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CP 02775 Marcel Proust à Alfred Agostinelli [le samedi 30 mai 1914]

Surlignage

Mon cher Alfred

Je vous remercie beaucoup de
votre lettre (une phrase était ravissante (crépusculaire etc) (et de votre télégramme
préliminaire qui était une amabilité
de plus. Si je ne vous en envoie pas un c’
est qu’il est un peu tard, la lettre ayant
été remportée comme je dormais etc).
Comme elle (la vôtre) m’a fait plaisir, la mienne
n’a pas été complètement inutile. Mais
pour le reste (vous allez encore dire que je ne
sais pas ce que je veux) elle l’a été. Car


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j’ai réfléchi qu’il y aurait peu de délicatesse
de ma part à accepter de vous un service
de ce genre, et je veux donc essayer d’
arriver tout seul à obtenir ce que je
demande. Je ne vous explique pas pourquoi
je ne trouverais pas cela délicat, je risquerais
de nouveau de vous fâcher et c’est tout ce
que je veux éviter. J’aurais pu penser à cela
plus tôt mais l’idée m’en est venue après
vous avoir écrit. D’ailleurs je crois que cela ne
peut finir par ne pas se solutionner. Pour
l’aeroplane c’est plus compliqué pour
la même raison que pour Grasset dernièrement,
vous vous souvenez le jour où il m’a

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écrit : « je vous délie de tout traité, faites ce que vous
voudrez », je n’ai plus pu faire qu’une chose, ce qu’
il désirait. Or je suis retourné avant hier voir
M. Collin, dans la nuit, dans la pluie, avant d’aller
aux Ballets Russes. Il a été excessivement gentil et
m’a laissé en q. q. sorte une liberté dont je n’ose
plus guère user. Enfin je verrai. Mais ne croyez pas
qu’il ait, lui, un intérêt q.q conque sur ces ventes. Il
ne touche pas un centime sur les 27 000 fr que
coûte l’appareil. En tous cas si je le garde (ce que je ne crois pas) comme il restera
vraisemblablement à l’écurie, je ferai graver sur (je ne
sais pas le nom de la pièce et je ne veux commettre dʼ

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hérésie devant un aviateur les vers de Mallarmé que
vous connaissez

« Un cygne d’autrefois se souvient que c’est lui Magnifique, mais sans espoir qui le délivre Pour n’avoir pas chanté la région où vivre.Toujours il secouera cette triste agoniePar l’espace infligée à l’oiseau qui le nieMais non l’horreur du sol où son plumage est pris.Fantôme qu’à ce lieu son pur éclat assigneIl s’immobilise au songe muet de méprisQue vêt parmi l’exil inutile, le Cygne. »

C’est la poésie que vous aimiez tout en la trouvant obscure
et qui commence par « Le Vierge, le vivace et le bel Aujourd’hui


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« Va-t-il nous déchirer avec un coup d’aile ivreCe lac dur oublié, que hante sous le givre,Le transparent glacier, des vols qui n’ont pas fui. » Hélas « Aujourd’hui » n’est plus ni
« vierge », ni « vivace », ni « beau » ! — . Surtout
pour en finir avec cette question de l’
aeroplane, je vous prie instamment de
croire que mes récits à cet égard ne
contiennent aucune intention, si cachée
soit-elle, de reproche. Ce serait idiot.
J’aurais assez de justes reproches à vous
faire, et vous savez que je ne les tais
pas. Mais vraiment il faudrait être trop
bête pour vous rendre responsable (j’entends
moralement) de l’inutilité d’un achat
que vous ne saviez pas ! Je plains énormément

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M. de Neufville, il souffre matérielle-
ment de la perte de sa fortune et
moralement de ne plus pouvoir estimer
son frère. J’avoue cependant que tout
en comprenant que lui et sa mère
n’aient plus rien voulu avoir de
commun avec ces banqueroutiers, je
trouve pourtant qu’ils ont poussé
le sentiment de l’honneur jusqu’à
une sorte de dureté que malgré tout
pour un frère je n’aurais pas. Sans
eux, sans la respectabilité de leur
nom, comme l’a très bien expliqué la
chronique de Vandérem si vous l’avez
lue (Figaro de Vendredi 29 je crois)
jamais il n’aurait été arrêté et la

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chose aurait fini en douceur. Car c’est triste à dire
mais tant de banquiers trouvent tout naturel de
faire ce qui à moi me semblerait un abus de
confiance, jouer avec de l’argent qui leur est
confié. Et leurs clients trouvent cela charmant
tant qu’ils gagnent ! Voyez-vous ce que je serais
devenu, moi qui suis obligé à cause de mes stupides
spéculations de faire vendre continuellement des
valeurs tant que la Bourse est mauvaise, si les
banques où sont ces valeurs étaient du genre
Neufville et si elles me répondaient : « Désolé
mais nous n’avons plus rien. » Pour ce que vous me
dites du valet de chambre de M. de Neufville, je ne

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ne veux pas revenir là dessus décidé à ne vous dire que des
choses gentilles. Mais je ne veux pas par mon silence
vous laisser croire que « je ne pense pas ce que j’ai
dit ». Je l’ai dit parceque je le pensais, et je
le pense parce qu’hélas dans la vie des individus comme
dans les sciences physiques « il n’y a pas d’effet sans
cause ». Il est seulement rare que l’effet suive la
cause avec une rapidité aussi vertigineuse. Avez-vous
lu les réquisitions du Procureur Lescouvé contre Me Caillaux
publiées in extenso en tête du Figaro de ce matin ? C’est un
acte de grand courage et qui me fait très plaisir car c’
était le grand ami de mon oncle (le juge). Mais cela ne
lui servira pas pour son avancement ! Puisque vous vous intéressez
à Swann, et aux sports, je vous envoie un article paru sur Swann
dans un journal de Sports. Je regrette que ce ne soit pas l’Aero
(mais cela viendra peut’être !), ce que je voudrais pouvoir vous faire lire

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mais elle a vingt pages, c’est la lettre de
l’auteur de cette belle cet article, s’excusant
auprès de moi d’avoir cité si négligemment
ce livre. — . Je vous avais demandé
de me renvoyer ma lettre, vous ne
l’avez pas fait. Je vous avais de plus
demandé de mettre beaucoup de cachets
à votre enveloppe. Vous ne l’avez pas
fait non plus. Pour la lettre reco

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elle ne traînent pas et vous pourriez
me renvoyer ensemble (avec de
formidables cachets) celle-ci
et l’autre. Inutile de vous fatiguer
à m’écrire puisque vous travaillez
beaucoup, vous n’avez qu’à les mettre
sous enveloppe.

Je vous serre
amicalement la main

Marcel Proust

Si vous me renvoyez les lettres, il faudrait
mettre des cachets très larges et
plusieurs. De plus il faudrait les
mettre dans 2 enveloppes différentes car
elles ne tiendraient pas dans une seule.


 
 
 
 
 
 
 
Surlignage

Mon cher Alfred

Je vous remercie beaucoup de votre lettre (une phrase était ravissante (crépusculaire etc.) (et de votre télégramme préliminaire qui était une amabilité de plus. Si je ne vous en envoie pas un c’est qu’il est un peu tard, la lettre ayant été remportée comme je dormais etc.) Comme elle (la vôtre) m’a fait plaisir, la mienne n’a pas été complètement inutile. Mais pour le reste (vous allez encore dire que je ne sais pas ce que je veux) elle l’a été. Car j’ai réfléchi qu’il y aurait peu de délicatesse de ma part à accepter de vous un service de ce genre, et je veux donc essayer d’arriver tout seul à obtenir ce que je demande. Je ne vous explique pas pourquoi je ne trouverais pas cela délicat, je risquerais de nouveau de vous fâcher et c’est tout ce que je veux éviter. J’aurais pu penser à cela plus tôt mais l’idée m’en est venue après vous avoir écrit. D’ailleurs je crois que cela ne peut finir par ne pas se solutionner.

