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CP 01950 Marcel Proust à Henry Bordeaux [peu après le 3 mars 1909]

Surlignage


102 boulevard Haussmann

Mon cher ami

Je suis touché que vous vous
souveniez encore du malade et du
reclus, que vous lui envoyiez ces
beaux raisins de Savoie « avec
toutes leurs feuilles »
. Je les ai
savourés aussitôt reçus,
c’est à dire toute cette nuit. J’en
garde pour demain mais je n’ai
pas voulu tarder à vous dire


2

ma reconnaissance affectueuse.
Votre Madame de Charmoisy m’
a enchanté. Ah ! qu’il serait
bon parcourir avec vous ce pays
d’où vous faites lever comme
un blé mystique, cette moisson
de belles histoires. Quelques noms
liés dans mon souvenir à notre
rencontre là bas, me remplissaient
au passage de tristesse et de
poésie tandis que je lisais vos
pages d’où se découvre toujours

3

un si grand horizon, et que domine la leçon d’une
cime. Mais faut-il ce soir regretter ma vie
séquestrée ? Ne me suis-je pas tout à l’heure
promené une heure avec vous ? — . Vous êtes bien sévère
pour Madame de Boigne. Préjugé aristocratique, mon
dieu puisqu’elle l’avoue dans son roman, je ne peux le nier.
Mais il ne lui a guère mis dʼœillères. Un libéral d’
aujourd’hui ne jugerait pas les évènements d’alors d’un

4

esprit plus libéral en effet, plus libéré, que cette dame
qui fut élevée avant la Révolution sur les genoux
de la Reine. Pour son « génie des noms » ne pas oublier que le prénom de M. d’Osmond était Raynulphe. Ce que vous avez sur le cœur c’est
M. de Boigne. Là je vous comprends. Et cela vous a très
noblement inspiré de belles pages et aussi toute cette
délicieuse annexe aux Mémoires, tout votre exquis
paysage de château, de parc et d’église. Vous m’étonnez
en citant cette belle phrase de Chateaubriand que je connais
bien et sur laquelle j’ai écrit, comme adressée à Me de

4 5

Duras. Mes livres sont loin de mon lit,
je ne suis pas en état de me lever,
et ne veux pas sonner (il est quatre
heures du matin) mais je n’aurais pas cru
que ce fût adressé à elle. — . Votre
Mistral est magnifique et charmant.
Voilà tout ce que j’ai lu jusqu’à
présent (et lʼinconnue de Ste
Beuve
. Est-ce un artifice auquel
j’ai été pris, ou une réalité précieuse
où je vois malice). Comme lire,
écrire, me donne des maux de tête
et m’est défendu, j’en reste là et
vous envoie avec mes remerciements
ma bien sincère amitié

Marcel Proust

Surlignage
102 boulevard Haussmann

Mon cher ami

Je suis touché que vous vous souveniez encore du malade et du reclus, que vous lui envoyiez ces beaux raisins de Savoie « avec toutes leurs feuilles » . Je les ai savourés aussitôt reçus, cʼest-à-dire toute cette nuit. J’en garde pour demain mais je n’ai pas voulu tarder à vous dire ma reconnaissance affectueuse. Votre Madame de Charmoisy m’ a enchanté. Ah ! qu’il serait bon parcourir avec vous ce pays d’où vous faites lever comme un blé mystique, cette moisson de belles histoires. Quelques noms liés dans mon souvenir à notre rencontre là-bas, me remplissaient au passage de tristesse et de poésie tandis que je lisais vos pages d’où se découvre toujours un si grand horizon, et que domine la leçon d’une cime. Mais faut-il ce soir regretter ma vie séquestrée ? Ne me suis-je pas tout à l’heure promené une heure avec vous ?

