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CP 01978 Marcel Proust à Georges de Lauris [peu après le 23 mai 1909]

Surlignage

Mon petit Georges

j’ai été navré car les
jours précédents j’aurais
pu vous recevoir si tôt !
Quelle tristesse — ! — .Non
Georges je ne fais pas un roman
c’est trop long à vous expliquer
Mais si Guermantes est un
nom de la famille Puységur,


cela revient au même que
si c’était de la famille
Paris
. Je ne veux fâcher
que des inconnus, qui ne
soient pas apparentés à des gens
que je connais et n’ai pas
le toupet de Balzac.
Ceci a/lors’ air de signifier que
je fais un roman. D’
abord je ne fais rien. Mais
aimerais faire. Mais
je voudrais que mon château n’appartint pas à
la famille dont il porte le nom (ex. Dampierre
aux Luynes) et que si le possesseur actuel
existe au moins le nom du château soit
éteint et non parent. Mais Georges ce
n’est nullement pour vous parler de
cela que je vous écris mais pour vous demander
quel délai vous m’accordez (je n’en demande
pas, je vous demande ce qui est bien) pour la
démarche que je dois faire pour votre protégé
et que j’ai supposée plus efficace si je
l’espaçais un peu. Mais cependant cela
dépend aussi de vos convenances. Dites.
— . Et c’était surtout pour vous dire
mon regret pour hier, ma tristesse,
ma tendresse, ma reconnaissance

Marcel





Surlignage

Mon petit Georges

ai été navré car les jours précédents j’aurais pu vous recevoir si tôt ! Quelle tristesse — !

Non Georges je ne fais pas un roman c’est trop long à vous expliquer Mais si Guermantes est un nom de la famille Puységur, cela revient au même que si c’était de la famille Pâris. Je ne veux fâcher que des inconnus, qui ne soient pas apparentés à des gens que je connais et n’ai pas le toupet de Balzac. Ceci a l’ air de signifier que je fais un roman. D’abord je ne fais rien. Mais aimerais faire. Mais je voudrais que mon château n’appartînt pas à la famille dont il porte le nom (ex. Dampierre aux Luynes) et que si le possesseur actuel existe au moins le nom du château soit éteint et non parent. Mais Georges ce n’est nullement pour vous parler de cela que je vous écris mais pour vous demander quel délai vous m’accordez (je n’en demande pas, je vous demande ce qui est bien) pour la démarche que je dois faire pour votre protégé et que j’ai supposée plus efficace si je l’espaçais un peu. Mais cependant cela dépend aussi de vos convenances. Dites.

Et c’était surtout pour vous dire mon regret pour hier, ma tristesse, ma tendresse, ma reconnaissance.

Marcel

Note n°1
Cette lettre suit évidemment à peu de jours d’intervalle celle du même au même datée du [dimanche soir 23 mai 1909] (CP 01977 ; Kolb, IX, n° 52) : voir les nouvelles allusions au nom de Guermantes (note 2 ci-après) et au protégé du destinataire (note 5). Dʼaprès Ph. Kolb, le papier blanc vergé sans filigrane est identique à celui de la lettre de Proust à Hauser datée du [11 ou 12 mai 1909] (CP 01974 ; Kolb, IX, n° 49). [PK]
Note n°2
Emmanuel-Paulin-Louis Prondre, comte de Guermantes (1775-1800), avait épousé, le 20 mars 1798, Eulalie de Brisay. Devenue veuve, cette dernière épouse en secondes noces, le 21 novembre 1802, Jean-Baptiste marquis de Tholozan. Leur fille, Eulalie de Tholozan (1804-1889), épouse en premières noces Paul-Claude Feydeau comte de Brou, lequel meurt deux ans plus tard. La comtesse de Brou, laissée veuve, épouse en secondes noces, en 1829, Gaspard-Jules Chastenet comte de Puységur, qui meurt en 1830. C’est ainsi qu’il y a eu alliance entre les familles de Puységur et de Tholozan. La fille du comte de Brou et d’Eulalie de Tholozan, Jules-Marie de Puységur (1830-1913) épouse, le 29 décembre 1849, Clément-Gustave de Baillardel, baron de Lareinty (Suzanne Vernes, Guermantes, Paris, 1961). Voir la lettre précédente de Proust à Georges de Lauris datée du [dimanche soir 23 mai 1909] (CP 01977 ; Kolb, IX, n° 52), note 4. [PK, JA]
Note n°3génétique
Proust hésite encore sur le genre de ce quʼil est en train dʼécrire. Quelques mois plus tard, dans une lettre datée de [vers la mi-août 1909], il affirme à Alfred Vallette que son livre, Contre Sainte-Beuve, Souvenir dʼune Matinée, est un « véritable roman » (CP 02003 ; Kolb, IX, n° 78). [JA]
Note n°4génétique
Le château de Dampierre, près de Saint-Rémy-lès-Chevreuse, appartenait en effet au duc de Luynes. Il possédait également le château de Luynes, près de Tours, ainsi que deux autres châteaux, et une villa à Cannes. Annuaire des Châteaux, 1906, I, p. 521. Proust décrit longuement le château de Luynes dans le Cahier 7, f. 14r. [PK, JA]
Note n°5
Proust avait expliqué dans sa lettre précédente pourquoi il préférait retarder sa démarche en faveur de Nogrette. Voir la lettre de Proust à Lauris datée du [dimanche soir 23 mai 1909] (CP 01977 ; Kolb, IX, n° 52). [PK]


Mots-clefs :documentationgenèsemondanités
Date de mise en ligne : May 16, 2024 06:28
Date de la dernière mise à jour : September 6, 2024 11:34
Surlignage