Pour l’aéroplane c’est plus compliqué pour la même raison que pour Grasset dernièrement, vous vous souvenez le jour où il m’a écrit : « je vous délie de tout traité, faites ce que vous voudrez », je n’ai plus pu faire qu’une chose, ce qu’il désirait. Or je suis retourné avant-hier voir M. Collin, dans la nuit, dans la pluie, avant d’aller aux Ballets Russes. Il a été excessivement gentil et m’a laissé en quelque sorte une liberté dont je n’ose plus guère user. Enfin je verrai. Mais ne croyez pas qu’il ait, lui, un intérêt quelconque sur ces ventes. Il ne touche pas un centime sur les 27 000 francs que coûte l’appareil. En tous cas si je le garde (ce que je ne crois pas) comme il restera vraisemblablement à l’écurie, je ferai graver sur (je ne sais pas le nom de la pièce et je ne veux commettre dʼhérésie devant un aviateur les vers de Mallarmé que vous connaissez

« Un cygne d’autrefois se souvient que c’est lui Magnifique, mais sans espoir qui le délivre Pour n’avoir pas chanté la région où vivre.Toujours il secouera cette triste agoniePar l’espace infligée à l’oiseau qui le nieMais non l’horreur du sol où son plumage est pris.Fantôme qu’à ce lieu son pur éclat assigneIl s’immobilise au songe muet de méprisQue vêt parmi l’exil inutile, le Cygne. »

C’est la poésie que vous aimiez tout en la trouvant obscure et qui commence par « Le Vierge, le vivace et le bel Aujourd’huiVa-t-il nous déchirer avec un coup d’aile ivreCe lac dur oublié, que hante sous le givre,Le transparent glacier, des vols qui n’ont pas fui. » Hélas « Aujourd’hui » n’est plus ni « vierge », ni « vivace », ni « beau » !

Surtout pour en finir avec cette question de l’aéroplane, je vous prie instamment de croire que mes récits à cet égard ne contiennent aucune intention, si cachée soit-elle, de reproche. Ce serait idiot. J’aurais assez de justes reproches à vous faire, et vous savez que je ne les tais pas. Mais vraiment il faudrait être trop bête pour vous rendre responsable (j’entends moralement) de l’inutilité d’un achat que vous ne saviez pas ! Je plains énormément M. de Neufville, il souffre matériellement de la perte de sa fortune et moralement de ne plus pouvoir estimer son frère. J’avoue cependant que tout en comprenant que lui et sa mère n’aient plus rien voulu avoir de commun avec ces banqueroutiers, je trouve pourtant qu’ils ont poussé le sentiment de l’honneur jusqu’à une sorte de dureté que malgré tout pour un frère je n’aurais pas. Sans eux, sans la respectabilité de leur nom, comme l’a très bien expliqué la chronique de Vandérem si vous l’avez lue (Figaro de Vendredi 29 je crois) jamais il n’aurait été arrêté et la chose aurait fini en douceur. Car c’est triste à dire mais tant de banquiers trouvent tout naturel de faire ce qui à moi me semblerait un abus de confiance, jouer avec de l’argent qui leur est confié. Et leurs clients trouvent cela charmant tant qu’ils gagnent ! Voyez-vous ce que je serais devenu, moi qui suis obligé à cause de mes stupides spéculations de faire vendre continuellement des valeurs tant que la Bourse est mauvaise, si les banques où sont ces valeurs étaient du genre Neufville et si elles me répondaient : « Désolé mais nous n’avons plus rien. » Pour ce que vous me dites du valet de chambre de M. de Neufville, je ne veux pas revenir là-dessus décidé à ne vous dire que des choses gentilles. Mais je ne veux pas par mon silence vous laisser croire que « je ne pense pas ce que j’ai dit ». Je l’ai dit parce que je le pensais, et je le pense parce qu’hélas dans la vie des individus comme dans les sciences physiques « il n’y a pas d’effet sans cause ». Il est seulement rare que l’effet suive la cause avec une rapidité aussi vertigineuse. Avez-vous lu les réquisitions du Procureur Lescouvé contre Mme Caillaux publiées in extenso en tête du Figaro de ce matin ? C’est un acte de grand courage et qui me fait très plaisir car c’était le grand ami de mon oncle (le juge). Mais cela ne lui servira pas pour son avancement ! Puisque vous vous intéressez à Swann, et aux sports, je vous envoie un article paru sur Swann dans un journal de sports. Je regrette que ce ne soit pas l’Aéro (mais cela viendra peut-être !), ce que je voudrais pouvoir vous faire lire mais elle a vingt pages, c’est la lettre de l’auteur de cet article, s’excusant auprès de moi d’avoir cité si négligemment ce livre.

Je vous avais demandé de me renvoyer ma lettre, vous ne l’avez pas fait. Je vous avais de plus demandé de mettre beaucoup de cachets à votre enveloppe. Vous ne l’avez pas fait non plus. Pour la lettre recommandée elles ne traînent pas et vous pourriez me renvoyer ensemble (avec de formidables cachets) celle-ci et l’autre. Inutile de vous fatiguer à m’écrire puisque vous travaillez beaucoup, vous n’avez qu’à les mettre sous enveloppe.

Je vous serre amicalement la main

Marcel Proust

Si vous me renvoyez les lettres, il faudrait mettre des cachets très larges et plusieurs. De plus il faudrait les mettre dans deux enveloppes différentes car elles ne tiendraient pas dans une seule.