Vous êtes bien sévère pour Madame de Boigne. Préjugé aristocratique, mon dieu puisqu’elle l’avoue dans son roman, je ne peux le nier. Mais il ne lui a guère mis dʼœillères. Un libéral d’ aujourd’hui ne jugerait pas les évènements d’alors d’un esprit plus libéral en effet, plus libéré, que cette dame qui fut élevée avant la Révolution sur les genoux de la Reine. Pour son « génie des noms » ne pas oublier que le prénom de M. d’Osmond était Raynulphe. Ce que vous avez sur le cœur c’est M. de Boigne. Là je vous comprends. Et cela vous a très noblement inspiré de belles pages et aussi toute cette délicieuse annexe aux Mémoires, tout votre exquis paysage de château, de parc et d’église. Vous m’étonnez en citant cette belle phrase de Chateaubriand que je connais bien et sur laquelle j’ai écrit, comme adressée à Me de Duras. Mes livres sont loin de mon lit, je ne suis pas en état de me lever, et ne veux pas sonner (il est quatre heures du matin) mais je n’aurais pas cru que ce fût adressé à elle.

Votre « Mistral » est magnifique et charmant. Voilà tout ce que j’ai lu jusqu’à présent (et lʼ« Inconnue de Sainte-Beuve ». Est-ce un artifice auquel j’ai été pris, ou une réalité précieuse où je vois malice). Comme lire, écrire, me donne des maux de tête et m’est défendu, j’en reste là et vous envoie avec mes remerciements ma bien sincère amitié.