Mon petit Georges

j’ai été navré car les
jours précédents j’aurais
pu vous recevoir si tôt !
Quelle tristesse — ! — .Non
Georges je ne fais pas un roman
c’est trop long à vous expliquer
Mais si Guermantes est un
nom de la famille Puységur,


cela revient au même que
si c’était de la famille
Paris
. Je ne veux fâcher
que des inconnus, qui ne
soient pas apparentés à des gens
que je connais et n’ai pas
le toupet de Balzac.
Ceci a/lors’ air de signifier que
je fais un roman. D’
abord je ne fais rien. Mais
aimerais faire. Mais
je voudrais que mon château n’appartint pas à
la famille dont il porte le nom (ex. Dampierre
aux Luynes) et que si le possesseur actuel
existe au moins le nom du château soit
éteint et non parent. Mais Georges ce
n’est nullement pour vous parler de
cela que je vous écris mais pour vous demander
quel délai vous m’accordez (je n’en demande
pas, je vous demande ce qui est bien) pour la
démarche que je dois faire pour votre protégé
et que j’ai supposée plus efficace si je
l’espaçais un peu. Mais cependant cela
dépend aussi de vos convenances. Dites.
— . Et c’était surtout pour vous dire
mon regret pour hier, ma tristesse,
ma tendresse, ma reconnaissance

Marcel





Surlignage

Mon petit Georges

ai été navré car les jours précédents j’aurais pu vous recevoir si tôt ! Quelle tristesse — !

Non Georges je ne fais pas un roman c’est trop long à vous expliquer Mais si Guermantes est un nom de la famille Puységur, cela revient au même que si c’était de la famille Pâris. Je ne veux fâcher que des inconnus, qui ne soient pas apparentés à des gens que je connais et n’ai pas le toupet de Balzac. Ceci a l’ air de signifier que je fais un roman. D’abord je ne fais rien. Mais aimerais faire. Mais je voudrais que mon château n’appartînt pas à la famille dont il porte le nom (ex. Dampierre aux Luynes) et que si le possesseur actuel existe au moins le nom du château soit éteint et non parent. Mais Georges ce n’est nullement pour vous parler de cela que je vous écris mais pour vous demander quel délai vous m’accordez (je n’en demande pas, je vous demande ce qui est bien) pour la démarche que je dois faire pour votre protégé et que j’ai supposée plus efficace si je l’espaçais un peu. Mais cependant cela dépend aussi de vos convenances. Dites.

Et c’était surtout pour vous dire mon regret pour hier, ma tristesse, ma tendresse, ma reconnaissance.

Marcel

Note n°1
Cette lettre suit évidemment à peu de jours d’intervalle celle du même au même datée du [dimanche soir 23 mai 1909] (CP 01977 ; Kolb, IX, n° 52) : voir les nouvelles allusions au nom de Guermantes (note 2 ci-après) et au protégé du destinataire (note 5). Dʼaprès Ph. Kolb, le papier blanc vergé sans filigrane est identique à celui de la lettre de Proust à Hauser datée du [11 ou 12 mai 1909] (CP 01974 ; Kolb, IX, n° 49). [PK]
Note n°2
Emmanuel-Paulin-Louis Prondre, comte de Guermantes (1775-1800), avait épousé, le 20 mars 1798, Eulalie de Brisay. Devenue veuve, cette dernière épouse en secondes noces, le 21 novembre 1802, Jean-Baptiste marquis de Tholozan. Leur fille, Eulalie de Tholozan (1804-1889), épouse en premières noces Paul-Claude Feydeau comte de Brou, lequel meurt deux ans plus tard. La comtesse de Brou, laissée veuve, épouse en secondes noces, en 1829, Gaspard-Jules Chastenet comte de Puységur, qui meurt en 1830. C’est ainsi qu’il y a eu alliance entre les familles de Puységur et de Tholozan. La fille du comte de Brou et d’Eulalie de Tholozan, Jules-Marie de Puységur (1830-1913) épouse, le 29 décembre 1849, Clément-Gustave de Baillardel, baron de Lareinty (Suzanne Vernes, Guermantes, Paris, 1961). Voir la lettre précédente de Proust à Georges de Lauris datée du [dimanche soir 23 mai 1909] (CP 01977 ; Kolb, IX, n° 52), note 4. [PK, JA]
Note n°3génétique
Proust hésite encore sur le genre de ce quʼil est en train dʼécrire. Quelques mois plus tard, dans une lettre datée de [vers la mi-août 1909], il affirme à Alfred Vallette que son livre, Contre Sainte-Beuve, Souvenir dʼune Matinée, est un « véritable roman » (CP 02003 ; Kolb, IX, n° 78). [JA]
Note n°4génétique
Le château de Dampierre, près de Saint-Rémy-lès-Chevreuse, appartenait en effet au duc de Luynes. Il possédait également le château de Luynes, près de Tours, ainsi que deux autres châteaux, et une villa à Cannes. Annuaire des Châteaux, 1906, I, p. 521. Proust décrit longuement le château de Luynes dans le Cahier 7, f. 14r. [PK, JA]
Note n°5
Proust avait expliqué dans sa lettre précédente pourquoi il préférait retarder sa démarche en faveur de Nogrette. Voir la lettre de Proust à Lauris datée du [dimanche soir 23 mai 1909] (CP 01977 ; Kolb, IX, n° 52). [PK]


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Date de mise en ligne : May 16, 2024 06:28
Date de la dernière mise à jour : September 6, 2024 11:34
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