             
Note n°1
Selon l’allusion aux réquisitions du procureur Lescouvé contre Mme Caillaux « en tête du Figaro de ce matin » (note 12 ci-après), et à la chronique de Vandérem (note 11), cette lettre a été écrite le samedi 30 mai 1914, c’est-à-dire le jour même où, vers cinq heures du soir, Alfred Agostinelli est tombé en avion au large d’Antibes et s’est noyé. Retrouvée chez Proust, elle a pu selon Philip Kolb être renvoyée à l’expéditeur « pour cause de décès », à moins qu’elle ne lui ait été rapportée par Anna Square, la compagne d’Agostinelli. Mais on ne peut pas exclure la possibilité quʼelle n’ait jamais quitté le domicile de Proust, d’autant que ce dernier précise au début « qu’il est un peu tard », trop tard en lʼoccurrence pour répondre par télégramme. Quand Proust lui écrit ce soir, voire cette nuit-là, Alfred Agostinelli a donc déjà péri. La nouvelle a pu lui en parvenir avant que la lettre ne soit expédiée. [PK, NM]
Note n°2génétique
Proust reprendra la phrase d’Agostinelli qu’il trouve « ravissante » pour l’attribuer à Albertine. On en trouve une première trace dans une note marginale du Cahier 54 (1914), après l’arrivée du télégramme annonçant sa mort accidentelle : « Ne pas oublier de montrer la solennité que prennent certaines de ses paroles et la phrase de sa lettre écrite sans doute sans y penser : je vous laisse le meilleur de moi-même. Et peut’être crépusculaire. » (Cahier 54, f. 31r, nous soulignons ; Cahier 54, vol. II, p. 65). L’année suivante, Proust transpose dans le Cahier 55 la lettre d’Agostinelli dans une lettre de la fugitive au narrateur : « Merci aussi du bon <Je suis très touchée que vous ayez gardé un bon> souvenir que vous gardez de notre dernière promenade. Croyez que de mon côté je n’oublierai pas cette promenade deux fois crépusculaire (puisque la nuit venait et que nous allions nous quitter) et qu’elle ne s’effacera de mon esprit qu’avec la nuit complète » (Cahier 55, page collée dans le Cahier XII, f. 62r). Cette page de premier jet sera dactylographiée en 1922 mais non revue plus avant par Proust (AD, IV, 50-51). Dans les cahiers, la phrase réapparaît dans le souvenir du héros sous des formes légèrement différentes. Le premier commentaire auquel elle donnait lieu était plus élaboré que celui que Proust retiendra dans la mise au net : « Et même de Tourraine [sic], tant jusqu’au dernier jour elle avait émis sans le savoir des prophéties, elle n’avait sans doute cru écrire qu’une jolie phrase et qui me plairait, elle avait peut’être souri en se disant : “ça c’est du chiqué” quand elle avait écrit “cet instant deux fois crépusculaire puisque le jour tombait et que nous allions nous quitter ne s’effacera de mon esprit que quand y entrera la nuit complète” » (page du Cahier 56 collée et biffée dans le Cahier XII, f. 120r ; nous soulignons). La version définitive modifie la forme verbale, rendant la phrase plus littéraire : « “cet instant deux fois crépusculaire puisque le jour tombait et que nous allions nous quitter, ne s’effacera de mon esprit que quand y ent il sera envahi par la nuit complète” » (Cahier 56, f. 7r, nous soulignons ; recopié dans le Cahier XII, f. 128r ; cf. AD, IV, 89). À Venise, le narrateur se répète la phrase devenue un véritable leitmotiv : « Toujours prête à tout, quand je lui avais demandé de partir, ce triste jour qu’elle devait appeler dans sa dernière lettre “deux fois crépusculaire puisque la nuit tombait et que nous allions nous quitter”, elle avait jeté sur ses épaules un manteau de Fortuny [...] » (Cahier XIV, f. 115r ; AD, IV, 226). Rappelons quʼau moment du départ dʼAlbertine, Proust avait noté dans le Cahier 71 : « Voici la lettre que je lus. Copier la lettre » (Cahier 71, f. 38r). [PK, NM]
Note n°3
Nous ne savons pas quel est le service en question, mais Agostinelli aurait pu se proposer pour décommander un dispendieux présent de Proust, comme ce dernier le lui aurait d’abord demandé – avant, ici, de changer d’avis –, du moins si l’on se fie à la lettre d’Albertine dans le roman : « Mon ami, merci de toutes les bonnes choses que vous me dites, je suis à vos ordres pour décommander la Rolls si vous croyez que j’y puisse quelque chose, et je le crois. Vous n’avez qu’à m’écrire le nom de votre intermédiaire. Vous vous laisseriez monter le cou par ces gens qui ne cherchent qu’une chose, c’est à vendre ; et que feriez-vous d’une auto, vous qui ne sortez jamais ? Je suis très touchée que vous ayez gardé un bon souvenir de notre dernière promenade. Croyez que de mon côté je n’oublierai pas cette promenade deux fois crépusculaire [...]  » (AD, IV, 50-51 ; Cahier 55, page collée dans le Cahier XII, f. 62r). Mais le présent que Proust voulait faire à Agostinelli était-il une Rolls ? C’est possible, mais il peut aussi s’agir d’une automobile moins luxueuse, ou de tout autre chose. Rappelons qu’en 1913 un « châssis » de Rolls 40/50 chevaux (la mécanique, sans la carrosserie ni la sellerie) coûtait 26 200 francs-or, c’est-à-dire plus cher qu’un aéroplane. Voir aussi la note 9. [PK, FL, NM]
Note n°4
Voir à ce sujet la lettre de Bernard Grasset du 4 avril 1914 (CP 02715 ; Kolb, XIII, n° 63). — Proust disant : « vous vous souvenez le jour où [...] », Agostinelli était donc chez lui à cette époque. Cet indice confirme la thèse de Jean-Marc Quaranta selon laquelle Agostinelli était retourné chez lʼécrivain vers la fin janvier 1914 (après sa fuite du 1er décembre 1913) et ne lʼavait définitivement quitté que vers la mi-avril (voir Jean-Marc Quaranta, Un amour de Proust. Alfred Agostinelli (1888-1914), Paris, éditions Bouquins, 2021, p. 238-244 et 251-254). [PK, FL]
Note n°5
Il sʼagit vraisemblablement de Ferdinand Collin, qui fut, de 1910 à 1914, le directeur des écoles de pilotage fondées à Étampes, Pau, puis Buc (près de Versailles) par Louis Blériot. Blériot, ingénieur de formation, avait également développé une firme de construction dʼaéroplanes. Agostinelli ayant appris à piloter sur des appareils Blériot à lʼécole de Buc, Proust avait probablement commandé un aéroplane Blériot par lʼintermédiaire de Ferdinand Collin, selon lʼhypothèse de Jean-Marc Quaranta (op. cit., p. 340-341 et p. 431, note 6). [FL]
Note n°6
Le jeudi soir 28 mai, les Ballets russes présentaient à l’Opéra, Le Rossignol, opéra en trois tableaux d’Igor Stravinsky d’après le conte d’Andersen, et Coq d’Or, opéra populaire en trois actes de Rimsky-Korsakov. La première représentation du Rossignol avait eu lieu le 26 mai 1914 ; celle de Coq d’Or, le 24. [PK, FL]
Note n°7
Agostinelli, après avoir commencé de février à mi-avril 1914 une formation de pilote à Buc, à lʼécole fondée par Blériot, sʼétait inscrit à l’école d’aviation des frères Garbero à Antibes depuis quʼil avait quitté Proust. À la date de cette lettre, il était en effet aviateur, puisquʼil venait de passer son brevet de pilote le 26 ou 27 mai 1914. (Voir Jean-Marc Quaranta, op. cit., p. 349-350.) [FL]
Note n°8
Sauf le huitième vers, Proust cite (à son habitude, avec plusieurs inexactitudes ou réécritures) le sonnet de Mallarmé « Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui », en commençant par le second quatrain et les tercets. Comme l’a fait remarquer Bertrand Marchal, le sonnet « des vols qui n’ont pas fui » (le poème de Mallarmé le plus cité par Proust dans sa correspondance) est un « beau phylactère » pour un aéroplane qui, comme le dit ici Proust, « restera vraisemblablement à l’écurie » (« Proust et Mallarmé », BIP, n° 40, 2010, p. 57-75 ; citation p. 75). Non seulement « la figure du cygne prisonnier » vaut pour l’aéroplane comme pour sa transposition romanesque en yacht, mais « la roue qui meurt de “ M’introduire dans ton histoire…” », l’autre poème de Mallarmé cité dans le passage correspondant du roman (AD, IV, 39), « légende parfaitement la Rolls qui ne roulera pas » (B. Marchal, art. cité, p. 69). Voir aussi la note suivante. [NM]