Marcel Proust

Note n°1
Le papier de l’original est identique à celui de la lettre de Proust à Montesquiou du 16 février 1909 (CP 01936 ; Kolb, IX, n° 11). Lettre écrite peu après le 3 mars 1909 : voir la note 3 ci-après. [PK]
Note n°2
Citation d’un vers de Frédéric Mistral dʼ« Odo à Larmartino » (« Ode à Lamartine »). La quatrième strophe, que cite Proust, figure en tête de la seconde édition de Mirèio (Mireille, Charpentier, 1860) dédiée à Lamartine : « Je te consacre Mireille : c’est mon cœur et mon âme, / C’est la fleur de mes années, / Ce sont des raisins de Crau qu’avec toutes leurs feuilles / T’offre un paysan […] » . Le poème entier composé de six quatrains en provençal est publié dans le recueil Lis Isclo d’Or (Les Iles d’Or, 1876). (« À Lamartine », Les îles d’Or, édition A. Lemerre, 1943, p. 484). [MM, JA]
Note n°3
Allusion à la première des études de lʼouvrage du destinataire, Portraits de femmes et d’enfants : Mme de Charmoisy — La comtesse de Boigne — Mme de Charrière — Mlle de Lespinasse — Trois comédiennes — Une inconnue de Sainte-Beuve — L’enfance de Bayart — L’enfance de Mistral. (Librairie Plon, Paris, 1909). La Bibliographie de la France (IIIe partie, p. 562, 26 février 1909) annonce ce livre : « Pour paraître le 3 mars ». [PK]
Note n°4
C’est en 1899 que Proust avait rencontré le destinataire lors d’un séjour à Evian. Voir la lettre de Proust à Robert de Montesquiou du [26 ou 27 mai 1905] (CP 01227 ; Kolb, V, n° 90) et sa note 5. Ils sʼétaient rencontrés au château de Coudrée chez Mme Anatole Bartholoni, qui avait été dame dʼhonneur de lʼImpératrice Eugénie (Voir Pyra Wise, « Lettres de Marcel Proust conservées dans le fonds Henry Bordeaux à Chambéry », BIP, n° 36, 2006, p. 11). [PK]
Note n°5
Henry Bordeaux se montre en effet assez critique à lʼégard de Mme de Boigne : « Tout de suite, elle revendique l’ancienneté de sa race. Ainsi, une héroïne d’Une passion dans le grand monde (Michel Lévy frères, 1867, tome 1 ; tome 2), sous les traits de qui nous la retrouverons plus d’une fois, “avait pour son nom une passion qui n’est plus de son siècle” ». Portraits de femmes et d’enfants (1909), p. 103 ; « [...] le mérite ne valait pour elle, qu’appuyé sur l’ancienneté du nom », p. 111 ; « Elle-même montra vis-à-vis de son mari tous les partis-pris mesquins et bornés du dix-huitième siècle », p. 120-121. [PK, JA]
Note n°6
« J’ai été littéralement élevée sur les genoux de la famille royale ». Récits d’une tante : Mémoires de la comtesse de Boigne née d’Osmond publiés d’après le manuscrit original par M. Charles Nicoullaud I (1781-1814). Portrait en héliogravure et fac-similé d’autographe, Librairie Plon, 1907, p. 71. À la parution de lʼouvrage, Proust lui avait consacré un article (« Journées de lecture », Le Figaro, 20 mars 1907 ; Essais, p. 272 et suivantes). Voir aussi note 7. [PK, JA]
Note n°7
Allusion au père de Mme de Boigne : Rainulphe-Eustache marquis d’Osmond (1751-1838), diplomate français et pair de France. Le neveu de Mme de Boigne, à qui elle dédia ses Mémoires (5 tomes), portait le même prénom de Rainulphe. Dans son article du Figaro, « Journées de lecture » (20 mars 1907) consacré à ces Mémoires, Proust écrit : « Et je me souviens que mes parents ont bien souvent dîné avec le neveu de Mme de Boigne, M. d’Osmond, pour qui elle a écrit ces mémoires et dont j’ai trouvé la photographie dans leurs papiers avec beaucoup de lettres qu’il leur avait adressées » (Essais, p. 277). A propos d’Une passion dans le grand monde (tome 1 ; tome 2), dont il trouve la lecture « tout à fait affligeante » et d’une « puérilité sentimentale » extrême, Bordeaux avoue cependant : « on ne saurait refuser à l’auteur le génie des noms », citant en exemple le jeune héros du roman : Romuald de Beauréal. Portraits de femmes et d’enfants (1909), « Le salon de Mme de Boigne », p. 93. [PK, JA]
Note n°8
Bordeaux montre combien le portrait du comte de Boigne donné par sa femme s’éloigne des faits. Il affirme que Guizot, ainsi que Mme Lenormant l’ont vieilli de dix ans. — Le comte de Boigne, était le fils d’un marchand de fourrures et d’Hélène Gabet, qui appartenait à la bourgeoisie savoisienne. Victor-Emmanuel (1759-1824), roi de Sardaigne, premier roi de Piémont et duc de Savoie, lui avait conféré le titre héréditaire de comte et le grade de lieutenant général. Portraits de femmes et d’enfants (1909), « Le Général de Boigne », p. 108-125. [PK]
Note n°9
Allusion aux deux dernières parties de lʼétude sur Mme de Boigne : Portraits de femmes et d’enfants (1909), « Mme de Boigne à Buisson-Rond » et « Les deux vieillesses ». [PK]
Note n°10génétique
Henry Bordeaux cite la phrase suivante de Chateaubriand en précisant quʼelle « termine une lettre à la duchesse de Duras [6 octobre 1814, à la Vallée-aux-Loups], alors à Dieppe » : « Dites à la mer toute ma tendresse pour elle ; dites-lui que je suis né au bruit de ses flots, qu’elle a vu mes premiers jeux, nourri mes premières passions et mes premiers orages, que je lʼaimerai jusqu’à mon dernier jour et que je la prie de vous faire entendre quelques-unes de ses tempêtes d’automne ». Portraits de femmes et d’enfants (1909), « L’ennemie de Chateaubriand », p. 157-158. Bordeaux reproduit le texte de la lettre citée tel que le donne A. Bardoux dans Études sociales et politiques : La Duchesse de Duras (Paris, Calmann-Lévy, 1898, p. 167). Proust a déjà évoqué les écrits de Chateaubriand dans une lettre du [28 mars (ou 4 avril?) 1904] à Henry Bordeaux (CP 00944 ; Kolb, IV, n° 48) — La citation de la lettre à la duchesse de Duras figure dans le Carnet 1, f. 19v : « Dites lui de vous faire/ qq. unes de ses tempêtes/ dʼautomne, dites lui que/ je suis né au bord/ des flots » (Carnets, p. 65). À cette période, Proust avait en effet écrit sur les tempêtes et le désir de voyage quʼelle provoquait chez le héros, en particulier dans le Cahier 2 : « Maman il y a une tempête, jʼai bien envie de profiter de ce que je suis levé pour partir à Brest. » (Cahier 2, f. 23v ; Essais, p. 747) ; ou dans le Cahier 3 : « Maman éclata de rire : “Décidément cʼest tout à fait un temps de tempête. Ce nʼest pas assez dʼaller à Dieppe, tu devrais aller en Bretagne, on sent que la mer doit être terrible”. » (Cahier 3, f. 40v ; Essais, p. 749). [PK, JA]
Note n°11
Portraits de femmes et d’enfants (1909), « L’Enfance de Mistral », p. 317-356. [PK]
Note n°12
Portraits de femmes et d’enfants (1909), « Une inconnue de Sainte-Beuve », p. 295-305. [PK]
Note
Henry Bordeaux Portraits de femmes et dʼenfants Madame de Charmoisy publisher pubPlace 1909
Note
Madame de Boigne Une passion dans le grand monde 1867 publisher pubPlace
Note
Madame de Boigne Récits d’une tante : Mémoires de la comtesse de Boigne publisher pubPlace 1907
Note
Henry Bordeaux Portraits de femmes et d’enfants L’Enfance de Mistral 1909 publisher pubPlace
Note
Henry Bordeaux Portraits de femmes et d’enfants Une inconnue de Sainte-Beuve 1909 publisher pubPlace


