une lettre de ma maison ils ne la jetteront pas au panier mais donneront suite à ma proposition dans la mesure de leur disponible, pourvu bien entendu que ma proposition leur agrée. Mais si tes amis sont des gens tellement chics quʼils croient me rendre service en me donnant audience, et sʼils doivent me considérer comme un être de qualité inférieure parce que je nʼai pas de particule, je tʼavoue que jʼaime autant ne rien faire pour acquérir leur clientèle2.
Maintenant que tu connais le fond de ma pensée et celui de tes amis, je te laisse libre dʼagir comme tu jugeras bon.
Tu auras vu par notre lettre dʼhier3 que nous avons encaissé un dividende de 5,80 francs par titre sur tes actions Banco del Rio de la Plata. Nous avons donc bien fait de ne pas les vendre à 320 puisquʼaprès détachement du coupon ils cotent 321 ce qui fait en somme 326,80 avec coupon.
Si, comme je lʼespère, ei lles atteignent bientôt 323 il est possible que je me décide à les vendre puisque cela représente 330, en tenant compte du coupon.
Crois-moi mon cher Marcel, Ton bien sincèrement dévoué.
Date de la dernière mise à jour : June 18, 2024 07:03
Paris, le Ier Septembre 1916
Mon cher Marcel,
Jʼai bien reçu ta lettre de mardi
soir dont le
contenu mʼa vivement intéressé.
Je mʼempresse en réponse de dissiper le malenten-
du auquel a pu donner lieu la lecture de ma dernière lettre1.
Je nʼaspire nullement à ce que tes amis mettent
leur argent et
encore moins leurs titres chez moi. Comme tu
vois cela simplifie beaucoup la
question. La seule chose à la-
quelle jʼaspire est à avoir pour clients des gens qui ont une
grosse fortune
et qui ne se considèrent pas issus de la cuisse
de Jupiter.
Comme tu nʼignores pas, lorsquʼune Ville ou un
Etat
fait un emprunt, lʼétablissement qui en fait lʼémission
alloue une
commission au Banquier qui lui apporte une souscrip-
tion, cʼest pourquoi plus on a de clients qui souscrivent au
dit emprunt
plus la commission que lʼon reçoit devient intéres-
sante.
Je ne crois donc pas que la difficulté que tu me
signales soit
insurmontable, car même lorsque la fortune pro-
vient de la femme et se trouve placée sous le régime dotal, les
intérêts
provenant de ce capital sont à la disposition du mari,
2.-
Or comme je ne pense pas que tes amis en question dépensent la
totalité de leurs
revenus ils doivent être à même de placer à
nouveau le montant de leurs
économies.
Il sʼagirait donc en premier lieu de connaître les
gens en
question et puis dʼavoir la certitude que quand ils rece-
vront une circulaire ou une lettre de ma maison ils ne la jette-
ront pas au panier mais donneront suite à ma proposition dans la
mesure de
leurs disponibles,
pourvu bien entendu que ma proposi-
tion leur agrée. Mais si tes amis, sont des gens tellement chics
quʼils croient me rendre service en me
donnant audience, et sʼils
doivent me considérer comme un être de qualité
inférieure parce
que je nʼai pas de particule, je tʼavoue que jʼaime autant ne
rien
faire pour acquérir leur clientèle2.
Maintenant que tu connais le fond de ma pensée et
celui de tes
amis, je te laisse libre dʼagir comme tu jugeras bon
Tu auras vu par notre lettre dʼhier3 que nous avons
encaissé un dividende de fr. 5,80 par titre sur tes actions Banco
del Rio de
la Plata. Nous avons donc bien fait de ne pas les
vendre à 320
puisquʼaprès détachement du coupon ils cotent 321
ce qui fait en somme 326,80
avec coupon.
Si, comme je lʼespère, ei
lles atteignent bientôt
323 il est possible que je me décide à les
vendre puisque cela
représente 330, en tenant compte du coupon.
Crois-moi mon cher Marcel,
Ton bien sincèrement dévoué.
Paris, le 1er septembre 1916
Mon cher Marcel,
Jʼai bien reçu ta lettre de mardi soir dont le contenu mʼa vivement intéressé.
Je mʼempresse en réponse de dissiper le malentendu auquel a pu donner lieu la lecture de ma dernière lettre1.
Je nʼaspire nullement à ce que tes amis mettent leur argent et encore moins leurs titres chez moi. Comme tu vois cela simplifie beaucoup la question. La seule chose à laquelle jʼaspire est à avoir pour clients des gens qui ont une grosse fortune et qui ne se considèrent pas issus de la cuisse de Jupiter.
Comme tu nʼignores pas, lorsquʼune Ville ou un État fait un emprunt, lʼétablissement qui en fait lʼémission alloue une commission au banquier qui lui apporte une souscription, cʼest pourquoi plus on a de clients qui souscrivent au dit emprunt plus la commission que lʼon reçoit devient intéressante.
Je ne crois donc pas que la difficulté que tu me signales soit insurmontable, car même lorsque la fortune provient de la femme et se trouve placée sous le régime dotal, les intérêts provenant de ce capital sont à la disposition du mari.
Or comme je ne pense pas que tes amis en question dépensent la totalité de leurs revenus ils doivent être à même de placer à nouveau le montant de leurs économies.
Il sʼagirait donc en premier lieu de connaître les gens en question et puis dʼavoir la certitude que quand ils recevront une circulaire ou une lettre de ma maison ils ne la jetteront pas au panier mais donneront suite à ma proposition dans la mesure de leur disponible, pourvu bien entendu que ma proposition leur agrée. Mais si tes amis sont des gens tellement chics quʼils croient me rendre service en me donnant audience, et sʼils doivent me considérer comme un être de qualité inférieure parce que je nʼai pas de particule, je tʼavoue que jʼaime autant ne rien faire pour acquérir leur clientèle2.
Maintenant que tu connais le fond de ma pensée et celui de tes amis, je te laisse libre dʼagir comme tu jugeras bon.
Tu auras vu par notre lettre dʼhier3 que nous avons encaissé un dividende de 5,80 francs par titre sur tes actions Banco del Rio de la Plata. Nous avons donc bien fait de ne pas les vendre à 320 puisquʼaprès détachement du coupon ils cotent 321 ce qui fait en somme 326,80 avec coupon.
Si, comme je lʼespère, ei lles atteignent bientôt 323 il est possible que je me décide à les vendre puisque cela représente 330, en tenant compte du coupon.
Crois-moi mon cher Marcel, Ton bien sincèrement dévoué.
Date de la dernière mise à jour : June 18, 2024 07:03