Note n°9
Proust intègre à son roman non seulement une lettre dʼAgostinelli (note 2 ci-dessus), mais sa présente réponse à cette lettre, quʼil a peut-être déjà composée dans cette perspective. Le héros, dans une lettre à Albertine, fait en effet la même remarque à propos des mêmes vers de Mallarmé, lui écrivant : « Le yacht était déjà presque prêt, il s’appelle, selon votre désir exprimé à Balbec, le Cygne. Et, me rappelant que vous préfériez à toutes les autres les voitures Rolls, j’en avais commandé une. Or, maintenant que nous ne nous verrons plus jamais, comme je n’espère pas de vous faire accepter le bateau ni la voiture (pour moi ils ne pourraient servir à rien) j’avais donc pensé — comme je les avais commandés à un intermédiaire mais en donnant votre nom — que vous pourriez peut-être en les décommandant, vous, m’éviter ce yacht et cette voiture inutiles. [...] Non, je préfère garder la Rolls et même le yacht. Et comme je ne me servirai pas d’eux et qu’ils ont chance de rester toujours, l’un au port désarmé, l’autre à l’écurie, je ferai graver sur le yacht (mon Dieu, je n’ose pas mettre un nom de pièce inexact et commettre une hérésie qui vous choquerait) ces vers de Mallarmé que vous aimiez : [...] Vous vous rappelez, — c’est la poésie qui commence par : Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui. Hélas, aujourd’hui n’est plus ni vierge, ni beau. » (AD, IV, 38-39 ; Cahier 55, pages collées dans le Cahier XII, f. 50r, Cahier XII, f. 51r, Cahier XII, f. 52r). Offrir un « aéroplane » à une jeune fille aurait paru peu vraisemblable, mais le double cadeau somptuaire du héros correspond à une logique autobiographique : le yacht baptisé « Le Cygne » garde le souvenir de l’aviateur, et la Rolls celle du « mécanicien » Agostinelli. Pour approfondir les ramifications intratextuelles de ce passage dans À la recherche du temps perdu, voir B. Marchal, « Proust et Mallarmé », art. cité, notamment les p. 69 et suiv. [PK, FL, NM]
Note n°10
Il s’agit de la banqueroute d’Henri de Neufville, frère d’Alexandre de Neufville, et de son neveu Robert de Neufville. À la suite d’opérations malheureuses et de la crise qui, depuis plusieurs mois, sévissait sur un certain nombre de valeurs du marché financier de Paris, Henri et Robert de Neufville, directeurs de la banque de Neufville, 5, rue Halévy, société en commandite simple de deux associés en nom collectif, s’étaient vus obligés, le 4 mai, de déposer leur bilan. Le tribunal de commerce leur accorda, le 11 mai, le bénéfice de la liquidation judiciaire. L’examen de la comptabilité dévoila des agissements que le liquidateur révéla au Parquet. Il y eut des plaintes et une enquête d’information. Les banquiers promirent de faire face à leurs engagements. Quand le délai expira sans que l’intervention promise eût eu lieu, les deux banquiers furent arrêtés, le 28 mai, inculpés d’escroquerie et d’abus de confiance. (La Petite République, 29 mai 1914, « Un Krach de 15 millions » ; L’Action Française du 29 mai 1914, « À l’instruction. Arrestation de banquiers. »). [PK, FL]
Note n°11
Dans son article du Figaro du 29 mai 1914, « Le Nom est maître », Vandérem expliquait que, tant quʼelle pensait la faillite due à de mauvaises opérations, la famille était prête à se « sacrifier» pour rembourser à l’amiable les déposants ruinés, mais quʼà partir du moment où des malversations avaient été décelées, elle avait, pour préserver la respectabilité du « nom », tourné le dos aux banqueroutiers qui, ne pouvant tenir leurs engagements, avaient été arrêtés. [PK, FL]
Note n°12
Proust porte intérêt à ce valet de chambre dont il parlait déjà à Alexandre de Neufville dans une lettre écrite de Cabourg, peut-être pendant son séjour de l’été de 1912, en août ou septembre. Après avoir décliné une invitation dans la villa de Houlgate de son ami, et évoquant un hypothétique départ vers Beg-Meil via Dinard, il lui écrivait : « si je tentais quelque chose de ce côté je commencerais par vous en aviser, vous ou votre valet de chambre au souvenir de qui je vous prie de me rappeler. Il faudra que d’un jour à l’autre j’aille à Trouville pour une vieille amie [Mme Straus] que j’aime énormément, je tâcherai de m’arrêter pour dire bonjour à votre valet de chambre. » (« Proust du temps perdu au temps retrouvé », Éditions des Équateurs, Aristophil Éditions / Musée des Lettres et Manuscrits, 2010, p. 79 ; BIP, 2011, n° 41, p. 164). La familiarité avec Alexandre de Neufville et son domestique que partagent Proust et Agostinelli s’explique par leurs excursions dans la villa « Les Béquettes » de Neufville, à Houlgate. Le 4 août 1913, c’est en se rendant à Houlgate, et alors que la présence de Neufville y avait été signalée la veille, que Proust décide de rentrer précipitamment à Paris avec Agostinelli, pour des raisons qu’il explique différemment à ses correspondants (CP 02548 ; Kolb, XII, n° 109 et CP 02552 ; Kolb, XII, n° 113). Plus tôt sans doute dans leurs relations, Proust rappelait à Alexandre de Neufville la disponibilité du chauffeur : « vous êtes à Nice et je veux vous dire si par hasard cela pouvait vous être commode de le savoir que très certainement, Agostinelli est à Monaco (Taxi “Unic” de Monaco) » ([fin de l’hiver 1911 ?], BIP, 1999, n° 30, p. 140). [NM]
Note n°13
Le Figaro du samedi 30 mai 1914 publie, en première page sur six colonnes, un article intitulé : « L’Assassinat de Gaston Calmette. Renvoi de Mme Caillaux devant la Cour d’assises de la Seine pour assassinat. Le Réquisitoire du Procureur de la République. » [PK, FL]
Note n°14
Théodore-Paul Lescouvé, né à Aix-en-Provence en 1865, nommé substitut de la Seine le 17 avril 1897, était procureur de la République près le Tribunal de la Seine depuis le 26 janvier 1911. — L’oncle maternel de Proust, Georges-Denis Weil, était vice-président au Tribunal de la Seine lors de son décès en 1906. [PK, FL]
Note n°15
Il sʼagit du Sport belge, où avait paru un entrefilet dʼHenry Bernstein. [PK, FL]
Note n°16
Nous n’avons pas retrouvé la lettre d’Henry Bernstein, auteur de cet article. [PK, FL]
Note n°17
Il manque à cet endroit de l’original une demi-page, arrachée, correspondant à environ huit lignes de texte. [PK, FL]
Note n°18génétique
En demandant au destinataire de lui renvoyer ses lettres, Proust veut non seulement éviter qu’elles ne soient lues par autrui, mais aussi pouvoir les utiliser pour son roman. Ainsi dans le Carnet 4, au milieu de citations de lettres d’Agostinelli, une phrase entre guillemets au moins semble être empruntée par Proust à l’une de ses propres lettres : « “Je ne vous demande que de prendre confiance en vous et dans votre jeune destinée” » (Carnet 4, f. 12r ; Cn, p. 355). Voir à ce sujet Jean-Marc Quaranta, op. cit., p. 345-346. [PK, NM]
Note
Fernand surname Le Figaro Le Nom est maître 29 mai 1914
Note
Marcel surname Du côté de chez Swann pubPlace publisher 1913
Note
Henry surname Le Sport belge 3 mai 1914
Note
Marcel surname Du côté de chez Swann pubPlace publisher 1913