Mots-clefs :genèselecturessantésorties
Date de mise en ligne : August 26, 2024 14:40
Date de la dernière mise à jour : August 26, 2024 14:40
Surlignage


102 boulevard Haussmann

Mon cher ami

Je suis touché que vous vous
souveniez encore du malade et du
reclus, que vous lui envoyiez ces
beaux raisins de Savoie « avec
toutes leurs feuilles »
. Je les ai
savourés aussitôt reçus,
c’est à dire toute cette nuit. J’en
garde pour demain mais je n’ai
pas voulu tarder à vous dire


2

ma reconnaissance affectueuse.
Votre Madame de Charmoisy m’
a enchanté. Ah ! qu’il serait
bon parcourir avec vous ce pays
d’où vous faites lever comme
un blé mystique, cette moisson
de belles histoires. Quelques noms
liés dans mon souvenir à notre
rencontre là bas, me remplissaient
au passage de tristesse et de
poésie tandis que je lisais vos
pages d’où se découvre toujours

3

un si grand horizon, et que domine la leçon d’une
cime. Mais faut-il ce soir regretter ma vie
séquestrée ? Ne me suis-je pas tout à l’heure
promené une heure avec vous ? — . Vous êtes bien sévère
pour Madame de Boigne. Préjugé aristocratique, mon
dieu puisqu’elle l’avoue dans son roman, je ne peux le nier.
Mais il ne lui a guère mis dʼœillères. Un libéral d’
aujourd’hui ne jugerait pas les évènements d’alors d’un

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esprit plus libéral en effet, plus libéré, que cette dame
qui fut élevée avant la Révolution sur les genoux
de la Reine. Pour son « génie des noms » ne pas oublier que le prénom de M. d’Osmond était Raynulphe. Ce que vous avez sur le cœur c’est
M. de Boigne. Là je vous comprends. Et cela vous a très
noblement inspiré de belles pages et aussi toute cette
délicieuse annexe aux Mémoires, tout votre exquis
paysage de château, de parc et d’église. Vous m’étonnez
en citant cette belle phrase de Chateaubriand que je connais
bien et sur laquelle j’ai écrit, comme adressée à Me de

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Duras. Mes livres sont loin de mon lit,
je ne suis pas en état de me lever,
et ne veux pas sonner (il est quatre
heures du matin) mais je n’aurais pas cru
que ce fût adressé à elle. — . Votre
Mistral est magnifique et charmant.
Voilà tout ce que j’ai lu jusqu’à
présent (et lʼinconnue de Ste
Beuve
. Est-ce un artifice auquel
j’ai été pris, ou une réalité précieuse
où je vois malice). Comme lire,
écrire, me donne des maux de tête
et m’est défendu, j’en reste là et
vous envoie avec mes remerciements
ma bien sincère amitié

Marcel Proust

Surlignage
102 boulevard Haussmann

Mon cher ami

Je suis touché que vous vous souveniez encore du malade et du reclus, que vous lui envoyiez ces beaux raisins de Savoie « avec toutes leurs feuilles » . Je les ai savourés aussitôt reçus, cʼest-à-dire toute cette nuit. J’en garde pour demain mais je n’ai pas voulu tarder à vous dire ma reconnaissance affectueuse. Votre Madame de Charmoisy m’ a enchanté. Ah ! qu’il serait bon parcourir avec vous ce pays d’où vous faites lever comme un blé mystique, cette moisson de belles histoires. Quelques noms liés dans mon souvenir à notre rencontre là-bas, me remplissaient au passage de tristesse et de poésie tandis que je lisais vos pages d’où se découvre toujours un si grand horizon, et que domine la leçon d’une cime. Mais faut-il ce soir regretter ma vie séquestrée ? Ne me suis-je pas tout à l’heure promené une heure avec vous ?

Vous êtes bien sévère pour Madame de Boigne. Préjugé aristocratique, mon dieu puisqu’elle l’avoue dans son roman, je ne peux le nier. Mais il ne lui a guère mis dʼœillères. Un libéral d’ aujourd’hui ne jugerait pas les évènements d’alors d’un esprit plus libéral en effet, plus libéré, que cette dame qui fut élevée avant la Révolution sur les genoux de la Reine. Pour son « génie des noms » ne pas oublier que le prénom de M. d’Osmond était Raynulphe. Ce que vous avez sur le cœur c’est M. de Boigne. Là je vous comprends. Et cela vous a très noblement inspiré de belles pages et aussi toute cette délicieuse annexe aux Mémoires, tout votre exquis paysage de château, de parc et d’église. Vous m’étonnez en citant cette belle phrase de Chateaubriand que je connais bien et sur laquelle j’ai écrit, comme adressée à Me de Duras. Mes livres sont loin de mon lit, je ne suis pas en état de me lever, et ne veux pas sonner (il est quatre heures du matin) mais je n’aurais pas cru que ce fût adressé à elle.

Votre « Mistral » est magnifique et charmant. Voilà tout ce que j’ai lu jusqu’à présent (et lʼ« Inconnue de Sainte-Beuve ». Est-ce un artifice auquel j’ai été pris, ou une réalité précieuse où je vois malice). Comme lire, écrire, me donne des maux de tête et m’est défendu, j’en reste là et vous envoie avec mes remerciements ma bien sincère amitié.