Mots-clefs :argentcadeauépistolaritégenèsepresse
Date de mise en ligne : September 24, 2024 15:05
Date de la dernière mise à jour : September 24, 2024 17:50
Surlignage

Mon cher Alfred

Je vous remercie beaucoup de
votre lettre (une phrase était ravissante (crépusculaire etc) (et de votre télégramme
préliminaire qui était une amabilité
de plus. Si je ne vous en envoie pas un c’
est qu’il est un peu tard, la lettre ayant
été remportée comme je dormais etc).
Comme elle (la vôtre) m’a fait plaisir, la mienne
n’a pas été complètement inutile. Mais
pour le reste (vous allez encore dire que je ne
sais pas ce que je veux) elle l’a été. Car


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j’ai réfléchi qu’il y aurait peu de délicatesse
de ma part à accepter de vous un service
de ce genre, et je veux donc essayer d’
arriver tout seul à obtenir ce que je
demande. Je ne vous explique pas pourquoi
je ne trouverais pas cela délicat, je risquerais
de nouveau de vous fâcher et c’est tout ce
que je veux éviter. J’aurais pu penser à cela
plus tôt mais l’idée m’en est venue après
vous avoir écrit. D’ailleurs je crois que cela ne
peut finir par ne pas se solutionner. Pour
l’aeroplane c’est plus compliqué pour
la même raison que pour Grasset dernièrement,
vous vous souvenez le jour où il m’a

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écrit : « je vous délie de tout traité, faites ce que vous
voudrez », je n’ai plus pu faire qu’une chose, ce qu’
il désirait. Or je suis retourné avant hier voir
M. Collin, dans la nuit, dans la pluie, avant d’aller
aux Ballets Russes. Il a été excessivement gentil et
m’a laissé en q. q. sorte une liberté dont je n’ose
plus guère user. Enfin je verrai. Mais ne croyez pas
qu’il ait, lui, un intérêt q.q conque sur ces ventes. Il
ne touche pas un centime sur les 27 000 fr que
coûte l’appareil. En tous cas si je le garde (ce que je ne crois pas) comme il restera
vraisemblablement à l’écurie, je ferai graver sur (je ne
sais pas le nom de la pièce et je ne veux commettre dʼ

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hérésie devant un aviateur les vers de Mallarmé que
vous connaissez

« Un cygne d’autrefois se souvient que c’est lui Magnifique, mais sans espoir qui le délivre Pour n’avoir pas chanté la région où vivre.Toujours il secouera cette triste agoniePar l’espace infligée à l’oiseau qui le nieMais non l’horreur du sol où son plumage est pris.Fantôme qu’à ce lieu son pur éclat assigneIl s’immobilise au songe muet de méprisQue vêt parmi l’exil inutile, le Cygne. »

C’est la poésie que vous aimiez tout en la trouvant obscure
et qui commence par « Le Vierge, le vivace et le bel Aujourd’hui


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« Va-t-il nous déchirer avec un coup d’aile ivreCe lac dur oublié, que hante sous le givre,Le transparent glacier, des vols qui n’ont pas fui. » Hélas « Aujourd’hui » n’est plus ni
« vierge », ni « vivace », ni « beau » ! — . Surtout
pour en finir avec cette question de l’
aeroplane, je vous prie instamment de
croire que mes récits à cet égard ne
contiennent aucune intention, si cachée
soit-elle, de reproche. Ce serait idiot.
J’aurais assez de justes reproches à vous
faire, et vous savez que je ne les tais
pas. Mais vraiment il faudrait être trop
bête pour vous rendre responsable (j’entends
moralement) de l’inutilité d’un achat
que vous ne saviez pas ! Je plains énormément

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M. de Neufville, il souffre matérielle-
ment de la perte de sa fortune et
moralement de ne plus pouvoir estimer
son frère. J’avoue cependant que tout
en comprenant que lui et sa mère
n’aient plus rien voulu avoir de
commun avec ces banqueroutiers, je
trouve pourtant qu’ils ont poussé
le sentiment de l’honneur jusqu’à
une sorte de dureté que malgré tout
pour un frère je n’aurais pas. Sans
eux, sans la respectabilité de leur
nom, comme l’a très bien expliqué la
chronique de Vandérem si vous l’avez
lue (Figaro de Vendredi 29 je crois)
jamais il n’aurait été arrêté et la

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chose aurait fini en douceur. Car c’est triste à dire
mais tant de banquiers trouvent tout naturel de
faire ce qui à moi me semblerait un abus de
confiance, jouer avec de l’argent qui leur est
confié. Et leurs clients trouvent cela charmant
tant qu’ils gagnent ! Voyez-vous ce que je serais
devenu, moi qui suis obligé à cause de mes stupides
spéculations de faire vendre continuellement des
valeurs tant que la Bourse est mauvaise, si les
banques où sont ces valeurs étaient du genre
Neufville et si elles me répondaient : « Désolé
mais nous n’avons plus rien. » Pour ce que vous me
dites du valet de chambre de M. de Neufville, je ne

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ne veux pas revenir là dessus décidé à ne vous dire que des
choses gentilles. Mais je ne veux pas par mon silence
vous laisser croire que « je ne pense pas ce que j’ai
dit ». Je l’ai dit parceque je le pensais, et je
le pense parce qu’hélas dans la vie des individus comme
dans les sciences physiques « il n’y a pas d’effet sans
cause ». Il est seulement rare que l’effet suive la
cause avec une rapidité aussi vertigineuse. Avez-vous
lu les réquisitions du Procureur Lescouvé contre Me Caillaux
publiées in extenso en tête du Figaro de ce matin ? C’est un
acte de grand courage et qui me fait très plaisir car c’
était le grand ami de mon oncle (le juge). Mais cela ne
lui servira pas pour son avancement ! Puisque vous vous intéressez
à Swann, et aux sports, je vous envoie un article paru sur Swann
dans un journal de Sports. Je regrette que ce ne soit pas l’Aero
(mais cela viendra peut’être !), ce que je voudrais pouvoir vous faire lire

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mais elle a vingt pages, c’est la lettre de
l’auteur de cette belle cet article, s’excusant
auprès de moi d’avoir cité si négligemment
ce livre. — . Je vous avais demandé
de me renvoyer ma lettre, vous ne
l’avez pas fait. Je vous avais de plus
demandé de mettre beaucoup de cachets
à votre enveloppe. Vous ne l’avez pas
fait non plus. Pour la lettre reco

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elle ne traînent pas et vous pourriez
me renvoyer ensemble (avec de
formidables cachets) celle-ci
et l’autre. Inutile de vous fatiguer
à m’écrire puisque vous travaillez
beaucoup, vous n’avez qu’à les mettre
sous enveloppe.

Je vous serre
amicalement la main

Marcel Proust

Si vous me renvoyez les lettres, il faudrait
mettre des cachets très larges et
plusieurs. De plus il faudrait les
mettre dans 2 enveloppes différentes car
elles ne tiendraient pas dans une seule.


 
 
 
 
 
 
 
Surlignage

Mon cher Alfred

Je vous remercie beaucoup de votre lettre (une phrase était ravissante (crépusculaire etc.) (et de votre télégramme préliminaire qui était une amabilité de plus. Si je ne vous en envoie pas un c’est qu’il est un peu tard, la lettre ayant été remportée comme je dormais etc.) Comme elle (la vôtre) m’a fait plaisir, la mienne n’a pas été complètement inutile. Mais pour le reste (vous allez encore dire que je ne sais pas ce que je veux) elle l’a été. Car j’ai réfléchi qu’il y aurait peu de délicatesse de ma part à accepter de vous un service de ce genre, et je veux donc essayer d’arriver tout seul à obtenir ce que je demande. Je ne vous explique pas pourquoi je ne trouverais pas cela délicat, je risquerais de nouveau de vous fâcher et c’est tout ce que je veux éviter. J’aurais pu penser à cela plus tôt mais l’idée m’en est venue après vous avoir écrit. D’ailleurs je crois que cela ne peut finir par ne pas se solutionner.