Marcel Proust

Note n°1
Le papier de l’original est identique à celui de la lettre de Proust à Montesquiou du 16 février 1909 (CP 01936 ; Kolb, IX, n° 11). Lettre écrite peu après le 3 mars 1909 : voir la note 3 ci-après. [PK]
Note n°2
Citation d’un vers de Frédéric Mistral dʼ« Odo à Larmartino » (« Ode à Lamartine »). La quatrième strophe, que cite Proust, figure en tête de la seconde édition de Mirèio (Mireille, Charpentier, 1860) dédiée à Lamartine : « Je te consacre Mireille : c’est mon cœur et mon âme, / C’est la fleur de mes années, / Ce sont des raisins de Crau qu’avec toutes leurs feuilles / T’offre un paysan […] » . Le poème entier composé de six quatrains en provençal est publié dans le recueil Lis Isclo d’Or (Les Iles d’Or, 1876). (« À Lamartine », Les îles d’Or, édition A. Lemerre, 1943, p. 484). [MM, JA]
Note n°3
Allusion à la première des études de lʼouvrage du destinataire, Portraits de femmes et d’enfants : Mme de Charmoisy — La comtesse de Boigne — Mme de Charrière — Mlle de Lespinasse — Trois comédiennes — Une inconnue de Sainte-Beuve — L’enfance de Bayart — L’enfance de Mistral. (Librairie Plon, Paris, 1909). La Bibliographie de la France (IIIe partie, p. 562, 26 février 1909) annonce ce livre : « Pour paraître le 3 mars ». [PK]
Note n°4
C’est en 1899 que Proust avait rencontré le destinataire lors d’un séjour à Evian. Voir la lettre de Proust à Robert de Montesquiou du [26 ou 27 mai 1905] (CP 01227 ; Kolb, V, n° 90) et sa note 5. Ils sʼétaient rencontrés au château de Coudrée chez Mme Anatole Bartholoni, qui avait été dame dʼhonneur de lʼImpératrice Eugénie (Voir Pyra Wise, « Lettres de Marcel Proust conservées dans le fonds Henry Bordeaux à Chambéry », BIP, n° 36, 2006, p. 11). [PK]
Note n°5
Henry Bordeaux se montre en effet assez critique à lʼégard de Mme de Boigne : « Tout de suite, elle revendique l’ancienneté de sa race. Ainsi, une héroïne d’Une passion dans le grand monde (Michel Lévy frères, 1867, tome 1 ; tome 2), sous les traits de qui nous la retrouverons plus d’une fois, “avait pour son nom une passion qui n’est plus de son siècle” ». Portraits de femmes et d’enfants (1909), p. 103 ; « [...] le mérite ne valait pour elle, qu’appuyé sur l’ancienneté du nom », p. 111 ; « Elle-même montra vis-à-vis de son mari tous les partis-pris mesquins et bornés du dix-huitième siècle », p. 120-121. [PK, JA]
Note n°6
« J’ai été littéralement élevée sur les genoux de la famille royale ». Récits d’une tante : Mémoires de la comtesse de Boigne née d’Osmond publiés d’après le manuscrit original par M. Charles Nicoullaud I (1781-1814). Portrait en héliogravure et fac-similé d’autographe, Librairie Plon, 1907, p. 71. À la parution de lʼouvrage, Proust lui avait consacré un article (« Journées de lecture », Le Figaro, 20 mars 1907 ; Essais, p. 272 et suivantes). Voir aussi note 7. [PK, JA]
Note n°7
Allusion au père de Mme de Boigne : Rainulphe-Eustache marquis d’Osmond (1751-1838), diplomate français et pair de France. Le neveu de Mme de Boigne, à qui elle dédia ses Mémoires (5 tomes), portait le même prénom de Rainulphe. Dans son article du Figaro, « Journées de lecture » (20 mars 1907) consacré à ces Mémoires, Proust écrit : « Et je me souviens que mes parents ont bien souvent dîné avec le neveu de Mme de Boigne, M. d’Osmond, pour qui elle a écrit ces mémoires et dont j’ai trouvé la photographie dans leurs papiers avec beaucoup de lettres qu’il leur avait adressées » (Essais, p. 277). A propos d’Une passion dans le grand monde (tome 1 ; tome 2), dont il trouve la lecture « tout à fait affligeante » et d’une « puérilité sentimentale » extrême, Bordeaux avoue cependant : « on ne saurait refuser à l’auteur le génie des noms », citant en exemple le jeune héros du roman : Romuald de Beauréal. Portraits de femmes et d’enfants (1909), « Le salon de Mme de Boigne », p. 93. [PK, JA]