Pour l’aéroplane c’est plus compliqué pour la même raison que pour Grasset dernièrement, vous vous souvenez le jour où il m’a écrit : « je vous délie de tout traité, faites ce que vous voudrez », je n’ai plus pu faire qu’une chose, ce qu’il désirait. Or je suis retourné avant-hier voir M. Collin, dans la nuit, dans la pluie, avant d’aller aux Ballets Russes. Il a été excessivement gentil et m’a laissé en quelque sorte une liberté dont je n’ose plus guère user. Enfin je verrai. Mais ne croyez pas qu’il ait, lui, un intérêt quelconque sur ces ventes. Il ne touche pas un centime sur les 27 000 francs que coûte l’appareil. En tous cas si je le garde (ce que je ne crois pas) comme il restera vraisemblablement à l’écurie, je ferai graver sur (je ne sais pas le nom de la pièce et je ne veux commettre dʼhérésie devant un aviateur les vers de Mallarmé que vous connaissez

« Un cygne d’autrefois se souvient que c’est lui Magnifique, mais sans espoir qui le délivre Pour n’avoir pas chanté la région où vivre.Toujours il secouera cette triste agoniePar l’espace infligée à l’oiseau qui le nieMais non l’horreur du sol où son plumage est pris.Fantôme qu’à ce lieu son pur éclat assigneIl s’immobilise au songe muet de méprisQue vêt parmi l’exil inutile, le Cygne. »

C’est la poésie que vous aimiez tout en la trouvant obscure et qui commence par « Le Vierge, le vivace et le bel Aujourd’huiVa-t-il nous déchirer avec un coup d’aile ivreCe lac dur oublié, que hante sous le givre,Le transparent glacier, des vols qui n’ont pas fui. » Hélas « Aujourd’hui » n’est plus ni « vierge », ni « vivace », ni « beau » !

Surtout pour en finir avec cette question de l’aéroplane, je vous prie instamment de croire que mes récits à cet égard ne contiennent aucune intention, si cachée soit-elle, de reproche. Ce serait idiot. J’aurais assez de justes reproches à vous faire, et vous savez que je ne les tais pas. Mais vraiment il faudrait être trop bête pour vous rendre responsable (j’entends moralement) de l’inutilité d’un achat que vous ne saviez pas ! Je plains énormément M. de Neufville, il souffre matériellement de la perte de sa fortune et moralement de ne plus pouvoir estimer son frère. J’avoue cependant que tout en comprenant que lui et sa mère n’aient plus rien voulu avoir de commun avec ces banqueroutiers, je trouve pourtant qu’ils ont poussé le sentiment de l’honneur jusqu’à une sorte de dureté que malgré tout pour un frère je n’aurais pas. Sans eux, sans la respectabilité de leur nom, comme l’a très bien expliqué la chronique de Vandérem si vous l’avez lue (Figaro de Vendredi 29 je crois) jamais il n’aurait été arrêté et la chose aurait fini en douceur. Car c’est triste à dire mais tant de banquiers trouvent tout naturel de faire ce qui à moi me semblerait un abus de confiance, jouer avec de l’argent qui leur est confié. Et leurs clients trouvent cela charmant tant qu’ils gagnent ! Voyez-vous ce que je serais devenu, moi qui suis obligé à cause de mes stupides spéculations de faire vendre continuellement des valeurs tant que la Bourse est mauvaise, si les banques où sont ces valeurs étaient du genre Neufville et si elles me répondaient : « Désolé mais nous n’avons plus rien. » Pour ce que vous me dites du valet de chambre de M. de Neufville, je ne veux pas revenir là-dessus décidé à ne vous dire que des choses gentilles. Mais je ne veux pas par mon silence vous laisser croire que « je ne pense pas ce que j’ai dit ». Je l’ai dit parce que je le pensais, et je le pense parce qu’hélas dans la vie des individus comme dans les sciences physiques « il n’y a pas d’effet sans cause ». Il est seulement rare que l’effet suive la cause avec une rapidité aussi vertigineuse. Avez-vous lu les réquisitions du Procureur Lescouvé contre Mme Caillaux publiées in extenso en tête du Figaro de ce matin ? C’est un acte de grand courage et qui me fait très plaisir car c’était le grand ami de mon oncle (le juge). Mais cela ne lui servira pas pour son avancement ! Puisque vous vous intéressez à Swann, et aux sports, je vous envoie un article paru sur Swann dans un journal de sports. Je regrette que ce ne soit pas l’Aéro (mais cela viendra peut-être !), ce que je voudrais pouvoir vous faire lire mais elle a vingt pages, c’est la lettre de l’auteur de cet article, s’excusant auprès de moi d’avoir cité si négligemment ce livre.

Je vous avais demandé de me renvoyer ma lettre, vous ne l’avez pas fait. Je vous avais de plus demandé de mettre beaucoup de cachets à votre enveloppe. Vous ne l’avez pas fait non plus. Pour la lettre recommandée elles ne traînent pas et vous pourriez me renvoyer ensemble (avec de formidables cachets) celle-ci et l’autre. Inutile de vous fatiguer à m’écrire puisque vous travaillez beaucoup, vous n’avez qu’à les mettre sous enveloppe.

Je vous serre amicalement la main

Marcel Proust

Si vous me renvoyez les lettres, il faudrait mettre des cachets très larges et plusieurs. De plus il faudrait les mettre dans deux enveloppes différentes car elles ne tiendraient pas dans une seule.

             
Note n°1
Selon l’allusion aux réquisitions du procureur Lescouvé contre Mme Caillaux « en tête du Figaro de ce matin » (note 12 ci-après), et à la chronique de Vandérem (note 11), cette lettre a été écrite le samedi 30 mai 1914, c’est-à-dire le jour même où, vers cinq heures du soir, Alfred Agostinelli est tombé en avion au large d’Antibes et s’est noyé. Retrouvée chez Proust, elle a pu selon Philip Kolb être renvoyée à l’expéditeur « pour cause de décès », à moins qu’elle ne lui ait été rapportée par Anna Square, la compagne d’Agostinelli. Mais on ne peut pas exclure la possibilité quʼelle n’ait jamais quitté le domicile de Proust, d’autant que ce dernier précise au début « qu’il est un peu tard », trop tard en lʼoccurrence pour répondre par télégramme. Quand Proust lui écrit ce soir, voire cette nuit-là, Alfred Agostinelli a donc déjà péri. La nouvelle a pu lui en parvenir avant que la lettre ne soit expédiée. [PK, NM]
Note n°2génétique
Proust reprendra la phrase d’Agostinelli qu’il trouve « ravissante » pour l’attribuer à Albertine. On en trouve une première trace dans une note marginale du Cahier 54 (1914), après l’arrivée du télégramme annonçant sa mort accidentelle : « Ne pas oublier de montrer la solennité que prennent certaines de ses paroles et la phrase de sa lettre écrite sans doute sans y penser : je vous laisse le meilleur de moi-même. Et peut’être crépusculaire. » (Cahier 54, f. 31r, nous soulignons ; Cahier 54, vol. II, p. 65). L’année suivante, Proust transpose dans le Cahier 55 la lettre d’Agostinelli dans une lettre de la fugitive au narrateur : « Merci aussi du bon <Je suis très touchée que vous ayez gardé un bon> souvenir que vous gardez de notre dernière promenade. Croyez que de mon côté je n’oublierai pas cette promenade deux fois crépusculaire (puisque la nuit venait et que nous allions nous quitter) et qu’elle ne s’effacera de mon esprit qu’avec la nuit complète » (Cahier 55, page collée dans le Cahier XII, f. 62r). Cette page de premier jet sera dactylographiée en 1922 mais non revue plus avant par Proust (AD, IV, 50-51). Dans les cahiers, la phrase réapparaît dans le souvenir du héros sous des formes légèrement différentes. Le premier commentaire auquel elle donnait lieu était plus élaboré que celui que Proust retiendra dans la mise au net : « Et même de Tourraine [sic], tant jusqu’au dernier jour elle avait émis sans le savoir des prophéties, elle n’avait sans doute cru écrire qu’une jolie phrase et qui me plairait, elle avait peut’être souri en se disant : “ça c’est du chiqué” quand elle avait écrit “cet instant deux fois crépusculaire puisque le jour tombait et que nous allions nous quitter ne s’effacera de mon esprit que quand y entrera la nuit complète” » (page du Cahier 56 collée et biffée dans le Cahier XII, f. 120r ; nous soulignons). La version définitive modifie la forme verbale, rendant la phrase plus littéraire : « “cet instant deux fois crépusculaire puisque le jour tombait et que nous allions nous quitter, ne s’effacera de mon esprit que quand y ent il sera envahi par la nuit complète” » (Cahier 56, f. 7r, nous soulignons ; recopié dans le Cahier XII, f. 128r ; cf. AD, IV, 89). À Venise, le narrateur se répète la phrase devenue un véritable leitmotiv : « Toujours prête à tout, quand je lui avais demandé de partir, ce triste jour qu’elle devait appeler dans sa dernière lettre “deux fois crépusculaire puisque la nuit tombait et que nous allions nous quitter”, elle avait jeté sur ses épaules un manteau de Fortuny [...] » (Cahier XIV, f. 115r ; AD, IV, 226). Rappelons quʼau moment du départ dʼAlbertine, Proust avait noté dans le Cahier 71 : « Voici la lettre que je lus. Copier la lettre » (Cahier 71, f. 38r). [PK, NM]
Note n°3
Nous ne savons pas quel est le service en question, mais Agostinelli aurait pu se proposer pour décommander un dispendieux présent de Proust, comme ce dernier le lui aurait d’abord demandé – avant, ici, de changer d’avis –, du moins si l’on se fie à la lettre d’Albertine dans le roman : « Mon ami, merci de toutes les bonnes choses que vous me dites, je suis à vos ordres pour décommander la Rolls si vous croyez que j’y puisse quelque chose, et je le crois. Vous n’avez qu’à m’écrire le nom de votre intermédiaire. Vous vous laisseriez monter le cou par ces gens qui ne cherchent qu’une chose, c’est à vendre ; et que feriez-vous d’une auto, vous qui ne sortez jamais ? Je suis très touchée que vous ayez gardé un bon souvenir de notre dernière promenade. Croyez que de mon côté je n’oublierai pas cette promenade deux fois crépusculaire [...]  » (AD, IV, 50-51 ; Cahier 55, page collée dans le Cahier XII, f. 62r). Mais le présent que Proust voulait faire à Agostinelli était-il une Rolls ? C’est possible, mais il peut aussi s’agir d’une automobile moins luxueuse, ou de tout autre chose. Rappelons qu’en 1913 un « châssis » de Rolls 40/50 chevaux (la mécanique, sans la carrosserie ni la sellerie) coûtait 26 200 francs-or, c’est-à-dire plus cher qu’un aéroplane. Voir aussi la note 9. [PK, FL, NM]
Note n°4
Voir à ce sujet la lettre de Bernard Grasset du 4 avril 1914 (CP 02715 ; Kolb, XIII, n° 63). — Proust disant : « vous vous souvenez le jour où [...] », Agostinelli était donc chez lui à cette époque. Cet indice confirme la thèse de Jean-Marc Quaranta selon laquelle Agostinelli était retourné chez lʼécrivain vers la fin janvier 1914 (après sa fuite du 1er décembre 1913) et ne lʼavait définitivement quitté que vers la mi-avril (voir Jean-Marc Quaranta, Un amour de Proust. Alfred Agostinelli (1888-1914), Paris, éditions Bouquins, 2021, p. 238-244 et 251-254). [PK, FL]
Note n°5
Il sʼagit vraisemblablement de Ferdinand Collin, qui fut, de 1910 à 1914, le directeur des écoles de pilotage fondées à Étampes, Pau, puis Buc (près de Versailles) par Louis Blériot. Blériot, ingénieur de formation, avait également développé une firme de construction dʼaéroplanes. Agostinelli ayant appris à piloter sur des appareils Blériot à lʼécole de Buc, Proust avait probablement commandé un aéroplane Blériot par lʼintermédiaire de Ferdinand Collin, selon lʼhypothèse de Jean-Marc Quaranta (op. cit., p. 340-341 et p. 431, note 6). [FL]
Note n°6
Le jeudi soir 28 mai, les Ballets russes présentaient à l’Opéra, Le Rossignol, opéra en trois tableaux d’Igor Stravinsky d’après le conte d’Andersen, et Coq d’Or, opéra populaire en trois actes de Rimsky-Korsakov. La première représentation du Rossignol avait eu lieu le 26 mai 1914 ; celle de Coq d’Or, le 24. [PK, FL]
Note n°7
Agostinelli, après avoir commencé de février à mi-avril 1914 une formation de pilote à Buc, à lʼécole fondée par Blériot, sʼétait inscrit à l’école d’aviation des frères Garbero à Antibes depuis quʼil avait quitté Proust. À la date de cette lettre, il était en effet aviateur, puisquʼil venait de passer son brevet de pilote le 26 ou 27 mai 1914. (Voir Jean-Marc Quaranta, op. cit., p. 349-350.) [FL]
Note n°8
Sauf le huitième vers, Proust cite (à son habitude, avec plusieurs inexactitudes ou réécritures) le sonnet de Mallarmé « Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui », en commençant par le second quatrain et les tercets. Comme l’a fait remarquer Bertrand Marchal, le sonnet « des vols qui n’ont pas fui » (le poème de Mallarmé le plus cité par Proust dans sa correspondance) est un « beau phylactère » pour un aéroplane qui, comme le dit ici Proust, « restera vraisemblablement à l’écurie » (« Proust et Mallarmé », BIP, n° 40, 2010, p. 57-75 ; citation p. 75). Non seulement « la figure du cygne prisonnier » vaut pour l’aéroplane comme pour sa transposition romanesque en yacht, mais « la roue qui meurt de “ M’introduire dans ton histoire…” », l’autre poème de Mallarmé cité dans le passage correspondant du roman (AD, IV, 39), « légende parfaitement la Rolls qui ne roulera pas » (B. Marchal, art. cité, p. 69). Voir aussi la note suivante. [NM]