Note n°8
Bordeaux montre combien le portrait du comte de Boigne donné par sa femme s’éloigne des faits. Il affirme que Guizot, ainsi que Mme Lenormant l’ont vieilli de dix ans. — Le comte de Boigne, était le fils d’un marchand de fourrures et d’Hélène Gabet, qui appartenait à la bourgeoisie savoisienne. Victor-Emmanuel (1759-1824), roi de Sardaigne, premier roi de Piémont et duc de Savoie, lui avait conféré le titre héréditaire de comte et le grade de lieutenant général. Portraits de femmes et d’enfants (1909), « Le Général de Boigne », p. 108-125. [PK]
Note n°9
Allusion aux deux dernières parties de lʼétude sur Mme de Boigne : Portraits de femmes et d’enfants (1909), « Mme de Boigne à Buisson-Rond » et « Les deux vieillesses ». [PK]
Note n°10génétique
Henry Bordeaux cite la phrase suivante de Chateaubriand en précisant quʼelle « termine une lettre à la duchesse de Duras [6 octobre 1814, à la Vallée-aux-Loups], alors à Dieppe » : « Dites à la mer toute ma tendresse pour elle ; dites-lui que je suis né au bruit de ses flots, qu’elle a vu mes premiers jeux, nourri mes premières passions et mes premiers orages, que je lʼaimerai jusqu’à mon dernier jour et que je la prie de vous faire entendre quelques-unes de ses tempêtes d’automne ». Portraits de femmes et d’enfants (1909), « L’ennemie de Chateaubriand », p. 157-158. Bordeaux reproduit le texte de la lettre citée tel que le donne A. Bardoux dans Études sociales et politiques : La Duchesse de Duras (Paris, Calmann-Lévy, 1898, p. 167). Proust a déjà évoqué les écrits de Chateaubriand dans une lettre du [28 mars (ou 4 avril?) 1904] à Henry Bordeaux (CP 00944 ; Kolb, IV, n° 48) — La citation de la lettre à la duchesse de Duras figure dans le Carnet 1, f. 19v : « Dites lui de vous faire/ qq. unes de ses tempêtes/ dʼautomne, dites lui que/ je suis né au bord/ des flots » (Carnets, p. 65). À cette période, Proust avait en effet écrit sur les tempêtes et le désir de voyage quʼelle provoquait chez le héros, en particulier dans le Cahier 2 : « Maman il y a une tempête, jʼai bien envie de profiter de ce que je suis levé pour partir à Brest. » (Cahier 2, f. 23v ; Essais, p. 747) ; ou dans le Cahier 3 : « Maman éclata de rire : “Décidément cʼest tout à fait un temps de tempête. Ce nʼest pas assez dʼaller à Dieppe, tu devrais aller en Bretagne, on sent que la mer doit être terrible”. » (Cahier 3, f. 40v ; Essais, p. 749). [PK, JA]
Note n°11
Portraits de femmes et d’enfants (1909), « L’Enfance de Mistral », p. 317-356. [PK]
Note n°12
Portraits de femmes et d’enfants (1909), « Une inconnue de Sainte-Beuve », p. 295-305. [PK]
Note
Henry Bordeaux Portraits de femmes et dʼenfants Madame de Charmoisy publisher pubPlace 1909
Note
Madame de Boigne Une passion dans le grand monde 1867 publisher pubPlace
Note
Madame de Boigne Récits d’une tante : Mémoires de la comtesse de Boigne publisher pubPlace 1907
Note
Henry Bordeaux Portraits de femmes et d’enfants L’Enfance de Mistral 1909 publisher pubPlace
Note
Henry Bordeaux Portraits de femmes et d’enfants Une inconnue de Sainte-Beuve 1909 publisher pubPlace


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Date de mise en ligne : August 26, 2024 14:40
Date de la dernière mise à jour : August 26, 2024 14:40
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