Note n°9
Proust intègre à son roman non seulement une lettre dʼAgostinelli (note 2 ci-dessus), mais sa présente réponse à cette lettre, quʼil a peut-être déjà composée dans cette perspective. Le héros, dans une lettre à Albertine, fait en effet la même remarque à propos des mêmes vers de Mallarmé, lui écrivant : « Le yacht était déjà presque prêt, il s’appelle, selon votre désir exprimé à Balbec, le Cygne. Et, me rappelant que vous préfériez à toutes les autres les voitures Rolls, j’en avais commandé une. Or, maintenant que nous ne nous verrons plus jamais, comme je n’espère pas de vous faire accepter le bateau ni la voiture (pour moi ils ne pourraient servir à rien) j’avais donc pensé — comme je les avais commandés à un intermédiaire mais en donnant votre nom — que vous pourriez peut-être en les décommandant, vous, m’éviter ce yacht et cette voiture inutiles. [...] Non, je préfère garder la Rolls et même le yacht. Et comme je ne me servirai pas d’eux et qu’ils ont chance de rester toujours, l’un au port désarmé, l’autre à l’écurie, je ferai graver sur le yacht (mon Dieu, je n’ose pas mettre un nom de pièce inexact et commettre une hérésie qui vous choquerait) ces vers de Mallarmé que vous aimiez : [...] Vous vous rappelez, — c’est la poésie qui commence par : Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui. Hélas, aujourd’hui n’est plus ni vierge, ni beau. » (AD, IV, 38-39 ; Cahier 55, pages collées dans le Cahier XII, f. 50r, Cahier XII, f. 51r, Cahier XII, f. 52r). Offrir un « aéroplane » à une jeune fille aurait paru peu vraisemblable, mais le double cadeau somptuaire du héros correspond à une logique autobiographique : le yacht baptisé « Le Cygne » garde le souvenir de l’aviateur, et la Rolls celle du « mécanicien » Agostinelli. Pour approfondir les ramifications intratextuelles de ce passage dans À la recherche du temps perdu, voir B. Marchal, « Proust et Mallarmé », art. cité, notamment les p. 69 et suiv. [PK, FL, NM]
Note n°10
Il s’agit de la banqueroute d’Henri de Neufville, frère d’Alexandre de Neufville, et de son neveu Robert de Neufville. À la suite d’opérations malheureuses et de la crise qui, depuis plusieurs mois, sévissait sur un certain nombre de valeurs du marché financier de Paris, Henri et Robert de Neufville, directeurs de la banque de Neufville, 5, rue Halévy, société en commandite simple de deux associés en nom collectif, s’étaient vus obligés, le 4 mai, de déposer leur bilan. Le tribunal de commerce leur accorda, le 11 mai, le bénéfice de la liquidation judiciaire. L’examen de la comptabilité dévoila des agissements que le liquidateur révéla au Parquet. Il y eut des plaintes et une enquête d’information. Les banquiers promirent de faire face à leurs engagements. Quand le délai expira sans que l’intervention promise eût eu lieu, les deux banquiers furent arrêtés, le 28 mai, inculpés d’escroquerie et d’abus de confiance. (La Petite République, 29 mai 1914, « Un Krach de 15 millions » ; L’Action Française du 29 mai 1914, « À l’instruction. Arrestation de banquiers. »). [PK, FL]
Note n°11
Dans son article du Figaro du 29 mai 1914, « Le Nom est maître », Vandérem expliquait que, tant quʼelle pensait la faillite due à de mauvaises opérations, la famille était prête à se « sacrifier» pour rembourser à l’amiable les déposants ruinés, mais quʼà partir du moment où des malversations avaient été décelées, elle avait, pour préserver la respectabilité du « nom », tourné le dos aux banqueroutiers qui, ne pouvant tenir leurs engagements, avaient été arrêtés. [PK, FL]
Note n°12
Proust porte intérêt à ce valet de chambre dont il parlait déjà à Alexandre de Neufville dans une lettre écrite de Cabourg, peut-être pendant son séjour de l’été de 1912, en août ou septembre. Après avoir décliné une invitation dans la villa de Houlgate de son ami, et évoquant un hypothétique départ vers Beg-Meil via Dinard, il lui écrivait : « si je tentais quelque chose de ce côté je commencerais par vous en aviser, vous ou votre valet de chambre au souvenir de qui je vous prie de me rappeler. Il faudra que d’un jour à l’autre j’aille à Trouville pour une vieille amie [Mme Straus] que j’aime énormément, je tâcherai de m’arrêter pour dire bonjour à votre valet de chambre. » (« Proust du temps perdu au temps retrouvé », Éditions des Équateurs, Aristophil Éditions / Musée des Lettres et Manuscrits, 2010, p. 79 ; BIP, 2011, n° 41, p. 164). La familiarité avec Alexandre de Neufville et son domestique que partagent Proust et Agostinelli s’explique par leurs excursions dans la villa « Les Béquettes » de Neufville, à Houlgate. Le 4 août 1913, c’est en se rendant à Houlgate, et alors que la présence de Neufville y avait été signalée la veille, que Proust décide de rentrer précipitamment à Paris avec Agostinelli, pour des raisons qu’il explique différemment à ses correspondants (CP 02548 ; Kolb, XII, n° 109 et CP 02552 ; Kolb, XII, n° 113). Plus tôt sans doute dans leurs relations, Proust rappelait à Alexandre de Neufville la disponibilité du chauffeur : « vous êtes à Nice et je veux vous dire si par hasard cela pouvait vous être commode de le savoir que très certainement, Agostinelli est à Monaco (Taxi “Unic” de Monaco) » ([fin de l’hiver 1911 ?], BIP, 1999, n° 30, p. 140). [NM]
Note n°13
Le Figaro du samedi 30 mai 1914 publie, en première page sur six colonnes, un article intitulé : « L’Assassinat de Gaston Calmette. Renvoi de Mme Caillaux devant la Cour d’assises de la Seine pour assassinat. Le Réquisitoire du Procureur de la République. » [PK, FL]
Note n°14
Théodore-Paul Lescouvé, né à Aix-en-Provence en 1865, nommé substitut de la Seine le 17 avril 1897, était procureur de la République près le Tribunal de la Seine depuis le 26 janvier 1911. — L’oncle maternel de Proust, Georges-Denis Weil, était vice-président au Tribunal de la Seine lors de son décès en 1906. [PK, FL]
Note n°15
Il sʼagit du Sport belge, où avait paru un entrefilet dʼHenry Bernstein. [PK, FL]
Note n°16
Nous n’avons pas retrouvé la lettre d’Henry Bernstein, auteur de cet article. [PK, FL]
Note n°17
Il manque à cet endroit de l’original une demi-page, arrachée, correspondant à environ huit lignes de texte. [PK, FL]
Note n°18génétique
En demandant au destinataire de lui renvoyer ses lettres, Proust veut non seulement éviter qu’elles ne soient lues par autrui, mais aussi pouvoir les utiliser pour son roman. Ainsi dans le Carnet 4, au milieu de citations de lettres d’Agostinelli, une phrase entre guillemets au moins semble être empruntée par Proust à l’une de ses propres lettres : « “Je ne vous demande que de prendre confiance en vous et dans votre jeune destinée” » (Carnet 4, f. 12r ; Cn, p. 355). Voir à ce sujet Jean-Marc Quaranta, op. cit., p. 345-346. [PK, NM]
Note
Fernand surname Le Figaro Le Nom est maître 29 mai 1914
Note
Marcel surname Du côté de chez Swann pubPlace publisher 1913
Note
Henry surname Le Sport belge 3 mai 1914
Note
Marcel surname Du côté de chez Swann pubPlace publisher 1913


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Date de mise en ligne : September 24, 2024 15:05
Date de la dernière mise à jour : September 24, 2024 17:50
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